GRANITULA : L’ETERNEL RETOUR | Enciclopedia di a Corsica
GRANITULA : L’ETERNEL RETOUR
22/12/2010
Da Anghjulamaria Carbuccia
(Traduction en français par Carole Bertrand) Les cocagnes estivales finies, le temps de la nostalgie serait-il venu ? Qu’on le veuille ou non, et pour les anciens plus encore que pour les autres, l’automne est empreint d’une mélancolie à fleur de méditation ‘métaphysique’. Ainsi, septembre venu, à nous tous Corses, croyants ou non, s’impose, pour s’y être pliés ou l’avoir simplement vu se dérouler, un rituel particulier avec sa part d’ombre, ses origines lointaines et secrètes et son sens profond.
Il s’agit d’une procession dont la particularité tient dans sa progression en spirale. Souvenons-nous que ‘a granitula’ ou ‘littorine’ est un coquillage marin dont, sans trop s’étendre sur le sujet, on peut dire des circonvolutions internes de sa coquille qu’en leur qualité de miroir du Cycle de la Nature, elles constituent un symbole de vie. Et G.G. Franchi d’écrire dans son ouvrage ‘Forme è Primure di a Puesia d’Oghje’ {Formes et Thèmes de la Poésie Contemporaine} : « Elle s’enroule comme pour engloutir un à un tous les participants, se conjuguant ici au rituel du convoi funèbre afin de reproduire le cheminement de toute vie humaine. » Et P. Antoni d’ajouter à son tour dans ‘l’Ùltimu Paciaghju’ {Le Dernier des Montreurs d’Icônes} : » La Confrérie de Saint Antoine et les fidèles en file indienne avancent en un cercle allant se resserrant. Arrivé au centre, le chef de file fait demi-tour pour repartir dans l’autre sens. Et ainsi simultanément, la procession s’enroule et se déroule. » Un rituel officié dans un espace consacré autour de la sainte croix, arbre de vie et ‘axis mundi’ {ndlr : ‘colonne du ciel’ ou axe du milieu du monde qui lie le ciel, la terre et le monde inférieur), sous la protection de la Vierge et de l’Enfant.
Moins complexe bien que tout aussi symbolique, le cheminement dans le labyrinthe, parcours initiatique le long d’une structure définie, est un rituel de groupe ou individuel magique à son origine, devenu ludique au jour d’aujourd’hui. Ce labyrinthe, dont le mystère enchanteur des modèles antiques comme la beauté de ceux plus contemporains dits « paysagistes » (« paisisti ») fut le thème d’une émission fascinante d’Arte datant du 20 août 2009.
Du labyrinthe, Hérodote [484 - 420 av. J.C.] en parlait déjà à l’époque de la construction du fameux et monumental édifice labyrinthique de Fayoul, en Egypte. On connaît certes mieux le labyrinthe de Crête, lequel il y a quelque 4000 ans fut le théâtre des méfaits du Minotaure et des tentatives de Thésée, aidé dans son entreprise par l’amour et le fil d’Ariane, pour l’anéantir. Histoire bouleversante évoquée [en 79 av. J.C.] par un garçonnet de Pompeï lequel, avant d’être englouti par l’éruption du Vésuve, eut le temps de griffonner ces trois mots sur un mur : « Hic Habitat Minotaurus » {‘Ici vit le Minotaure’}. Graffitti historiques, s’il en est!
La déambulation de la ‘Granitula’ {Procession}, de même que l’aller et retour et la voie tracée le long du labyrinthe au sein de l’église tout comme à l’extérieur sont immuables et ne se laissent pas oublier. Pierres, arbres ou bosquets ponctuent de leurs marques l’itinéraire du ou plutôt des labyrinthes qui varient selon l’endroit, l’âge et les motivations des participants, lesquels mus autant par leur volonté que par le diktat absolu du rituel, tournent comme tourne le monde, faisant le lien avec la Terre ou « Tellus Mater » {ndlr : Tellus, Tellus Mater ou Terra Mater est une déesse de la mythologie romaine équivalente à la Gaïa de la mythologie grecque.} Superbe concordance entre le dessin de l’une, le tracé de l’autre et celui des empreintes de doigts, du cordon ombilical ou encore des viscères animales et humaines : la spirale toujours, motif par excellence des Celtes.
Le cercle, le fait de tourner, les lois du système de rotation des planètes, et par la force des choses le destin de l’individu : les poètes la connaissent et disent la spirale commune. Ainsi dans son poème « Rigiru » (« Circonvolution »), dans un souci d’élargissement du débat sans en référer à un quelconque Dieu, Dumènicu Antone Geronimi met l’accent sur la correspondance existant ne serait-ce qu’entre l’anneau et le sang et la vie intime de la Nature, une Nature toute en rondeur, car le ‘carré’ vient d’ailleurs.
Quant à l’homme afin d’échapper au vertige de la rotation incessante du monde, il dresse un axe de l’esprit, lequel transperçant l’Univers tente de se l’allier, de l’infléchir selon sa nature.
Mieux on ne peut faire, ni dire. Liberté ou servitude ?
Compréhensible dès lors ce cri du coeur, que peut-être Petru Mari qualifierait de « Petit vagissement de révolte », lancé par cet autre poète, Ghjacumu Thiers, sous forme d’hymne : « Que cesse la spirale »… .
mercredi 22 décembre 2010
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