Traditions Aquitaine - Légendes Occitanes et Basques > Lamontjoie Bastide d'Aquitaine
En Gascogne, les fées Blanquettes dansaient à minuit sur le sommet des collines; dans l'Aude, le plateau Donnezan est appelé la Danse des fées, ce qui suppose une légende. Des fées demeuraient dans un palais de cristal construit sur la colline du Taich, dans l'Aude.
Nombre de légendes racontent les apparitions de personnages surnaturels dans les châteaux inhabités ou ruinés.
En Gascogne, les fées blanquettes dansent souvent sur les vieilles tours; au sommet du donjon à demi ruiné de Marguerite, parsemé de violettes, elles forment pendant les nuits d'été des rondes où nul mortel n'est admis et sous leurs pas naissent ces jolies petites fleurs.
Les époques des solstices d'été ou d'hiver qui, en d'autres endroits, sont marqués par des merveilles, ne semblent guère connues des forestiers.
On en rencontre pourtant la trace en Gascogne.
Un homme qui, la nuit de la Saint-Jean, s'était endormi dans une forêt de la Grande-Lande au pied d'un sapin, se réveilla à minuit entendant des cris qui partaient du haut des arbres et de sous terre; il vit tomber des esprits de toutes formes, mouches, vers luisants, etc, et de terre, avec des lézards, des grenouilles ou des salamandres, sortaient des formes d'hommes et de femmes, hautes d'un pouce et vêtues de rouge, avec des fourches d'or à trois pointes, et ces esprits chantaient en dansant :
Toutes les herbettes
Qui sont dans les champs
Fleurissent et grainent
Le jour de la Saint-Jean.
Et leur bal dura jusqu'à l'aube.
Une nuit de novembre, un meunier qui traversait la forêt de Ramier, près de Lectoure, s'endormit sur son cheval qui allait au pas.
Quand il se réveilla, il était prisonnier, serré de tous côtés par de grands chênes, par des arbres couchés et des branches mortes, par des ronces et des épines si pressées qu'un serpent n'eût pu y trouver passage.
Les feuilles sèches tremblaient, les branches se rompaient ou claquaient.
Le meunier comprit alors qu'il était tombé dans une assemblée de Mauvais Esprits, qui prennent toutes sortes de formes.
Il tira sur la bride, n'éperonna plus sa bête, et attendit le jour en priant Dieu.
Jusqu'à la pointe de l'aube, il fut tourmenté de mille façons.
Quand le chant du coq mit les mauvais esprits en fuite, il se trouva, sans savoir comment, au milieu d'un grand chemin.
Pendant la nuit du 24 juin, Satan présidait dans le Bouie de los Mascos, en Aveyron, la réunion des fées auxquelles on attribue des actes de sorcellerie; il s'asseyait, puis il jouait du violon et faisait danser les fées jusqu'au jour.
Le Tartaro ou Tartare des récits basques, haut de taille, velu de tout le corps et pourvu d'un seul œil au milieu du front, enlève pour les dévorer les petits enfants qui s'aventurent dans la forêt ou les personnes égarées qui viennent lui demander l'hospitalité.
Mais quelquefois elles réussissent à le rendre aveugle par des procédés qui rappellent ceux que l'ingénieux Ulysse emploie pour échapper au cyclope.
Le Basa-Jaun ou seigneur sauvage a parfois le même aspect physique et ses aventures sont sensiblement pareilles.
Parfois les chercheurs d'aventures arrivent à un château situé au milieu d'une épaisse forêt, et qui, bien que n'étant pas en ruines, semble inhabité; à certaines heures il reçoit la visite d'un nain d'une force prodigieuse, dont ils ont beaucoup de mal à venir à bout; des châteaux, où tout semble préparé pour un repas, quoiqu'on y voit personne, sont hantés à minuit par des diables gardiens d'une princesse métamorphosée.
Un château dangereux est signalé de loin par une éblouissante clarté au milieu des arbres. Aucun de ceux qui y sont allés n'en est revenu, parce qu'une vieille qui en a la garde les a changé en statues. (F.-M. Luzel, Contes bretons).
Dans une version basque, il n'est visible que la nuit, et quand vient le jour, il est remplacé par une caverne où se tient un dragon.
Deux légendes basques racontent que les Lamignac, pour se venger des paysans, comme Gargantua des cornouaillais, couvrirent leurs champs de blocs énormes.
On a beau tourner dans tous les sens une pierre située à Feugarolles (Gironde), elle reprend toujours sa position, et chacun de ses angles répond à un des points cardinaux.
Les pierres de Naurouse, près de Villefranche (Haute Garonne), sont destinées à annoncer la fin du monde. Celle-ci arrivera lorsque les fentes qui les divisent viendront à se fermer.
On trouve dès le Moyen Age des traces de cette croyance.
Elle subsiste encore, et l'on jette des pierres dans les fissures pour empêcher les quartiers de se réunir.
On dit même que des pieux de fer y avaient été enfoncés comme des coins dans le même but.
Les veilles gens du pays racontent que, depuis un siècle, elles se sont tellement rapprochées qu'un gros homme a tout au plus entre elles le passage libre, alors qu'il y a cent ans un cavalier y passait sans difficulté.
Dans les régions montagneuses du sud ouest de la France, on a tant de fois relevé la défense de lancer des pierres dans les lacs qu'on peut la considérer comme générale; d'après les gens du pays, cet acte irrite les génies qui y font leur résidence, et un orage ne tarde pas à éclater.
La pratique qui consiste à placer des pierres sur les arbres fruitiers a probablement pour origine une assimilation analogique entre la charge qu'on leur met et celle des fruits dont on désire qu'ils se couvrent.
Dans la Gironde, on place à l'endroit d'où partent les branches des pommiers une pierre grise.
Dans l'Albret, si un arbre à fruit ne produit pas, on pose sur sa coupe, quand il est en fleur, une pierre ramassée dans une autre commune.
Dans la Gironde, lorsque le feu est mort, on place une grosse pierre au centre du foyer.C'est sur elle que la Vierge viendra s'asseoir la nuit pour se peigner.
Parmi les nombreux remèdes usités dans la région girondine pour guérir la marée, enflure qui vient à la suite d'une opération quelconque ou d'une blessure, figurent souvent neuf cailloux que l'on fait bouillir avec divers ingrédients végétaux, aussi au nombre de neuf, dans un pot. Le contenu est versé dans une grande terrine, le piché posé dans l'infusion la gueule en bas.
On recouvre le tout d'un linge, on appuie la partie malade sur le pot, et si l'on entend la marée (l'eau) monter dans le piché tandis que les objets restent dans la terrine, le mal s'en va.
Les basques expliquent par une légende la présence d'un rocher isolé, de vingt mètres de hauteur, sur la pente gazonnée de la montagne près de Lacarry.
Lorsque Charlemagne arriva avec Roland à la ville de Tardets, où commence la montée des Pyrénées, Roland voulut intimider les ennemis par un coup de vigueur; Il monta jusqu'au sommet de la Madeleine, et, empoignant une grosse pierre, il prit position pour la lancer par-delà les montagnes sur les villages espagnols.
Mais pendant qu'il ramenait son bras en avant, son pied glissa sur la terre humide et la force du coup fut amortie. La pierre tomba en deçà des Pyrénées, sur l'Anthoule, territoire de Lacarry, à douze kilomètres de là, et y resta. Elle a conservé la marque des doigts de Roland.
En Gascogne, l'eau d'un puits, jusque-là claire et limpide, étant devenue toute trouble, le propriétaire était sur le point de faire venir des ouvriers pour le curer, lorsque sa servante lui dit d'attendre quelques instants.
Elle alla chercher un petit miroir et cria :
"Maître, venez au puits !"
Elle tourna son miroir vers le soleil, dont la lumière rayonna jusqu'au fond.
Le basilic leva la tête, le miroir lui montra son image et aussitôt il creva.
Les rivières de la Gascogne étaient la résidence de sirènes, dont J. F. Bladé en a donné une description un peu littéraire.
"Les sirènes du Gers ont des cheveux longs et fins comme la soie, et elles se peignent avec des peignes d'or. De la tête à la ceinture, elles ressemblent à de belles jeunes filles de dix-huit ans.
Le reste du corps est pareil au ventre et à la queue des poissons.
Ces bêtes ont un langage à part pour s'expliquer entre elles.
Si elles s'adressent à des chrétiens, elles parlent patois ou français.
Elles vivront jusqu'au Jugement dernier.
Certains croient qu'elles n'ont pas d'âme mais beaucoup pensent qu'elles ont dans le corps les âmes des gens noyés en état de péché mortel.
Pendant le jour, elles sont condamnées à vivre dans l'eau. On n'a jamais pu savoir ce qu'elles y font.
La nuit elles remontent par troupeaux et folâtrent en nageant, au clair de lune.
Alors elles s'égratignent et se mordent pour se sucer le sang.
Au premier coup de l'Angélus, elles sont obligées de rentrer sous l'eau.
Force bateliers ont vu des troupeaux de sirènes dans la Garonne. Elles chantaient, tout en nageant, des chansons si belles, que vous n'avez jamais entendu ni n'entendrez jamais les pareilles.
Par bonheur, les patrons des barques se méfient de ces chanteuses. Ils empoignent une barre et frappent à tour de bras sur les jeunes mariniers qui sont prêts à plonger pour aller trouver les sirènes.
Mais les patrons ne peuvent avoir l'œil partout. Alors les sirènes tombent sur les plongeurs, elles leur sucent la cervelle et le sang, et leur mangent le foie, le cœur et les tripes.
Les corps des pauvres noyés deviennent autant de sirènes jusqu'au Jugement dernier."
Un jeune tisserand si passionné pour la pêche qu'on lui avait donné le surnom de Bernard Pêcheur ou martin-pêcheur, étant descendu vers trois heures du matin pour poser ses lignes de fond dans le Gers, entendit à cent pas de la rivière des cris et des rires de jeunes filles.
"Au diable ! pensa-t-il, les filles de Castéra sont venues se baigner ici. Elles auront épouvanté le poisson." Il s'approcha doucement en se cachant derrière les saules, pour bien les voir, sans leur donner à comprendre qu'il était là.
Elles se peignaient avec des peignes d'or, ou elles nageaient et folâtraient au clair de lune.
Bernard Pêcheur entendait leurs cris et leurs rires. "
"Diable m'emporte, dit-il, si je connais aucune de ces jeunes filles et si je comprends un seul mot de ce qu'elles disent ! "
La pointe de l'aube n'était pas loin, lorsqu'une des baigneuses l'aperçut et cria :
"Un homme !"
Aussitôt toutes se tournèrent vers l'indiscret :
- "Bernard Pêcheur, mon ami, vient nager avec nous !"
- "Mère de Dieu ! je suis tombé sur un troupeau de sirènes !"
Alors les sirènes commencèrent une chanson si belle que Bernard Pêcheur était forcé de se rapprocher de l'eau de plus en plus.
Il était au bord de la rivière, et allait plonger sans le vouloir, quand les cloches de l'église de Castéra sonnèrent le premier coup de l'Angélus.
Aussitôt les sirènes finirent leur chanson, et se cachèrent sous l'eau.
Les traditions de lessives faites en plein jour, plus souvent la nuit, par des personnages surnaturels ou par des revenants se rencontrent partout où il y a de l'eau, mais leur caractère varie suivant qu'elle est limpide, courante ou stagnante.
C'est dans le voisinage des étangs ou des mares qu'on en a constaté le plus grand nombre.
Elles se distinguent des autres par la tristesse des laveuses, par la nature horrible des actes qu'elles y accomplissent, et qui ont en effet quelque rapport avec les exhalaisons des étangs et des marécages.
En Gascogne, le Drac s'occupe aussi à des lessives nocturnes.
Un homme qui revenait seul de Lectoure entendit, en passant à la nuit close près d'une mare, de grands bruits comme ceux que font les battoirs de lavandières; il se demanda quelles étaient les sottes qui lavaient à pareille heure.
Ce n'était pas des lavandières, mais bien le Drac.
Celui-ci fut tellement irrité d'être surpris à cette besogne qu'il couvrit de vase l'indiscret de la tête aux pieds.
On disait autrefois en Saintonge que les curés pouvaient produire la grêle eux-mêmes, sans le secours de personne, et sans aller au sabbat : il leur suffisait de battre avec une petite verge merveilleuse les eaux d'un étang, d'une rivière ou d'une fontaine.
Cette croyance est également répandue en Gascogne.
D'après un récit de ce pays, trois curés s'assemblent au bord d'une mare, ils en troublent l'eau, la mêlent avec la vase, et en composent un levain de grêle qui ravage toute la contrée.
Suivant une croyance très répandue, le chant de certains oiseaux influe sur la santé, la chance ou la richesse de celui qui l'entend pour la première fois, ou lui prédit tout au moins ce qui lui arrivera.
Le coucou est le plus connu de ces prophètes ailés; mais d'autres oiseaux ont également ce privilège. Dans l’Albret, celui qui l’entend aura la fièvre.
En Gascogne, on mettait au cou de celui qui souffrait de la fièvre quarte une cicoulane (lézard gris) vivante enfermée dans un fragment de roseau; quand elle était morte, le malade était guéri.
Il faut se garder de compter les ruches.
Dans les Landes, cet acte leur porte malheur, dans l'Albret, il y fait venir le blaireau.
Un conte de Gascogne parle d'un pou gros comme un haricot : c'est un jeune homme auquel un magicien a donné cette forme, mais il conserve la faculté de parler.
La génération de quelques espèces est l'objet de croyances assez singulières : aux environs de Saint Sever (Landes), on prétend que le brochet naît de la terre.
On y dit aussi que jamais anguille n'a produit une autre anguille, et qu'elle prend naissance dans la tête de l'alose.
Voici pourquoi, dit-on en Gascogne, la rose blanche est bénie : la Vierge cultivait un pied de roses rouges.
Un jour qu'elle n'avait pas d'eau pour l'arroser, des voisins lui en apportèrent, mais Joseph altéré par la fièvre la but.
Les roses se desséchèrent et l'Enfant Jésus, qui avait coutume de s'amuser avec, se mit à pleure en les voyant en cet état.
Alors Marie laissa tomber une goutte de lait sur les roses flétries, qui reprirent vie aussitôt et devinrent toutes blanches.
Dans les Landes, une rose qui, restée seule sur sa tige, est tournée vers une habitation, indique que l'un de ceux qui y demeurent cessera bientôt de vivre.
En Gascogne, quand on en cueille un, on récite cette formulette :
Champignon, petit champignon,
Fais-moi trouver ton compagnon.
Plusieurs légendes intimidantes racontent qu'à des époques voisines de la nôtre, le diable est venu se mêler aux danses dans les fermes et les auberges où ce divertissement n'avait pas cessé à minuit.
Des récits des Pyrénées et de la Gascogne disent qu'il peut venir la nuit chez ceux qui parlent trop de lui après le soleil couché.
Naguère les paysans de la Bresse avaient soin d'enterrer sous les fondations, où dans l'angle, un carré ou pierre à tonnerre, ceux des Pyrénées observent le même usage.
On a constaté leur présence sous le seuil de maisons des Landes, de l'Anjou, de la Gironde…
Parfois il a suffi, pour changer le goût de son eau, d'y jeter un vase rempli d'un breuvage magique ou exceptionnellement amer.
Un jour de Pâques, les anges avaient préparé pour les habitants du Paradis un potage exquis, mais le diable réussit à y jeter le contenu d'une immense salière.
Lorsque le seigneur goûta la soupe, elle était si âcre qu'il saisit la marmite qui la contenait, et la lança à travers les airs : elle tomba dans l'Océan, et le rendit salé pour toujours. (Gascogne)
Ordinairement c'étaient des hommes qui étaient attirés dans ce monde enchanté, parce qu'il est le plus souvent habité par des personnages féminins.
Parfois des génies mâles y emmenaient des femmes : en Gascogne, un drac saisit une jeune fille qui se baigne et l'emporte dans son beau château, construit sous la mer, au milieu d'un jardin planté d'arbres et de fleurs marines.
La coutume de se baigner à quelques époques déterminées n'a pris fin, dans le Roussillon, qu'après le milieu du 19e siècle.
En 1880, des gens se souvenaient encore d'avoir vu les hommes et les femmes retrousser leurs culottes ou leurs jupons, et se promener dans la mer le jour de la Saint Jean.
Sur le littoral du golfe de Gascogne, ces bains avaient lieu pendant la nuit qui la précède.
Dans la partie basque, des gens venus de l'intérieur entraient dans la mer, hommes, femmes et enfants, en se tenant par la main.
Sur la côte landaise, où l'usage est en voie de disparition, les habitants des campagnes se rendaient sur les dunes, entre minuit et le lever du soleil, pour y cueillir les immortelles dont elles sont couvertes, et qui placées au-dessus de la porte des maisons, en éloignent les maléfices.
Mais avant de faire cette cueillette, ils se trempaient dans la mer.
Sources : Le Folklore de France, Paul Sebillot.
L'évangile des Quenouilles, 1480.
dimanche 26 décembre 2010
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