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lundi 17 janvier 2011

Jean-Guy Talamoni -

Jean-Guy Talamoni -
c'était en 2008 !
ENTRETIEN AVEC THOMAS DUTRONC: « Je soutiens de manière inconditionnelle ceux qui veulent défendre le caractère fondamental de la Corse »
01/09/2010
Da Sebastien Quenot
Vous êtes intervenu spontanément au moment de l’affaire Clavier pour évoquer le fond du problème plutôt que les péripéties du licenciement de Dominique Rossi. Qu’est-ce qui vous a amené à agir ainsi, avec autant de sincérité et de simplicité ?

Mon premier disque rencontre un fort succès populaire et je me retrouve très exposé médiatiquement. J’en suis évidemment ravi mais je n’oublie pas que je suis avant tout un musicien, un amoureux de la guitare : j’ai joué assez longtemps dans de petits clubs ou de petits bars pour garder la tête à peu près sur les épaules. Pour parler publiquement de quelque chose, je pense qu’il faut être qualifié, spécialiste, passionné. J’estime que ce n’est ni mon rôle, ni mon métier, de parler politique par exemple. Je préfère généralement la discrétion sur beaucoup de sujets et je trouve toujours des moyens d’éluder les questions trop intimes en interview… Bref, je ne suis pas du genre à faire de grandes déclarations sur les médias. D’un autre côté, le temps d’antenne c’est précieux, et ce serait dommage de ne l’utiliser que pour raconter des choses banales, comme des détails sur sa tournée par exemple. Cette semaine là, quand j’ai entendu parler à la radio de cette affaire, je me suis réjoui tout de suite : « enfin on va parler de problèmes corses concrets et moins caricaturaux: le logement ! ». Que nenni !! J’ai eu l’impression d’être véritablement plongé dans un film de science fiction : toute la semaine on n’a parlé que de Sarkozy, son attitude avec le chef de la police, sa relation avec Christian Clavier. Personne, absolument personne ne se posait la simple question : pourquoi au départ les corses ont-ils occupé le jardin du comédien ? J’ai trouvé cela fou ! Voire inquiétant, cette espèce de pensée unique, cette « réflexion » unique où l’on ne réfléchit qu’autour de Sarkozy, pour ou contre lui, mais toujours autour de lui. Le culte de la personnalité m’effraie, c’est ce qui me dérange chez certaines stars, c’est aussi pour ça que je suis un inconditionnel des œuvres de Georges Brassens. Et un inconditionnel du caractère corse où l’on trouve cette indépendance des individus, cette liberté du cœur: les gens ne s’abaissent pas à faire des courbettes et ont du respect pour la personne humaine, qu’on soit un « puissant » ou une personne âgée. Un « people » n’a pas plus de valeur qu’un autre. Dans l’émission « Vivement dimanche » de Michel Drucker, j’ai tout simplement essayé d’utiliser mon temps de parole pour tenter de redire le mieux possible ce que des amis corses de grande valeur m’avaient expliqué sur le problème de logement en Corse. À chaque fois que l’on parle de la Corse à la télévision, c’est une avalanche de clichés, on voit bien que personne ne connaît vraiment les mentalités de là-bas. En général le petit écran réduit, stigmatise, fait des raccourcis et au final, porte atteinte à notre intelligence des choses… Il y a un vrai problème en ce moment en Corse, des passe-droits pour construire des villas, des « people » qui y spéculent, des promoteurs et même des corses qui défigurent la Corse. Je pense qu’il faut essayer de « mériter » la Corse, essayer d’être à sa hauteur : c’est un pays riche de traditions, d’histoires, de caractères, pas un club med géant. Par respect pour votre terre, jamais je ne me sentirais le droit d’y faire des affaires immobilières par exemple. C’est peut-être naïf ou idiot de ma part mais c’est comme ça ! Je suis tombé amoureux de la Corse, comme beaucoup ! En revanche, mon caractère est à l’inverse des personnes qui se sentent chez elles partout. Je pense qu’il faut être très prudent avec ce genre d’attitude « pseudo-colonialiste ». A mon humble avis, on désigne trop l’ensemble des « cagoulés » comme des bandits pendant que d’autres magouillent à visage découvert. Bien entendu, je ne suis pas un spécialiste de toutes ces affaires, je ne connais pas suffisamment de détails pour me sentir autorisé à parler comme je le fais malgré tout. On a aussi beaucoup parlé des dérives mafieuses nationalistes, et évidemment certaines violences ont été plus que déplorables, l’horreur sans nom ayant été atteinte avec l’assassinat du préfet Erignac. C’est l’affreux revers de la médaille, les dommages collatéraux comme disent les américains… Il y a eu si peu de victimes dans toutes ces affaires d’attentats, c’était la désastreuse exception qui confirme la règle… Malgré tout, il faut bien comprendre que sans la prise de conscience des années 70, la côte Corse serait complètement bétonnée. L’âme corse, perdue. Si, dans les années 50, les corses ne s’étaient pas soulevés contre l’état, tandis que d’autres au contraire pensaient que c’était pour le mieux, les essais nucléaires se seraient déroulés à 20kms de Calvi, à l’Argentella plutôt qu’à Mururoa. On voit bien que l’état n’a pas toujours raison. Et tant mieux si certains corses ont le courage de lui opposer la force quand il déraille trop…

De façon générale, les « peoples » nous ont davantage habitués à distiller des banalités sur les paysages de l’île. Il est rare d’entendre des compliments sur le caractère des insulaires… Vu d’ici, c’est inattendu qu’une personnalité parvienne à évoquer la Corse avec autant de justesse et d’empathie…


J’ai tant de souvenirs intimes avec la Corse et les corses que je ne la vois pas du tout comme certains « pinzutti » qui y débarquent. Pour m’être aventuré dans le maquis dès mon plus jeune âge, je me sens comme lié à la terre, aux parfums, aux rochers de là-bas mais aussi aux bruits, aux vents qui font un peu partie de moi. Enfant, mon grand-père me racontait les ravages de la guerre de 14 sur vos familles. Il me disait que, comme avec les sénégalais, les autorités de l’époque n’ont pas respecté le quota d’enfants par famille envoyés au front… Les parisiens ont une vision caricaturale de la Corse. Quand ils déplorent certains actes de violence, ils négligent de mettre en rapport tous les évènements passés : la mémoire des médias de la capitale est très courte… Un soir pendant les fêtes de fin d’année, je regardais la mer depuis la citadelle de Calvi, il n’y avait pas un chat. J’ai eu l’impression d’être passé de l’autre côté de la barrière, d’attendre en redoutant l’envahisseur venu des mers. Mon père disait qu’après avoir fait le tour du monde, il avait choisi et préféré la Corse… Adolescent, je me suis lié avec deux amis de mon père, que j’aurais pour toujours dans mon cœur : François Bandini et Jean Luisi, hélas décédés. Dans des genres très différents ils m’ont « initié » à plein d’aspects du caractère insulaire… Avec des camarades, j’ai fait plusieurs fois le tour de la Corse entre 17 et 20 ans. J’ai commencé ma carrière de musicien en Corse, aux côtés d’Antoine Tatich ( corse par sa mère ). On a joué dans plein de régions et de villages différents. Mon amie de cœur est d’origine corse. Mon grand-père est venu terminer sa vie à Ile Rousse où il a été si bien accueilli. Dès que j’avais des vacances je venais le voir, je n’avais pas le cœur à le laisser seul, pour les fêtes par exemple. J’ai vu la Corse à toutes les saisons. Parfois je restais l’hiver avec mon père des mois d’affilés. Évidemment, j’aime la mer, le soleil, mais je me sens fort de tous les gens que j’ai croisés chez vous, de toute la route que j’ai faite chez vous, de tous les gens avec qui j’ai parlé, fait la fête… J’ai aujourd’hui très envie de vivre en Corse une moitié de l’année car j’y ai beaucoup d’amis très chers. Je m’y sens bien, je m’y sens libre.

Vous avez grandi entre Paris et Monticellu. Quels sont vos liens, non seulement avec la Corse mais avec les Corses ?
j’ai un peu déjà répondu à ça dans la précédente question…

Vous connaissez bien la Corse. Quel regard portez-vous sur les évolutions que l’île a pu connaître depuis votre enfance ?

Je vois plusieurs choses : d’une part, de plus en plus de constructions de maisons individuelles ou de grands immeubles, pas forcément toujours réussis. Heureusement que le paysage est si beau qu’il arrive encore à tout rattraper ! Là où certains villages conservent leur âme corse tout en rénovant ou en faisant du neuf, d’autres ne s’en soucient guère et c’est bien dommage, car on va finir par défigurer la Corse ! Il faut à tout prix essayer de s’intégrer aux paysages, de s’adapter en respectant les anciennes constructions. Je sais que c’est un problème de budget parfois, les beaux matériaux, donc la beauté, ont un prix. Mais c’est l’île de beauté, alors… Et puis on entend toujours parler de sommes astronomiques, d’aides de l’état qui disparaissent on ne sait comment . La politique semble toujours aussi complexe et difficile à pratiquer chez vous !
D’autre part, je trouve dans mon coin de Corse qu’est la Balagne de plus en plus de commerces intéressants, de plus en plus d’hôtels de charme, de concepts modernes. Les jeunes corses se bougent vraiment et ont des idées pour développer un tourisme plus raffiné, je trouve ça très bien.
Je dirai pour conclure que, même si les bords de mer se construisent beaucoup, en faisant quelques kilomètres vers la montagne on retrouve toujours la vraie corse sans problème. On a encore de beaux jours devant nous avant que cela ne devienne la Sardaigne ou la Costa Brava. Cela dit, attention… On peut détruire de manière irréversible des sites magnifiques, on peut polluer des oasis de faune et de flore incroyable en un clin d’œil. Et à notre époque mercantile où le profit dirige tout, il faut être extrêmement vigilant.
J’avoue cela dit avoir une grande confiance en votre peuple pour préserver son pays et, façon Astérix et Obélix, résister encore et toujours à l’envahisseur !! En d’autres termes, je soutiens de manière inconditionnelle ceux qui veulent défendre le caractère fondamental de la Corse.

La Corse est aussi très présente dans votre dernier album « Comme un manouche sans guitare ». Vous l’évoquez dans plusieurs chansons. Est-elle en passe de venir plus importante que les femmes ?

C’est vrai que j’en parle beaucoup ! Les interviews souvent m’y renvoient. Ça devient une obsession, nous sommes en tournée dans toute la France et je pense toujours à la Corse comme à une récompense méritée après tout ce travail : pouvoir aller au village, respirer, me détendre… Dans cette ambiance… Comment dire ? Je me sens en sécurité en Corse, protégé du monde moderne et de sa plate connerie « consensuelle ». Je ne dis pas qu’il n’y a pas de « cons » en Corse, mais même la connerie chez vous, a du caractère et des couleurs ! On se sent « petit » aussi en Corse devant l’immensité de la mer, de la montagne et l’orgueil, l’égocentrisme des hommes disparaît, se changeant en fierté, en altruisme. Même la mort fait moins peur là-bas. Pour ce qui est des femmes, j’y pense beaucoup c’est vrai, mais la différence avec la Corse c’est qu’on ne badine pas avec elle ! C’est la passion, l’amour vrai ou rien !

Jérôme Ciosi, le fils d’Antoine Ciosi est votre ami et compère au sein du groupe A.J.T. Il évoque, non sans humour, les femmes corses sur votre site Internet… Comment est née votre rencontre ?

C’est en Corse que j’ai eu l’occasion de jouer devant des gens pour la première fois. J’ai rencontré le fils d’Antoine grâce à un autre Antoine, Antoine Tatich. Nous jouions à Palasca. Par la suite ça a toujours été un bonheur de jouer en Corse avec Jérôme, pour une fois c’était à lui que l’on parlait de son père, décidemment tout est vraiment atypique chez vous ! Plus sérieusement, la Corse est vraiment la terre d’accueil des guitaristes, vous le savez, il y a une vraie histoire d’amour entre les corses et cet instrument. Depuis les musiques napolitaines, les sérénades, les chansons de marins, la guitare est très présente en Corse… Jérôme a de multiples qualités en tant qu’ami, en tant que musicien. Difficile de discerner celles qui viennent entièrement de lui de celles plus apparentées au caractère typique corse. Sa grande force est que l’on peut vraiment compter sur lui, à 100%. C’est une valeur corse il me semble. Dans notre spectacle, Jérôme joue un morceau traditionnel corse à la guitare classique, c’est un très beau moment… Que l’on teinte ensuite d’humour pseudo-corse… Il faut venir nous voir, ce serait trop fastidieux à raconter par écrit. En vrac, ça parle de manufacture de plastique artisanal, de cochons sauvages et de chanson identitaire ! Dans le quotidien on adore évoquer la Corse et ses manies, ses travers. Dans notre groupe on l’appelle le « Jé », c’est le « corse » de la bande. Le seul qui se gomine les cheveux avant de monter sur scène. Le seul qui lit dignement le journal en pantoufles dans le tour-bus le soir. Le seul qui est toujours attentionné, courtois et gentil mais se fâche quand la nourriture n’est pas bonne. Le seul dont la femme est femme au foyer. Estampillé « corse » on ne manque pas de lui monter la « sègue » et vice versa !

(Entretien réalisé en novembre 2008)

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