Réforme des retraites: le rendez-vous de 2012 | Slate
Réforme des retraites: le rendez-vous de 2012
Les syndicats semblent vouloir s’en persuader: «Il faudra bien que le gouvernement entende les manifestants.» Il peut aussi rester sourd. Scénarios de sorties de crise.
- Manifestation à Marseille, le 19 octobre 2010. REUTERS/Jean-Paul Pelissier -
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Gilles Bridier Gilles Bridier est journaliste économique à Api.doc. Il est passé par les rédactions des Echos, de Libération, du Monde et de La Tribune. Ses articles
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Si, relayant Nicolas Sarkozy, François Fillon refusait toute nouvelle concession? S’il s’arc-boutait sur la réforme malgré ses évidentes imperfections, comme le déséquilibre financier du système à partir de 2018? S’il refusait jusqu’au bout de céder à la demande de syndicats qui ne représentent que 8% des salariés mais qui sont soutenus par sept Français sur dix?
Comment sortir dans ces conditions d’un conflit social sur lequel viennent s’agglomérer, avec la durée, bien d’autres causes de mécontentement que les retraites? De nombreux paramètres entrent en ligne de compte. Revue de détail, en attendant la réunion intersyndicale du 21 octobre qui déterminera la suite des évènements.
Les violences dans les manifestations desservent les opposants à la réforme
Les syndicats le savent bien, qui expliquent comme Bernard Thibault de la CGT qu’il n’y a aucun débordement «dans les initiatives de caractère syndical», ou qui lancent comme François Chérèque (CFDT) un «appel au calme». Plus les dérapages sont nombreux, imputés à des «bandes de jeunes» extérieures aux mouvements de lycéens, plus le gouvernement peut arguer du caractère décalé de ces manifestations par rapport à la réforme des retraites, et justifier —comme l’a fait François Fillon à l’Assemblée nationale— l’encadrement des manifestants au nom de la protection des lycéens.
La police de la République ne peut taper sur la jeunesse du pays. Mais elle peut réprimer des casseurs pendant que le gouvernement discrédite les organisateurs des manifestations et ceux qui les soutiennent. A quelques jours des vacances de La Toussaint, période durant laquelle les manifestations de lycéens s’éteindront d’elles-mêmes, c’est la meilleure façon d’étouffer le mouvement. Mais les étudiants pourraient prendre le relais, pour une jonction avec les autres manifestants courant novembre.
Les syndicats ont le dos au mur
Ils ont jugé insuffisants les assouplissements apportés au projet initial, qu’il s’agisse de la pénibilité ou des carrières longues (deux notions qui existaient déjà dans la réforme de 2003) ou encore des mères de famille de trois enfants nées avant 1955. «Le compte n’y est pas», a soutenu le leader de la CGT Bernard Thibault. Et même si Jean-Louis Malys en charge du dossier retraites à la CFDT a jugé ces avancées non négligeables pour de nombreux salariés, il a aussi déclaré qu’elles ne justifiaient pas la fin de la mobilisation sociale. Leurs partenaires de la CFTC, FSU, Unsa et Solidaires sont au moins sur la même ligne. Il leur est maintenant difficile de mettre fin à leur mouvement sans rien n’avoir obtenu de plus du gouvernement. D’autant que, dans la tradition française de fin de crise, il est d’usage d’offrir une porte de sortie honorable à tous es acteurs d’un conflit, même aux vaincus.
Mais François Fillon, qui mise sur le prochain vote de la réforme par le Sénat après celui de l’Assemblée nationale, affirme ne plus rien vouloir lâcher. Les plus ultras du gouvernement espèrent peut-être que, par une défaite des syndicats en rase campagne, ils porteront le discrédit sur leur action et briseront le syndicalisme contestataire à la française. Mais ils courent aussi le risque que, sans encadrement à l’écoute de leurs aspirations, les grévistes les plus déterminés échappent aux syndicats et s‘engagent dans des coordinations déstructurées.
Avec le blocage de l’économie comme unique stratégie, ce que les syndicats veulent –eux– éviter.
La grève reconductible n’est pas la seule arme syndicale
Comme pour se ménager des portes de sortie, les leaders de la CGT et de la CFDT évoquent d’autres «initiatives». Car même si certains syndicats, comme à La Poste, appellent à des grèves illimitées, même si FO et SUD veulent toujours durcir le mouvement, même si Bernard Thibault lui-même affirme «on ne lâchera rien», le front intersyndical révèle quelques fissures. La CFE-CGC s’interroge sur la pertinence de participer à d’autres manifestations, et certains évoquent le dépôt d’un amendement gouvernemental prévoyant la mise en chantier d’un système de retraite à points qui pourrait intéresser la CFDT.
Par ailleurs, on note un essoufflement dans certains secteurs: seulement 11,5% de fonctionnaires en grève le 19 octobre et 9% d’agents de la RATP, et environ un cheminot sur trois. Il est vrai que les salariés bénéficiant des régimes spéciaux ne seront concernés par les dispositions de cette réforme qu’à partir de 2017. En outre, les jours de grève ne sont en théorie plus payés. Certes, des accommodements sont toujours possibles en fin de mouvement pour faciliter la sortie de crise, comme l’étalement dans le temps du manque à gagner dû aux arrêts de travail ou la récupération d’une partie des jours non travaillés. Malgré tout, les grévistes perdent une partie de leur salaire, ce qui est un frein à la reconduction d’une grève, et une incitation à trouver d’autres formes d’action.
Le processus démocratique arrive à sa fin
«Soyons des syndicalistes lucides et responsables: la réforme sera votée par le Sénat», a lâché Alain Olive pour l’Unsa à l’émission «C dans l’air». Même si la réforme n’est selon lui «pas légitime», le processus démocratique sera arrivé à son terme après l’adoption de la réforme par les deux chambres. Et un syndicat responsable ne peut balayer d’un revers de main le vote des élus de la nation.
Que faire dans ces conditions? Donner rendez-vous à Nicolas Sarkozy dans 18 mois, à la prochaine élection présidentielle, pour manifester par les urnes une opposition que la mobilisation populaire n’a pu faire aboutir. Et, jusque-là, entretenir la pression sur les retraites.
En attendant 2012, le syndicalisme joue sa crédibilité
D’ici à 2012, les Français risquent de se démobiliser sur les retraites d’autant plus facilement que la majorité présidentielle trouvera d’autres dossiers sur lesquels focaliser l’opinion publique, surtout dans le cas d’un virage à droite de l’Elysée. Dans ce scénario, l’action syndicale passerait le relais au politique, reconnaissant implicitement avoir échoué dans sa démarche.
Ce «deuxième tour sur les retraites» constituerait également une contrainte pour la gauche, qui ne pourrait pas se dérober à ses promesses de revenir à une retraite à 60 ans en cas de victoire. Mais la gauche comme les syndicats sont conscients qu’une réforme des retraites est nécessaire. Si les syndicats prennent date pour 2012, l’opposition devra s’engager avec, dans le meilleur des cas, un projet de réforme qui ne se limite pas simplement à un retour à la retraite à 60 ans, mais avec d’autres dispositions pour assurer le financement de la répartition. Un défi à relever.
Gilles Bridier
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jeudi 21 octobre 2010
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