Assemblée nationale - Police et sécurité : loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieur (LOPPSI 2)
contre les contrôles de “comportement” sur la réutilisation des données publiques
Madame, Monsieur,
Les associations et organisations civiles soussignées, vous écrivent pour vous
demander l'abandon des modifications de la loi sur l'accès à l'information de 1978 [1]
proposées par l'article 30 ter du projet de loi LOPPSI (N° 2827 - Loi d'orientation et de
programmation relative à la sécurité) [2]. Cet article autoriserait les autorités à étendre la
procédure administrative de contrôle du "comportement", définie par la loi sur la sécurité
de 1995 [3], aux personnes physiques ou morales désirant accéder à des informations
publiques, telles que des documents ou des bases de données, en vue de les réutiliser.
À l'heure actuelle, ces contrôles de comportement sont réservés notamment à
l'accès aux produits dangereux ou aux zones sécurisées. Élargir ces contrôles à ceux
souhaitant simplement réutiliser les informations du secteur public est inutile et
disproportionné. Cela reviendrait à considérer la réutilisation des données publiques
comme une activité dangereuse. Étant donné le flou juridique autour de la notion de
"comportement", laissée à l'appréciation de l'administration, cette mesure tendra à
restreindre de manière arbitraire l'accès à l'information et la liberté d'expression en France.
L'article ainsi proposé causerait de sérieux dégâts au droit d'accès à l'information
protégé par la loi CADA de 1978, renforcée par la directive européenne 2009/98/EC du
Conseil et du Parlement Européen sur la réutilisation des informations du secteur public
(PSI, 17 novembre 2003) [4].
En effet, cet article est en contradiction directe avec la directive 2003/98/EC [5],
qui demande aux gouvernements d'assurer des "conditions justes, proportionnées et nondiscriminatoires pour l'accès à l'information [du secteur public]". La jurisprudence de la
Cour Européenne des Droits de l'Homme a réaffirmé ces conditions en reliant le droit
d'accès à l'information au droit à la liberté d'expression, droits qui ne sauraient être
entravés d'aucune contrainte discriminatoire par les autorités publiques [6].
Rendre les données publiques librement accessibles pour des réutilisations larges
est reconnu comme un important facteur d'innovation sociale et économique. La
disponibilité de telles informations incite à une plus forte participation à la décision
publique et enrichit les liens entre les citoyens et leur gouvernement. Le grand public peut
ainsi enrichir les données générées par le gouvernement, par exemple en développant des
applications ou des programmes qui rendent service à la société dans son ensemble.
Ces apports sont clairement reconnus par de nombreuses démocraties à travers le
monde, comme l'Australie, le Danemark, les États-Unis, la Norvège, la Nouvelle-Zélande
ou le Royaume-Uni, dans lesquelles les gouvernements mettent d'énormes volumes de
données brutes à disposition de tous sans condition d'accès ou d'usage [7]. Si l'article
proposé dans le projet de loi LOPPSI était voté et promulgué, cela freinerait sans aucune
raison les progrès des initiatives françaises liées à l'ouverture des données publiques. Tel
quel, il s'agirait d'un sérieux retour en arrière de la France alors même que de nombreux
gouvernements européens progressent vers un meilleur accès aux informations et un
engagement croissant des citoyens.
Pour toutes ces raisons, les organisations signataires de cette lettre appellent le
gouvernement français et les parlementaires à supprimer l'article 30 ter de ce projet de loi.
Veuillez agréer, Madame, Monsieur, l'expression de nos sentiments respectueux,
_
mercredi 15 décembre 2010
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