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blog destiné à mes amis ,concerne : la Provence,l'Occitan,la Corse, la langue d'Oc, etc !!!

vendredi 18 février 2011

Mon Occitània

Mon Occitània

La Vergonha, qui signifie honte en occitan et se prononce [beɾˈguɲɔ], fait référence en Occitanie à l'ensemble des effets néfastes qu'ont eus diverses politiques gouvernementales en France sur des enfants et des citoyens français dont la langue maternelle constituait l'un des prétendus ''patois'' — qu'il conviendrait plus justement d'appeler des langues non officiellement reconnues parlées sur le territoire de l'État français, — et en particulier la langue d'oc. La Vergonha consiste au rejet forcé et honteux de sa langue natale non française (ou de celle de ses parents) par le biais de l'exclusion officielle, de l'humiliation à l'école et/ou de l'ostracisme médiatique organisés et justifiés par les responsables politiques français, d'Henri Grégoire à Nicolas Sarközy. La Vergonha peut être considérée comme une tentative de linguicide à l'échelle d'un pays, comme la suite le démontre.

1 Fin XVIIIe à fin XIXe siècle
1.1 La nécessité d'anéantir les patois
1.2 La fin des provinces occitanes traditionnelles

2 Politique et héritage de Jules Ferry
2.1 Humiliations à l'école
2.2 Rôle de l'Église

3 Mi-XXe siècle à nos jours
3.1 Problèmes constitutionnels
3.2 L'héritage occitan

En 1539 déjà, avec l'Article 111 de l'Ordonnance de Villers-Cotterêts, les langues non françaises de France subirent un revers majeur en ceci qu'il devint obligatoire de ''prononcer et expedier tous actes en langaige françoys''. Conçu à l'origine comme un moyen de se débarrasser du latin dans les textes officiels — peu de sujets du XVIe siècle ayant l'éducation nécessaire à la compréhension du latin, — il stipulait également que le français, et lui seul, serait désormais légal dans le royaume (''en langage maternel françoys et non aultrement'').

FIN XVIIIe À FIN XIXe SIÈCLE
La nécessité d'anéantir les patois
Cependant, le véritable début de l'éradication délibérée des langues vernaculaires dans la France moderne, ainsi que leur relégation méprisante au rang de simples dialectes souvent strictement oraux, se situe dans le Rapport sur la nécessité et les moyens d'anéantir les patois et d'universaliser la langue française que l'Abbé Grégoire présenta le 4 juin 1794 à la Convention nationale et qui s'ensuivit du bannissement officiel de toute langue autre que le français dans l'administration et l'éducation dans le but d'uniformiser linguistiquement la France post-révolutionnaire à une époque où seuls dix pour cent de la population parlaient couramment le français, c'est-à-dire quelque trois millions sur un total de vingt-huit.

Quant au choix très péjoratif du mot "patois", qui n'est qu'un synonyme très imparfait de "dialecte" ou "parler", Jean Jaurès reste célèbre pour avoir déclaré qu'"on appelle patois la langue d'un peuple vaincu". Selon le Chambers Dictionary, l'origine du terme est disputée mais pourrait être une "corruption de patrois, du latin vulgaire patriensis, autochtone".

Quatre mois plus tôt, le 27 janvier, Bertrand Barère de Vieuzac, tout Occitan de Tarbes qu'il fût lui-même, avait déclaré devant cette même Convention que:

La monarchie avait des raisons de ressembler à la tour de Babel; dans la démocratie, laisser les citoyens ignorants de la langue nationale, incapables de contrôler le pouvoir, c'est trahir la patrie... Chez un peuple libre, la langue doit être une et la même pour tous. [...] Combien de dépenses n'avons-nous pas faites pour la traduction des lois des deux premières assemblées nationales dans les divers idiomes de France! Comme si c'était à nous à maintenir ces jargons barbares et ces idiomes grossiers qui ne peuvent plus servir que les fanatiques et les contre-révolutionnaires!



La fin des provinces occitanes traditionnelles
Cette politique ultra-républicaine est particulièrement criante dans la façon que les frontières intérieures de la France furent redessinées, créant par là 83 départements. La loi passée le 22 décembre 1789, prit effet l'année d'après, le 4 mars 1790.

Au XXe siècle, ces départements furent regroupés en régions afin qu'il existât un trait d'union entre les départements et le sommet de l'État. Tandis que les régions devaient remplacer les anciennes provinces, elles n'en épousèrent pas forcément les contours. Comme le montre la carte, il y avait sept (puis onze) enclaves occitanophones dans la France d'avant 1789, telles que les puissants territoires du Languedoc et de Gascogne, mais celles-ci furent découpées en sept régions sans aucun égard que ce fût pour les identités culturelles et linguistiques. C'est ainsi que Provence-Alpes-Côte d'Azur naquit des morceaux de cinq provinces occitanes et que trois capitales disparurent au profit de Marseille alors que l'Auvergne vint à comprendre des entités à la fois occitanes et de langue d'oïl. De même, la ville de Nantes fut administrativement soustraite à la Bretagne, dont elle avait toujours été l'une des deux capitales traditionnelles avec Rennes; et la ville de Toulouse ne fut pas incluse dans la région Languedoc-Roussillon, quoiqu'elle fût la capitale historique du Languedoc.


Traditional Occitan provinces:
1. Béarn (Pau) — 6,800km² (est.)
2. Guyenne & Gascogne (Bordeaux) — 69,400km² (est.)
3. Limousin (Limoges) — 9,700km² (est.)
4. Comté de la Marche (Guéret) — 7,600km² (est.)
5. Auvergne (Riom) — 19,300km² (est.)
6. Languedoc (Toulouse) — 45,300km² (est.)
7. Dauphiné (Grenoble) — 8,500km² (est.)
8. Comté de Nice — 3,600km² (est.)
9. Provence (Aix-en-Provence) — 22,700km² (est.)
10. Comtat venaissin (Carpentras) — 3,600km² (est.)
11. Comté de Foix (Foix) — 3,300km² (est.) Régions de France:
A. Aquitaine (Bordeaux) — 41,308km²
B. Limousin (Limoges) — 16,942km²
C. Auvergne (Clermont-Ferrand) — 26,013km²
D. Rhône-Alpes (Lyon) — 43,698km²
E. Provence-Alpes-Côte d'Azur (Marseille) — 31,400km²
F. Languedoc-Roussillon (Montpellier) — 27,376km²
G. Midi-Pyrénées (Toulouse) — 45,348km²

- - -: frontière linguistique occitan / franco-provençal



Beaucoup de ces régions sont en effet des noms composés, ce qui reflète le mélange de multiples zones géographiques historiquement distinctes. Ceci est le cas de quatre des sept régions d'Occitanie: Languedoc-Roussillon, Midi-Pyrénées, Provence-Alpes-Côte d'Azur et Rhône-Alpes. En conséquence, les singularités pluricentenaires des différents pays occitanophones furent négligées et ébranlées dans un effort délibéré du gouvernement nouvellement formé pour affaiblir et diviser les domaines féodaux depuis longtemps établis de manière à ce que la France républicaine vînt à bout des affinités traditionnelles, comme Antonin Perbòsc le révèle dans la préface à son Anthologie:

Lorsque la Constituante créa les départements, son but avoué était bien d'effacer l'ancienne distinction géographique et historique des provinces; toutefois ce but ne fut pas atteint autant que certains l'eussent désiré: en général, les départements résultèrent de la fragmentation des provinces, assez rarement du groupement de parties provenant de provinces différentes. Si l'on peut reprocher à cette division territoriale d'être trop arbitraire et trop géométrique, que dire de ce dernier venu, le Tarn-et-Garonne, né du sénatus-consulte du 2 novembre 1808? Certes, on peut penser que le Centralisateur [Napoléon Ier] éprouva une vraie satisfaction à montrer qu'il était capable de faire mieux encore que les centralisateurs de la Constituante. Avec des lambeaux de Quercy, de Rouergue, d'Agenais, de Lomagne, de Gascogne et de Languedoc, créer une nouvelle unité si peu étendue et pourtant si diverse de sol, de langue, de race, quelle merveille! Et peut-être l'audacieux démiurge n'eut-il qu'un regret: celui d'être venu un peu trop tard pour découper sur ce modèle toutes les provinces de la vieille France...

En bref:
● Toulouse perdit 76% de son territoire du Languedoc
● Bordeaux perdit un peu plus de la moitié de son territoire de Gascogne et Guyenne
● Limoges bénéficia de 43% de zone administrative en plus
● Guéret, Pau, Foix, Riom, Aix-en-Provence, Grenoble, Carpentras (1791) et Nice (1860) perdirent leur statut de capitale
● Clermont-Ferrand, Montpellier et Marseille devinrent capitales de l'Auvergne, de Languedoc-Roussillon et de Provence-Alpes-Côte d'Azur, respectivement
● Le Languedoc fut divisé en cinq parts inégales, la plus grande formant Languedoc-Roussillon avec la province catalane du Roussillon
● Le Comté de la Marche, le Béarn, le Comté de Foix et plus tard le Comtat Venaissin et le Comté de Nice perdirent leur autonomie
● Provence-Alpes-Côte d'Azur est constitué de la Provence et du Comté de Nice ainsi que de petits bouts de trois autres provinces
● Le nord du Languedoc et du Comtat Venaissin et la partie occidentale du Dauphiné devinrent des minorités linguistiques dans la nouvelle région Rhône-Alpes
● L'Occitanie couvrait une surface d'un peu plus de 200.000km², deux fois la superficie de la Corée du Sud et un peu plus que celle du Sénégal, plus de vingt-trois fois celle de l'île de Corse
● La taille de la Gascogne et de la Guyenne était comparable à celle du Sierra Leone, de l'Éire, de la Géorgie et du Sri Lanka, ou huit fois supérieure à celle de la Corse
● La taille du Languedoc était comparable à celle du Danemark, de l'Estonie et du Bhoutan, et cinq fois supérieure à celle de la Corse
● La Gascogne et la Guyenne, le Languedoc, la Provence et l'Auvergne comptait pour 78,4% de l'Occitanie en termes de superficie terrestre, la Gascogne et la Guyenne représentant plus d'un tiers du total et le Languedoc presque un quart à eux seuls

POLITIQUE ET HÉRITAGE DE JULES FERRY
Humiliations à l'école
Dans les années 1880, Jules Ferry mit en place une série de mesures pour affiblir encore les langues ''régionales'' de France, comme le montre le rapport de Bernard Poignant à Lionel Jospin en 1998. Celles-ci incluaient le châtiment par leurs maîtres d'élèves pris à parler Occitan à Toulouse ou breton en Bretagne. Comme Pêr-Jakez Helias (1914-1995), l'auteur du roman à succès Le Cheval d'orgueil (1975), s'en rappelle dans cet entretien:

Maintenant je sais, j'ai appris qu'il y avait une politique gouvernementale dont le but avoué était de faire la France une et indivisible, et par conséquent les langues régionales devaient disparaître. Mais je ne le savais pas alors et peut-être que les instituteurs de la Troisième République le savaient, eux, quoique j'en aie interrogé certains et qu'ils l'aient tous nié. Leur travail à eux était de nous enseigner le français. Et ainsi, à l'école, on nous demandait de parler français. Chaque fois qu'on parlait breton, nous ne faisions pas notre part et nous méritions d'être renvoyés. Point.


D'autres humiliations bien connues comprenaient le coup du sabot, qui consistait à pendre un sabot autour des jeunes réfractaires, ce que cette jeune fille tient de ses grands-parents:

Mes grands-parents aussi parlent breton, mais pas avec moi. Quand ils étaient petits, on leur tapait sur les doigts si un mot de breton leur échappait. À l'époque, le français de la République une et indivisible devait régner dans toutes les écoles, et les récalcitrants étaient humiliés, un sabot autour du cou, ou à genoux sur une règle, sous le panneau: "Défense de cracher par terre et de parler breton." Alors, certains anciens ne veulent pas transmettre aux enfants cette langue qui attire des ennuis...

Cette pratique portait le nom de "symbole", officiellement, et de "vache", chez les élèves, les ''délinquants'' devenant des "vachards". Toute une panoplie d'objets étaient utilisés, non juste un sabot: des fers à cheval, de gros galets, des ardoises, des plaques de bois gravées d'un message, des pièces de monnaie affublées d'une croix... Voici par exemple les recommandations officielles d'un sous-préfet du Finistère au corps enseignant en 1845: "Surtout rappelez-vous, messieurs, que vous n'êtes établis que pour tuer la langue bretonne." Le préfet des Basses-Pyrénées au Pays Basque français écrivit en 1846: "Nos écoles au Pays Basque ont particulièrement pour objet de substituer la langue française au basque..."

Le recours à la pratique du sabot est confirmée par le site des Autonomes de Solidarité Laïques:

L'école a eu un rôle unificateur par la pratique de langue "noble" [le français] qui a réduit les parlers régionaux et patois. On cite l'humiliation du sabot attribué à l'élève à qui échappait un mot en langue populaire.

Quant aux pancartes, on les retrouvait aussi dans les écoles poitevines:

Il semblerait que ce fût l'instauration de l'école gratuite et obligatoire par Jules Ferry en 1881 qui ait vraiment concrétisé l'œuvre commencée quatre siècles plus tôt; la méthode de répression et d'humiliation entreprise porta ses fruits avec, par exemple, les fameux écriteaux stipulant dans les écoles: "Il est interdit de cracher par terre et de parler patois".

Le Conselh de Representacion Generala de la Joventut d'Òc, via le site de Youth of European Nationalities, rapporte que:

Notre langue [l'occitan] perdit son nom, devenant une sorte de "patois", d'abord à l'école, puis dans les familles à travers la culpabilisation des femmes dans leur éducation ("Interdit de cracher par terre et de parler patois") sous la IIIe République, Mussolini et Franco.

Le site du Confolentés Occitan (Limousin occitanophone) témoigne des méthodes employées par les autorités françaises tout au long du siècle passé:

Pour aider à effacer les identités régionales traditionnelles, on ne fit pas que décourager l'usage de la langue d'Òc: on l'empêcha activement. Les écoliers ont été punis pendant plusieurs générations d'avoir parlé leur langue natale dans l'enceinte scolaire. Le gouvernement français est parvenu à faire croire aux Occitans que leur langue n'est qu'un patois, qu'une forme corrompue de français utilisée exclusivement par les ignares et les rustres. Ce processus d'aliénation porte le nom de ''Vergonha'', ou la honte. Nombre d'occitanophones âgés continuent de considérer leur langue maternelle comme un patois honteux. C'est ainsi qu'on ne l'entend que rarement en public — ou hors du cercle familial et du voisinage immédiat.

À l'école de Camélas en Catalogne Nord, selon une ancienne élève dans Quatre femmes en Roussillon, émission télévisée du 1er avril 1973:

Et sauf les enfants de l'instituteur, nous parlions tous catalan entre nous. Nous nous faisions d'ailleurs punir, parce qu'à l'époque il fallait que tout le monde parle français. ''Soyez propres, parlez français!'' C'était marqué sur tous les murs de l'école. Et si l'on ne parlait pas français, on nous donnait une espèce de petite plaque en bois qu'il fallait refiler au voisin jusqu'à ce que mort s'en suive, c'est-à-dire que le dernier, le soir, avait vingt lignes à copier. On parlait français dans la cour, on parlait français peut-être dix mètres sur le chemin, tant qu'on pensait que l'instituteur pouvait nous entendre, et puis on se remettait à notre langue maternelle qui était le catalan.

À ce moment-là, on méprisait un peu celui qui parlait catalan. Ç'a été ma génération où on a ressenti que de parler catalan, c'était un peu une tare, qu'on était moins que les autres, qu'on risquait de ne pas pouvoir monter dans l'échelle sociale comme les autres, que ça créait des difficultés.

Comme ces exemples le montrent, les propres termes de l'Abbé Grégoire furent conservés pour désigner les langues de France: si la langue de Bretagne s'appelait bien breton, le mot "patois", lui, englobait toutes les langues romanes, entre autres l'occitan et l'arpitan. Dans son Rapport, le corse et l'alsacien étaient traités avec mépris de formes ''très-dégénéré[e]s'' d'italien et d'allemand, respectivement. En conséquence, certains appellent encore leur langue "patois", encouragés par le fait qu'on ne leur a jamais appris à l'écrire et qu'on les a convaincus que seul le français s'écrit.

Rôle de l'Église
En 1902, lors d'un discours devant le Conseil Général du Morbihan, l'inspecteur général d'académie Dantzer préconisait que "l'Église n'administre la première communion qu'aux enfants francophones". La même année, Émile Combes, président du Conseil des ministres et occitan, déclara aux préfets du Morbihan, du Finistère et des Côtes-du-Nord que:

Les prêtres bretons veulent garder leurs ouailles dans l'ignorance en refusant de promouvoir l'éducation et en n'utilisant que la langue bretonne dans l'éducation religieuse et le catéchisme. Les Bretons feront partie de la République le jour qu'ils se mettront à parler français.

MI-XXe SIÈCLE À NOS JOURS
Comme Jaume Corbera Pou, linguiste catalan renommé, le déclare au printemps 2002:

Lorsqu'au mileu du XIXe siècle, l'école primaire est rendue obligatoire à travers l'État, on indique aussi clairement que seul le français y sera enseigné, et les maîtres d'école puniront sévèrement tout élève parlant ''patois''. Le but du système éducatif français ne sera donc pas de donner sa dignité à l'humanité naturel des enfants en développant leur culture et en leur apprenant à écrire leur langue, mais plutôt de les humilier et de les rabaisser moralement pour le simple fait d'être le produit de traditions et de la nature. L'auto-proclamé pays des Droits de l'Homme va donc ignorer l'un des droits les plus fondamentaux de l'Homme, celui d'être lui-même et de parler l'idiome de sa nation. Et c'est avec cette attitude que cette "Grande France", qui aime à se surnommer la championne de la liberté, passera le XXe siècle, indifférente aux timides mouvements protestataires des diverses communautés linguistiques qu'elle a soumises et au prestige littéraire dont elles peuvent être accompagnées. [...]

La France, qui sous Franco était considérée ici [en Catalogne] comme le havre de paix de la liberté, a le misérable honneur d'être l'État d'Europe — et probablement du monde — qui a le mieux réussi dans sa quête diabolique de destruction de son propre patrimoine ethnique et linguistique et de surcroît, de destruction du tissu familial et humain: de nombreux parents et enfants, ou bien des grands-parents et leurs petits-enfants, ont des langues différentes, et ces derniers ont honte des premiers parce qu'ils parlent un méprisable ''patois'', et aucun élément de la culture des aïeux n'a été transmis à la jeune génération, comme s'ils étaient nés sur une autre planète. Voici l'État français qui vient d'entrer dans le XXIe siècle, un pays où les monuments de pierre et les parcs naturels sont préservés et respectés, mais où des siècles de création populaire exprimée en diverses langues sont en voie d'extinction. La "gloire" et la "grandeur" bâties sur un génocide. Pas de liberté, pas d'égalité, pas de fraternité: juste une extermination culturelle, telle est la véritable devise de la République française.

Problèmes constitutionnels
En 1972, Georges Pompidou, président de la France et lui-même occitan, déclarait qu'"il n'y a pas de place pour les langues régionales dans une France dont le destin est de marquer l'Europe de son sceau".

Lors d'un discours pré-électoral à Lorient, le 14 mars 1981, François Mitterrand affirmait que:

Le temps est venu d’un statut des langues et cultures de France. Le temps est venu de leur ouvrir grandes les portes de l’école, de créer les sociétés régionales de radio et télévision permettant leur diffusion, de leur accorder toute la place qu’elles méritent dans la vie publique.

Malheureusement, il n'en fut strictement rien.

En 1992, après que certains se furent interrogés sur la ségrégation anticonstitutionnelle des langues minoritaires en France, l'Article II de la Constitution de 1958 fut amendé de manière à ce que ''la langue de la République [fût] le français''. Ceci fut réalisé à peine quelques mois avant que le Conseil de l'Europe ne mît en place la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, que Jacques Chirac ignora malgré le plaidoyer de Lionel Jospin devant le Conseil constitutionnel en vue d'inclure toutes les langues vernaculaires parlées sur le sol français. Cependant encore, les langues non françaises de France se virent refuser toute reconnaissance et furent jugées trop dangereuses pour l'unité du pays, et les Occitans, les Basques, les Corses, les Catalans, les Bretons, les Alsaciens etc n'ont à ce jour toujours aucun d'exister en tant que tels sur leur propre terre.

Sur le site de l'UMP, Nicolas Sarközy nie toute discrimination et va jusqu'à annoncer lors d'un discours pré-électoral à Besançon le 13 mars 2007 que:

Si je suis élu, je ne serai pas favorable à la Charte européenne des langues régionales. Je ne veux pas que demain un juge européen ayant une expérience historique du problème des minorités différente de la nôtre, décide qu’une langue régionale doit être considérée comme langue de la République au même titre que le Français. Car au-delà de la lettre des textes il y a la dynamique des interprétations et des jurisprudences qui peut aller très loin. J’ai la conviction qu’en France, terre de liberté, aucune minorité n’est opprimée et qu’il n’est donc pas nécessaire de donner à des juges européens le droit de se prononcer sur un sujet qui est consubstantiel à notre identité nationale et n’a absolument rien à voir avec la construction de l’Europe.

Sa rivale socialiste Ségolène Royal, au contraire, se déclare prête à appliquer la Charte dans un discours prononcé en mars 2007 en Iparralde au nom de la variété culturelle en France:

Les identités régionales constituent une formidable valeur d'avenir et je crois que c'est en faisant le lien entre ces valeurs fondamentales qui font l'identité de toujours entre la France et la nation française dans sa diversité, dans son authenticité, dans ses traditions authentiques [...] que l'État fonctionne bien.

L'héritage occitan
L'écrivain Ives Roqueta écrit sur la honte d'être occitan en France dans ces lignes sur le site d'Aprene:

Le rouge tourbillonne dans mon esprit, je suis rouge de honte, rouge est ma rebellion. Je suis rouge, le vin renversé sur moi, sur les chemins des Corbières. Le rouge confine mon esprit, je suis rouge de honte: je parle occitan. Je suis rouge, rouge du sang de mon visage. Debout! Où est le sang de nos pères?

Toutefois, la langue occitane demeure vivace, bien que la ségrégation constitutionnelle ait eu des effets dévastateurs sur le nombre d'occitanophones en Occitanie. Le chanteur Patric fait allusion à cette situation tout entière dans une chanson intitulée Soi un marrit dròlle (Je suis un mauvais garçon):

Je suis un mauvais garçon de voler ton cœur
Mais je t'en donnerai un autre pour vivre plus fort
Et quand nous partirons le visage blanc
L'adieu, nous le ferons en chantant

Adieu honte, il y avait un voyou
Il y avait une fille et tout est fini
Mais nous avons fait des hommes de ce pays
Adieu honte, je ne suis pas un voyou
Adieu ma terre, bonjour mon pays!

Claudi Martí remet en question l'obscurantisme du système éducatif français dans Perqué m'an pas dit? (Pourquoi ne m'a-t-on pas dit?):

Comme tous les enfants, je suis allé à l'école;
Comme tous les enfants, on m'a appris à lire,
On m'a chanté tant de chansons, conté tant d'histoires: ''Lutèce''... Paris... Paris...
Mais pourquoi, ô pourquoi ne m'a-t-on dit le nom de ma langue à l'école?

Le maître nous parlait de ce grand roi de France
Qui s'agenouillait devant les pauvres: un vrai saint, ce saint Louis!
Il aimait tout un chacun et combattait la misère: un vrai saint, ce saint Louis!
Mais pourquoi, ô pourquoi ne m'a-t-on dit qu'il a tué mon pays?

Et en grandissant, nous dûmes apprendre trois langues;
Pour faire un bon technicien, il fallait parler trois langues,
Et l'anglais et l'allemand et ce qui s'écrit à Rome pour faire un bon technicien.
Mais pourquoi, ô pourquoi ne m'a-t-on dit le nom de ma langue à l'école?

Peut-être que trop de savoir cache la vérité à nos yeux;
Nous apprendrons par nous-mêmes que la liberté ne règne pas sur terre;
Nous apprendrons la famine en Inde et le deuil des Africains et la mort de Che Guevara,
Et pourquoi, oui pourquoi, on n'a pas dit le nom de notre pays à l'école...

Joan Pau Verdier dédie sa chanson Veiquí l'occitan (Voici l'Occitan) au combat contre la vergonha et à la fierté d'être occitans:

Il y avait la honte au creux du pays
Nous avions perdu la terre, les arbres étaient morts
Esclaves chez nous, à vivre courbés
Sans yeux et sans mémoire, un peuple de gueux.

Vous me disiez: tout est fini,
Toi, mon père et vous, mes amis
Nous ne pouvons plus revenir en arrière
Vous me disiez: il ne faut plus rêver.

Voici l'espérance au bout du chemin
L'homme nouveau se lève, voici l'Occitan
La rumeur s'étend dans les villages
Nous garderons notre terre, nous ne voulons pas crever.

Nous sommes nés par un soir de vent
Lorsque le Mal soufflait fort
On en a marre d'être des chiens
Tu vois, mon père, nous ne sommes pas morts.

Je te salue, mon frère; bonjour, paysan!
Un ouvrier t'appelle, un autre Occitan!
Plus rien d'impossible, nous croyons à l'amour
Puisque notre histoire est faite d’avenir.

Et, ma mère, je te vois aujourd'hui
Le printemps fleurit dans tes cheveux
Tu as compris notre soleil
Tu sais bien que nous ne sommes pas fous.

Voici l'espérance que chante l'enfant!
Nous aurons le droit de vivre, d'être occitans
Je te salue, mon frère; bonjour paysan!
L'homme nouveau t'appelle, un Basque, un Breton!
La rumeur se propage dans les villages
Nous garderons la terre: voici l'Occitan!

Jan dau Melhau, du Limousin, dans Lo Diable es jos la pòrta (Le Diable est sous la porte), raconte comment les Occitans ont appris à avoir honte de leur occitanité dans une société qui leur refuse toute légitimité:

Vint le temps que l'on eut honte:
On eut honte de ce qu'on parlait;
De sa langue cousue du fil d'une si longue histoire, on eut honte.

Vint le temps que l'on eut honte:
On eut honte de sa façon de parler;
D'en dire tant en si peu de mots et de sourire de l'âme, on eut honte. [...]

Vint le temps que l'on eut honte:
On eut honte de ce qu'on était;
De ce qui faisait ce que l'on était, on eut honte.

Maudit soit ce temps qu'on eut honte
Et maudit soit celui qui a eu honte!

Hartèra (Ras-le-bol), un mouvement de jeunesse pour la promotionde l'occitan, milite contre l'humiliation et la honte, comme on peut le voir sur cette affiche. On y lit à la fois en gascon occitan et en français, avec une touche d'ironie et une confiance renouvelée dans l'avenir de l'Occitanie:


Ras le bol de la honte...
Notre patois est une langue: l'occitan;
Notre Sud est un pays: l'Occitanie;
Notre folklore est une culture.
Nous voulons le respect
de notre différence.

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