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mercredi 16 février 2011

Fédéraux & Confédérés - Dau ! dau ! Prouvençau !

Fédéraux & Confédérés - Dau ! dau ! Prouvençau !
Fédéraux & Confédérés
par daudau @ 2011-01-14 – 19:19:11
Yves Gourgaud, de l'association Lou Clu en Ceveno, livre dans le texte suivant quelques réflexions visant à favoriser le dialogue que L'Alliance des langues d'oc propose au Félibrige :

FEDERAUX ET CONFEDERES

Quand on m'apprenait à l'école la Guerre de Sécession, j'avais beaucoup de mal à comprendre la différence entre « Fédéraux » et « Confédérés », et je ne devais pas être le seul, car le dictionnaire donne de la Fédération et de la Confédération des définitions qui ne s'opposent pas radicalement :

Fédération : Association de plusieurs Etats particuliers en un seul Etat collectif

Confédération : Union de plusieurs Etats qui se soumettent à un pouvoir général, tout en conservant une certaine autonomie

On comprend que toute la différence se situe dans le degré d' autonomie que réclament (ou qu'on accorde) aux Etats en question et que la Fédération est plus centralisée que la Confédération.
On comprend aussi qu'il n'y a pas là de quoi s'étriper, et que s'il y eut aux USA une guerre civile, la raison des luttes doit être trouvée ailleurs : dans le problème de l'esclavage, en tout premier lieu.
J'ai l'impression que nous rejouons (à notre minuscule niveau, et avec des moyens de destruction heureusement plus symboliques) la Guerre de Sécession...
D'un côté, les Fédéraux : le Félibrige, tenant de l'unité de « LA langue d'oc », organisation qui fédère plusieurs « états » (les Maintenances) en leur imposant (dans ses Statuts) une « langue officielle » qui est celle de l'Etat le plus puissant : le provençal, dans sa graphie historique mistralienne.
De l'autre, les Confédérés : l'Alliance des Langues d'oc, tenant de la diversité « DES langes d'oc », organisation qui chapeaute plusieurs « Etats » (les associations qui représentent la pluralité des langues) en ne leur imposant (dans ses Statuts) aucune « langue officielle », chaque « Etat » ayant la pleine et entière liberté de régler comme il l'entend ses problèmes linguistiques, et donc en particulier les problèmes graphiques.
Et comme pour notre exemple historique, chacun comprendra que cette différence ne mériterait pas à elle seule la guerre que se livrent les deux organismes : il y a, là aussi, une raison bien plus concrète de s'opposer, et cette raison est bien entendu (comme depuis plus d'un siècle déjà) l'occitanisme, ses conceptions graphiques et ses idéaux politiques.



C'est, en réalité, une partie à trois qui se joue en ce moment, et cette partie ressemble souvent à du poker menteur : le Félibrige est tout sucre tout miel devant l'occitanisme, mais la sagesse populaire ne l'affirme-t-elle pas : « on ne prend pas les mouches avec du vinaigre » ? La stratégie consiste à amadouer les éléments les plus radicaux de l'occitanisme pour ramener vers le Félibrige les éléments les plus modérés (« nous travaillons ensemble, et nous constatons que ces félibres ne sont pas si « réactionnaires » ni « vieilles barbes » que ce qu'on croyait »)
De son côté, l'occitanisme militant (de loin le plus représentatif : le militantisme caractérise ce mouvement) fait le même pari : « en travaillant avec nous, les félibres verront bien que nous ne sommes pas si « sectaires » ni « anti-mistraliens » que ce qu'ils croyaient ».

Le tout est de savoir, comme dans la fable, qui tirera les marrons du feu : la philosophie graphique des occitanistes est en opposition frontale, mortelle, avec celle des mistraliens (et des patoisants, qu'il ne faudrait pas oublier). Vouloir, par la graphie, effacer les différences dialectales, c'est aller jusqu'au bout de la philosophie « centraliste » contenue en germe dans l'idée fédérale : à terme, l'idéal occitaniste reste bien la graphie unique, et au-delà la langue unique, donc la disparition du Félibrige ou plutôt de l'idéal mistralien de la graphie d'oc tel qu'il est concrètement consigné dans le Trésor du Félibrige (ce titre est loin d'être innocent).
Car on peut parfaitement imaginer que le Félibrige soit absorbé par l'occitanisme : il n'y a pas que les occitans qui fassent remarquer que, dans une perspective démocratique, l'imposition à tous les félibres d'une langue et d'une graphie officielles fait problème. Il y a là un « fait du prince », un « droit de chef-d'œuvre » qui pourrait bien un jour être balayé par une modification des Statuts : rien n'empêcherait alors un « non provençal-mistralien » d'être élu Capoulier, et ce nouveau Capoulier de s'exprimer en occitan, tant à l'oral qu'à l'écrit...
Bien sûr, ces perspectives feront sourire ou enrager les dirigeants du Félibrige actuel, parce qu'elles supposent qu'ils perdent cette bataille d'influence dont je parlais plus haut. Pourtant, quand on engage une lutte, il est utile, voire indispensable, d'envisager une défaite avec ses conséquences. Que le Félibrige se prenne pour le pot de fer, rien de plus naturel ; mais d'autres peuvent craindre pour lui la destinée du pot de terre.

C'est bien cette crainte concrète (voir le Félibrige vaincu par l'occitanisme, et assimilé par lui) qui nous anime, nous les confédérés de l'Alliance. Dans cette partie à trois, nous n'avons aucun problème avec l'occitanisme : nous n'envisageons pas la moindre concession, pas la moindre alliance, pas le moindre compromis avec cette idéologie que nous jugeons mortifère pour nos langues. Et à ceux qui nous disent, de bonne foi : « vous vous trompez d'adversaires : l'ennemi n'est pas l'occitan, mais le français », nous répondons, au risque de provoquer incompréhension ou fureur : « entre une société qui imposerait l'occitan langue unique dans toutes les terres d'oc, et une société qui imposerait le français, nous choisissons clairement et irrévocablement la seconde »
Et pas pour le plaisir de contredire ou de provoquer. Nous croyons sincèrement que le projet occitaniste (imposer par la loi la pratique d'une langue qui n'est pas celle, vécue, d'un territoire concret) est non seulement irréaliste mais anti-démocratique. Le français s'est imposé, au XIXe siècle, par la force voire la violence, mais du moins cette imposition répondait-elle à une réalité politique et économique : le français était (reste encore) une grande langue internationale. Imaginer qu'aujourd'hui notre peuple puisse vouloir (même sous la contrainte de la loi) remplacer cette langue par un « occitan » qui n'aurait même pas le goût du terroir nous semble être un projet d'illuminés ou de terroristes, sûrement pas de démocrates.
Je vais prendre un exemple concret : dans leur « projet de loi » commun, occitanistes et Félibrige proposent un usage officialisé de l' « occitan-langue d'oc » et donnent comme application souhaitable l'édition de formulaires bilingues dans les bureaux de poste. Imaginons que cette demande soit réalisée et que tous nos concitoyens aient à leur disposition des formulaires à remplir soit en français soit en « occitan-langue d'oc » : y a-t-il un seul d'entre mes lecteurs qui puisse imaginer qu'un seul usager puisse choisir cette « langue d'oc » et abandonner le français ?? Je parle des usagers normaux, bien entendu, pas de la minuscule poignée de militants du « tout occitan ». Voilà le genre d'initiative qui nous semble relever de la pure propagande ou du pur fantasme : combien de félibres seraient prêts à payer des impôts (car il faudrait bien financer ce genre d'initiatives) pour avoir le « plaisir » de voir sur des formulaires à la poste une langue que personne n'utilisera ?
Qu'on ne nous serve pas de grands discours sur le thème : « si notre langue était officielle, elle serait massivement redécouverte et donc employée » : allez donc voir du côté de l'Irlande qui, au terme d'une lutte sanglante pour son indépendance, impose par la loi l'officialité de la langue irlandaise. Trois quarts de siècles d'irlandais-langue-officielle n'ont pas empêché le déclin de cette langue au profit de celle des ennemis : en effet, l'anglais, comme le français, est une langue qu'on peut détester dans les conversations de salon, mais qu'on ne peut abandonner dans la vie courante.

La démarche des occitanistes (et donc de leurs alliés actuels du Félibrige), je le répète, ne nous semble pas viable : ni réaliste ni démocratique. N'allons pas chercher plus loin ce qui nous oppose le plus radicalement : le Félibrige croit que, l'union faisant la force, il obtiendra, avec ses alliés occitanistes, des avancées dans le domaine législatif. Nous croyons, quant à nous, qu'il n'y aura avec l'occitanisme nulle avancée : tout au contraire, des régressions dramatiques dans le sentiment, encore très fort, d'appartenance à une « région », un « pays » à taille humaine, ce que n'est pas la prétendue « Occitanie » fût-elle baptisée « Provence » à la mode mistralienne, ou « Pays d'oc ». Prétendre que Nice et Limoges sont d'une seule et même communauté est une affirmation d'intellectuels, certes respectable mais très loin du ressenti de Monsieur tout le monde : allez dire à un Niçois « exilé » à Paris et qui vient d'être nommé à Limoges qu'il a bien de la chance de retrouver son pays...
Nous croyons, à l'Alliance, que la seule façon de sauvegarder notre patrimoine linguistique est de le relier fortement à ses racines territoriales, et de faire pour cela confiance au sentiment identitaire des gens. Là où ce sentiment identitaire est fort (en Cévennes, on ne se sent ni « occitan » ni « languedocien » ni « provençal » : juste et simplement « cévenol »), on constatera que la langue est encore bien vivante. Qu'on l'appelle spontanément « patois » est pour nous un facteur positif : Larousse, Mistral et La Fare sont d'accord pour trouver dans « patois » la racine « patrie », ce qui nous convient parfaitement (alors que les occitanistes et une partie des félibres y voient une origine péjorative « patte », synonyme de « lourdaud », « bestial », etc.)
On le voit : derrière l'opposition « fédéraux-confédérés » se cache une opposition « occitanistes- anti-occitanistes », et derrière celle-ci une opposition de stratégies : nous croyons que la potion occitano-félibréenne pourrait bien tuer le malade qu'elle veut guérir. Il va de soi que nos adversaires pensent exactement la même chose de notre stratégie, qu'ils jugent pour leur part suicidaire : selon eux, le morcellement de la Terre d'oc conduira à un affaiblissement fatal et donc à la mort.

Au milieu de tout cela, où en est le « dialogue » entre mistraliens sur le point purement linguistique : y a-t-il une ou des langue(s) d'oc ? Le Félibrige a émis un vœu pour un tel dialogue avec l'Alliance ; Yan Lafitte, le coordonnateur de l'Alliance, a répondu qu'il était prêt à dialoguer, sur la base de documents concrets. Il a, pour sa part, co-écrit tout un ouvrage (La « Langue d'oc » ou leS langueS d'oc ?, Pyrémonde 2009, 212 pages) qui présente notre point de vue, évidemment soumis à discussion voire à réfutation. Il demande que le Félibrige présente à son tour ses arguments et pièces à conviction, afin qu'un échange concret puisse avoir lieu.
Le problème semble être que le Félibrige n'a pas de linguistes qui aient travaillé sur le sujet, ce qui est un peu surprenant : il estime représenter la « pensée linguistique mistralienne » (cette prétention est historiquement recevable) mais il ne présente aucun document linguistique qui permette de travailler concrètement (lire, discuter, approuver ou critiquer). C'est l'occasion de redire aux responsables du Félibrige (et j'entends par là l'ensemble des Majoraux et Syndics) que l'Alliance est ouverte au dialogue, mais au dialogue sérieux : les rapports individuels, aussi ouverts et courtois soient-ils, ne sauraient se substituer à la confrontation des idées et des pratiques.
Nous avons la grande chance, à l'Alliance, de disposer des compétences indiscutables de deux linguistes : Jean Lafitte (de plus coordonnateur de l'Alliance) dans le domaine de la « linguistique pure », et Philippe Blanchet dans le domaine de la sociolinguistique ; mais pour sa part le Félibrige a sûrement des personnalités capables d' établir les documents qui affirment et/ou confirment les positions linguistiques assumées par sa direction, et qui seraient celles de Mistral lui-même.

Nous estimons, preuves et citations à l'appui, que Mistral ne fut pas un génie en matière de linguistique : si le Félibrige pense le contraire, qu'il veuille bien nous montrer leurs Tables de la Loi linguistique selon Mistral, afin que nous puissions avoir une confrontation fructueuse des textes et des points de vue. Et par la même occasion, nous attendons du Félibrige une critique de nos propres positions, telles qu'exprimées dans l'ouvrage cité plus haut, qui fut édité sous le patronage de l'Alliance des Langues d'oc et qui en donne donc la position officielle, assumée devant l'opinion publique.
J'espère que mes lecteurs seront convaincus, à la lecture de ce message, qu'il ne recouvre aucune intention polémique : j'ai essayé de voir ce qui fait obstacle, et les conditions du dialogue entre mistraliens.
J'ajoute que je ne suis en aucune façon mandaté par l'Alliance des Langues d'oc, et que les opinions exprimées ici, strictement personnelles, ne reflètent pas obligatoirement les positions de ladite Alliance. C'est pourquoi je me sens libre d'envoyer ces réflexions à des partisans comme à des adversaires de l'Alliance (sans compter ceux qui sont d'Auriou !)

En toutes, amistanço e joio !

Ive Gourgaud, Mai 2010

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