Après l’Amérique latine, les résistances en Europe, le monde arabe en ébullition, ce n’est pas fini ! « UFAL – Union des FAmilles Laïques
Après l’Amérique latine, les résistances en Europe, le monde arabe en ébullition, ce n’est pas fini !
Par Bernard Teper
Mardi 15 février 2011
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Pendant que de nombreux militants français se lamentent après le passage en force de la droite néolibérale sur le dossier des retraites, beaucoup d’esprits fatalistes sont gagnés par une morosité qui n’a aucun fondement théorique et pratique. D’abord parce que le mouvement des retraites a été puissant et soutenu par 70 % de la population. Nous n’avons pas réussi à empêcher la loi mais nos forces sont intactes et peuvent repartir demain. Ensuite, sauf une fois (le programme consistant du Conseil national de la
Résistance, qui a été largement appliqué), toutes les transformations sociales et toutes les avancées ont été réalisées par
des mouvements sociaux se transformant en mouvement de masse, les
partis politiques ne faisant que prendre acte du mouvement social dans la mesure où il n’y avait pas de programme politique conséquent
(Révolution française, mouvements révolutionnaires du 19e siècle,
1936 où le mouvement de masse a imposé les 40 heures et les congés
payés non prévus dans le programme du Front populaire, Mai 68, etc.).
En fait, que ce soit dans des pays dictatoriaux ou dans des pays où la
démocratie a profondément régressé (en Europe notamment), il y a de
moins en moins de possibilités d’avancer par des processus
démocratiques qui n’existent pas ou ont trop profondément régressé (la
France a refusé le Traité de Lisbonne et il s’applique à la France !).
La régression du processus démocratique en France fait que
l’oligarchie soutenue par les grands médias nous donne le choix entre Nicolas
Sarkozy ou celui qu’il a lui-même nommé au FMI, Dominique Strauss-Kahn ! La Tunisie, l’Égypte montrent donc la voie à
suivre partout où la croissance ne permet pas aux régimes dictatoriaux
ou oligarchiques de distribuer de la richesse (l’actuelle stabilité
relative de la Chine est due à un taux de croissance donnant des
marges de manœuvre économiques et sociales non négligeables et qui
permet une croissance du marché intérieur et des luttes sociales de
plus en plus fréquentes) et où l’oligarchie détourne les richesses du
pays par des pratiques maffieuses. Le détonateur tunisien a été l’alliance des jeunes diplômés
principalement au chômage avec les jeunes ouvriers et employés
tunisiens travaillant dans l’économie tunisienne (et notamment
l’industrie, plus importante que ne le croient les bobos français et les
belles âmes des couches moyennes supérieures qui ne considèrent la
Tunisie que comme une destination touristique), eux qui voyaient l’oligarchie
maffieuse des Ben Ali-Trabelsi organiser les détournements. C’est
la même chose en Égypte où les grands médias font le
black-out sur les mouvements sociaux et de grève qui touchent
aujourd’hui des centaines de milliers d’Egyptiens. C’est donc bien une
révolte politique de grande ampleur doublée de mouvements sociaux
importants qui est à l’œuvre dans ces deux pays.
Dans les deux cas, l’administration étasunienne a joué l’armée contre les dictateurs.
Elle a modifié sa doctrine habituelle. C’est donc dans les deux cas,
l’armée qui devra organiser la transition en composant avec le
mouvement de révolte politique et les mouvements sociaux en plein
développement. En Tunisie, il est possible que l’armée écartée de la
vie économique va demander d’y accéder voire d’augmenter le budget de
l’armée. En Égypte, où l’armée est très liée à la vie économique, elle
va demander le statu quo sur ce point. Comment cela va se terminer
demandent les bobos et les belles âmes des beaux quartiers ? On en sait
autant que dans tous les mouvements sociaux et politiques antérieurs
au début du processus. C’est alors l’action consciente des militants
organisés en partis, en syndicats, en opérateurs d’éducation
populaire, qui tentera d’empêcher l’armée ou l’oligarchie ou les deux
de reprendre le contrôle de la situation. Comme d’hab… Bien évidemment, ceux qui alors ne sont pas organisés pour agir dans ces
moments cruciaux ne peuvent qu’être spectateur plus ou moins
conscients.
Première leçon de stratégie, au lieu de jouer les nouveaux
Fourier qui construisent à froid l’avenir du monde qui ne se réalisera
jamais, il convient pour les militants conscients d’être organisés et
prêts au moment des situations cruciales. Vouloir commencer à faire
quelque chose une fois la situation en place ne sert à rien, car c’est
trop tard ! Comme disait le vieux barbu du 19e siècle, c’est la
situation matérielle qui commande et non les constructions
intellectuelles déconnectées de la pratique sociale ! Mais c’est
l’action collective organisée dans la situation concrète qui peut
modifier ladite situation.
Les bobos et les belles âmes des beaux quartiers pleurent le risque de
l’arrivée des islamistes après la chute des dictatures maffieuses. Ils
rejoignent là leurs collègues qui souhaitent s’allier avec les
islamistes, soi-disant nouveaux leaders des « pauvres » contre
l’impérialisme étasunien ! Dans les deux cas, les bobos et les belles âmes utilisent la même stratégie, celle du « les ennemis de mes ennemis deviennent des amis » !
Deuxième leçon de stratégie : contre le turbocapitalisme, la seule stratégie qui
fonctionne est la stratégie dite du double front : contre le système
capitaliste et contre les régressions communautaristes et intégristes.
C’est cette stratégie qui est dans la tête des mouvements sociaux et
politiques en Iran, en Tunisie, en Égypte, en Algérie, au Yémen.
Les bobos et les belles âmes, toujours en retard d’un métro, ne voient
pas la poutre qu’ils ont dans l’œil. En fait, les mouvements sociaux
et politiques en Iran, en Tunisie, en Égypte, en Algérie, n’ont
pratiquement plus de slogans liés à l’islam comme dans les années 70
et 80, les revendications ne portent plus sur le nationalisme arabe,
pas plus que sur le grand Satan étasunien et son complice Israël. Les slogans sont séculiers : « Ben Ali, Moubarak, dégage ! » et la
démocratie, les conditions matérielles de vie, les conditions
politiques d’organisation sociale tiennent le haut du pavé des
revendications. Que cela ne soit pas suffisant pour prédire l’avenir,
c’est sûr ! Mais est-ce que le rôle d’un citoyen éclairé ou d’un
militant conscient est de prédire l’avenir ? Laissons cela aux
astrologues, aux bobos et belles âmes ou autres diseuses de
bonne aventure !
Troisième leçon de stratégie : le rôle d’un militant
conscient et d’un citoyen éclairé est d’être prêt dans les grandes
occasions.
Une grande révolte politique et de forts mouvements sociaux
n’impliquent pas ipso facto l’arrivée du bien personnifié. Mais ils en
sont la condition première. C’est aux acteurs sociaux et politiques
organisés (partis politiques, syndicats, associations d’éducation
populaire, armée) de faire des propositions et d’armer
intellectuellement et politiquement le peuple.
Une autre illusion d’optique des bobos et les belles âmes est que
la poutre qu’ils ont dans l’œil les empêche de voir l’énorme processus
de sécularisation des pays arabes et/ou musulmans. Quand le sage
montre la lune, les bobos et les belles âmes regardent le doigt !
Ils n’ont pas encore compris l’un des nombreux paradoxes du
turbocapitalisme à savoir que le processus de sécularisation va de
pair avec le développement des structures communautaristes et
intégristes par ce que ces dernières ont été formés et sont toujours
financés par la gouvernance mondiale du turbocapitalisme.
De plus, nous sommes dans une période plus favorable qu’à la fin des
années 70 ou l’islamisme chiite prônait une redistribution des
richesses, une étatisation de l’économie et une défense des plus
pauvres.
Aujourd’hui, l’extrême droite chiite est sur le reculoir
comme l’ont montré les puissantes manifestations de l’année dernière.
Les Frères musulmans, autre islamisme sunnite cette fois-ci, sont
entrés dans une alliance avec les politiques néolibérales depuis qu’ils ont approuvé la contre-réforme régressive agraire de la dictature
égyptienne dirigée par Hosni Moubarak qui permettait aux propriétaires
des baux d’en augmenter fortement le prix et de renvoyer les fermiers.
La situation est donc plus ouverte bien que l’avenir n’est pas écrit
dans le marbre .
Aux partisans de la laïcité et de la république sociale d’agir en
conséquence. Informons sur la réalité de ce qui se passe aujourd’hui
dans les pays arabes et, ou musulmans. Continuons notre travail
d’éducation populaire tourné vers l’action tant sur les dossiers
français (protection sociale, services publics, école, économie,
logement, etc.), européens mais aussi à l’international. Mais pour
cela, il est nécessaire de se rassembler. Rassemblons-nous pour agir
ensemble.
par Bernard Teper
Responsable du secteur Éducation populaire
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dimanche 20 février 2011
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