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POLITIQUE
WIKILEAKS: BRADLEY MANNING EN ISOLEMENT
Suspecté d'avoir transmis des documents à WikiLeaks, Braddley Manning serait aujourd'hui placé en isolement dans une prison américaine. Des conditions particulièrement éprouvantes, pour un individu vierge de toute condamnation.
TAGS bradley manning, états-unis, prison, torture, wikileaks
PAR JEAN MARC MANACH LE 15 DÉCEMBRE 2010
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À propos de l'auteur
A 5 ans, j'ai gagné un poste TV. A 15, je voulais faire du ciné. A 17, je lançais un fanzine, underground. A 20, une revue, expérimentale. A 25, un journal gratuit, sur les "arts de l'écran". A 28, je découvrais le Net. Journaliste internet depuis 1999, j'enquête sur la montée en puissance de la société de surveillance, la façon qu'ont internautes et hackers de défendre nos libertés, et fais partie du pôle DataJournalism d'OWNI. Depuis la fin de Transfert.net, j'écris aussi sur InternetActu.net, LeMonde.fr (Bug Brother), Facebook & Twitter.
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Bradley Manning, le soldat américain de 22 ans soupçonné d’être la “gorge profonde” de WikiLeaks, n’a pas été condamné pour cela, ni pour aucun autre crime. Il n’est est pas moins incarcéré depuis cinq mois en Virginie (après être resté deux mois dans une prison militaire au Koweit), et soumis à des “traitements cruels et inhumains considérés dans de nombreux pays comme relevant de la torture, susceptibles d’entraîner des séquelles psychologiques à long terme“.
C’est ce que révèle Glenn Greenwald, juriste et chroniqueur au magazine Salon, dans un long article basé sur les témoignages de plusieurs personnes en contact direct avec lui.
On y apprend que, depuis son arrestation, en mai, Bradley Manning est un détenu modèle, sans problèmes de violence ni de discipline. Il n’en a pas moins été classé détenu particulièrement surveillé (“Maximum Custody Detainee“), le plus haut niveau dans la classification des prisons militaires, et confiné à l’isolement 23 heures sur 24. Il n’a pas le droit de faire de l’exercice, et est sous constante surveillance.
Pour des raisons qui semblent exclusivement punitives“, souligne Greenwald, il n’a pas de drap, et il ne comprend toujours pas pourquoi il n’a pas non plus droit à un oreiller, alors qu’il passe la majeure partie de son temps à dormir. Il n’a pas non plus le droit de se tenir informé de l’actualité, et le personnel médical de la prison lui administre des antidépresseurs afin de pallier ses conditions de détention :
En résumé, Manning est soumis depuis des mois, de façon constante, à un isolement inhumain, abrutissant, propre à lui nier toute forme de personnalité, voire à le rendre fou, sans même avoir jamais été condamné pour quoi que ce soit.
“Greenwald a été, dans la foulée, contacté par un responsable de la prison où Bradley Manning est interné. Le seul point qu’il lui a demandé de rectifier porte sur le fait que ses gardiens n’interdiraient à Manning de s’informer lorsqu’il a le droit de regarder la télévision, ce qui serait cela dit démenti par plusieurs des personnes en contact avec lui. Ce qui, note Greenwald, ne bouleverse pas non plus profondément le portrait qu’il dresse de ses conditions de détention.
L’isolement carcéral ? Une “torture”
Pour mieux comprendre ce que peut entraîner untel isolement carcéral, Greenwald
rappelle que de nombreux pays ne placent en isolement que les seuls détenus particulièrement violents, pour la simple et bonne raison que ce type de confinement “peut être aussi pénible qu’une torture physique“. C’est en tout cas ce qui ressort de la lecture d’un article du New Yorker, qui semble faire autorité en la matière, d’une étude du Journal de l’académie américaine de psychiatrie et de droit, et d’une autre, de l’armée américaine, portant sur 150 militaires américains détenus au Vietnam, et qui, toutes, dénoncent l’isolement, notamment carcéral, au vu des dégâts psychologiques que cela entraîne généralement chez les détenus.
Un rapport de la commission nationale sur la sécurité et les abus dans les prisons américaines (composée de Républicains et de Démocrates) avait ainsi appelé, en 2006, à l’abandon de ce genre d’isolement carcéral, au motif que cela “ne pouvait être décrit que comme relevant de la torture“.
Le rapport citait plusieurs études de psychiatres décrivant une constellation de symptômes allant de l’anxiété, la confusion, l’hallucination, la dépression, la colère, des distorsions de perception, de la paranoïa, jusqu’à des formes de violences extrêmes, de psychoses ou d’auto-destruction.
Des examens médicaux pratiqués, en 1992, sur des prisonniers yougoslaves soumis en moyenne à 6 mois d’isolement carcéral, avaient ainsi démontré des “anormalités cérébrales” des mois après leur libération :
Sans interaction sociale soutenue, le cerveau humain peut être aussi endommagé qu’un cerveau qui a subi un traumatisme physique.
Ironie de l’histoire, Julian Assange, le porte-parole de WikiLeaks, est lui aussi placé dans une cellule d’isolement, “pour sa propre sécurité“. Recevant sa maman, venu d’Australie, il lui a expliqué qu’il était également placé sous vidéosurveillance constante, de peur qu’il ne soit assassiné…
L’information veut être libre
En conclusion, et pour mieux conceptualiser les conditions de détention de Bradley Manning, Greenwald rappelle cet extrait du “chat” que le jeune soldat avait eu avec Brian Lamo, le hacker qui l’a finalement dénoncé aux autorités américaines :
Manning : je veux que les gens connaissent la vérité, parce que sans information, on ne peut pas prendre de décision. Si j’avais été quelqu’un de malintentionné, j’aurai pu les vendre à la Russie, la Chine, et faire péter mon compte en banque.
Lamo : pourquoi ne l’as-tu pas fait ?
Manning : parce que ce sont des données publiques, elles appartiennent au domaine public -”l’information veut être libre” (maître-mot des hackers et défenseurs des libertés sur le Net, NDLR)- et devraient être un bien commun.
Ceux qui voudraient soutenir Brad Manning peuvent aller sur BradleyManning.org” (Facebook, Twitter), ou CourageToResist.org, qui soutient plusieurs objecteurs de conscience, déserteurs ou militaires qui dénoncent ce qu’ils sont amenés à faire, et qui vend un kit de soutien (T-shirt, tickets, etc.) d’où sont issues les illustrations de cet article.
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Illustration CC: Kevin Collins
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mercredi 15 décembre 2010
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