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mercredi 30 novembre 2011
mardi 29 novembre 2011
lundi 28 novembre 2011
FloriLettres Revue littéraire de la Fondation La Poste
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Florilettres Fondation d'entreprise La Poste
FloriLettres
Revue littéraire
de la Fondation La Poste
> Numéro 129, novembre 2011
SOMMAIRE
- Éditorial
- Entretien avec Marie-Rose Guarniéri
- Entretien avec Eric Laurrent
- Extraits choisis
- Prix Wepler et Mention spéciale 2011
- Sur Arthur Rimbaud, Correspondance posthume 1901-1911
- Dernières parutions
- Agenda
- Agenda des actions de la Fondation
- Télécharger Florilettres en pdf sur le site de la Fondation
Prix Wepler-Fondation La Poste
Éric Laurrent
Mention spéciale du jury
François Dominique
Éditorial
Conçu par Marie-Rose Guarnieri en 1998 - l’année où elle créait à Montmartre la librairie des Abbesses - le Prix Wepler-Fondation La Poste porte le nom de ses deux mécènes. Quelques jours avant la remise du Prix célébrée le 14 novembre à la brasserie Wepler, elle exposait pour FloriLettres, dans sa belle librairie rouge opéra, l’aventure de cette distinction littéraire qu’elle défend avec ardeur depuis quatorze ans. Le Prix-Wepler Fondation La Poste se caractérise par son indépendance et son exigence littéraire. Chaque année son jury est renouvelé intégralement. Il est constitué de lecteurs et de professionnels qui explorent la création romanesque et soutiennent « des œuvres difficiles dont la visée n’est pas uniquement commerciale ». Le Prix a été attribué à Éric LAURRENT pour Les découvertes publié aux éditions de Minuit, et François DOMINIQUE a reçu la Mention spéciale pour Solène paru aux éditions Verdier. Les deux ouvrages sont sortis en septembre dernier.
Rencontre avec Éric Laurrent, récompensé pour son dixième roman qui achève un cycle de quatre livres à résonance autobiographique...
Nathalie Jungerman
Télécharger Florilettres en pdf sur le site de la Fondation
Entretien avec
Marie-Rose Guarniéri
Propos recueillis par Nathalie Jungerman
Le Prix Wepler-Fondation la Poste existe depuis 1998. Le 14 novembre prochain aura lieu la remise du Prix et de la mention à la brasserie Wepler, Place de Clichy. Pourquoi un jour, une brasserie, une librairie et une Fondation se sont associées pour attribuer un prix littéraire ?
Marie-Rose Guarniéri Le Prix Wepler-Fondation la Poste existe effectivement depuis 1998 et c’est aussi l’année où j’ai créé ma propre librairie dans le quartier des Abbesses à Montmartre. J’avais quinze ans de métier et venais de quitter la direction d’une grande librairie dans le 5ème arrondissement de Paris. M’installer dans le 18ème où l’histoire avait été si riche d’un point de vue artistique, littéraire mais aussi politique et festif a suscité en moi le désir de m’engager davantage dans le métier en essayant de renouer avec cette vie culturelle et d’en perpétuer l’esprit. Lorsque je me suis trouvée face à la brasserie Wepler, lieu mythique d’ancrage de nombreux écrivains, j’ai pensé à Céline qui, dans Voyage au bout de la nuit, fait dire à Ferdinand Bardamu « Engagez-vous dans l’armée ! » et part à la guerre à partir de cette brasserie. J’ai envisagé à ce moment-là de fonder un prix littéraire qui se distinguerait des autres, notamment par son indépendance, son engagement pour le soutien des livres à vocation non commerciale et par la constitution d’un jury tournant. Le mode de fonctionnement des prix en vigueur, leur immobilisme et leur puissant conservatisme me déroutaient. Je ne comprenais pas pourquoi personne n’avait encore réagi en constatant que certains éditeurs étaient toujours mis en valeur au détriment des autres grâce auxquels émergeaient pourtant de beaux textes littéraires et audacieux. Je suis allée voir Michel Bessière, patron du Wepler et je lui ai présenté mon projet. Il a fait preuve d’une grande ouverture d’esprit, de courage aussi, car il ne connaissait pas du tout le milieu littéraire. Il m’a fait confiance et s’est engagé dans cette aventure. Depuis quatorze ans, Michel Bessière ferme sa brasserie le soir de la remise du Prix et perd un chiffre d’affaires considérable pour nous accueillir. Il offre le lieu pour organiser cette soirée mais aussi les huîtres et le champagne aux cinq cents invités. Sa contribution est un véritable mécénat.
Au départ, vous étiez plusieurs pour la mise en place du projet...
M-R G En effet, il y avait Monique Younès (journaliste), Valérie Martin (libraire), Marie Descourtieux (à l’époque responsable presse chez Métailié), Jean-François Kervéan (écrivain et critique littéraire) et Remo Forlani (écrivain, dramaturge, critique, réalisateur et scénariste, décédé en octobre 2009). Grâce à Monique Younès, nous avons rencontré Daniel Vaillant, maire du XVIIIème arrondissement de Paris que notre projet a touché et qui nous a donné une liste de sponsors pour trouver des subventions. La Poste faisait partie de cette liste. Nous sommes allés voir le secteur Paris-Nord avec lequel la mairie travaillait. Notre interlocuteur nous a envoyé à la Fondation La Poste où nous avons rencontré Sylvie Pélissier qui, à l’époque, était la déléguée générale. Elle a été séduite par notre enthousiasme, notre ardeur - [la Fondation avait été créée trois ans plus tôt, en 1995, et soutenait l’expression écrite] -, et a senti qu’il était important d’engager un vrai mécénat pour ces écrivains que nous voulions défendre. La première année, la Fondation a apporté son soutien financier pour récompenser le lauréat. La mention n’existait pas encore. Quand Dominique Blanchecotte a pris ses fonctions quelques années plus tard au sein du Groupe La Poste et notamment à la Fondation, elle s’est intéressée au Prix Wepler, à notre démarche et a choisi de conserver et même de renforcer l’aide apportée par la Fondation. La continuité des sponsors a donné l’identité au Prix. Le maire de Paris et le maire du XVIIIème le soutiennent également depuis le début, sans oublier les médias qui relaient largement les informations le concernant.
Comment est née l’idée d’un jury tournant ?
M-R G J’avais comme modèle le festival de Cannes où chaque année le jury est renouvelé, ce qui assure la complémentarité des points de vue, engendre souvent des surprises et fait apparaître des artistes inattendus.
Le jury du Prix Wepler-Fondation La Poste est semi-professionnel. Il est constitué de deux critiques littéraires indépendants, un libraire et des lecteurs dont un postier (un concours est lancé tous les ans par Forum, le journal de la Poste) et une lectrice détenue à la prison de Rennes. Réservé exclusivement aux femmes condamnées à de longues peines, cet établissement pénitentiaire leur propose d’étudier ou de participer à des activités socio-culturelles. L’aventure du Prix Wepler contribue à relier ces femmes à la société.
À partir du mois d’avril, nous constituons le jury, et entre mai et juin, une centaine de livres sont envoyés par les éditeurs à chaque membre. Les éditeurs ont identifié le Prix, le distinguent des autres et font rarement concourir les mêmes auteurs. Ils nous font parvenir des textes susceptibles d’être sélectionnés. Il nous arrive également de demander des livres que nous estimons pouvoir entrer en lice.
Quels types de textes le Prix Wepler soutient ?
M-R G Des textes très écrits, inclassables, audacieux, décadrés... Les auteurs de ces textes n’ont pas de visée commerciale. Ceux qui ont été primés, si l’on regarde le palmarès, se sont engagés totalement dans la littérature et en vivent difficilement. Ils vendent en général 1000 à 2000 livres. Quand on sent que le livre est repéré, salué, qu’il est déjà finaliste pour un prix, on estime qu’on a autre chose à faire. Cette année, deux livres de notre sélection sont dans des « hautes listes », Le dépaysement : voyages en France de Jean-Christophe Bailly (Seuil) et Kampuchéa de Patrick Deville (Seuil), mais on ne le savait pas quand on les a sélectionnés.
On souhaite soutenir des livres qui prennent des risques, qui ne comblent pas mais qui questionnent, inquiètent.
Que voulez-vous dire par « qui inquiètent » ?
M-R G De nombreux romans proposent une forme qui essaie d’être confortable, qui ne pose plus trop de questions car il y a un péril à être un livre sans réponse. La littérature que nous soutenons inquiète parce qu’elle invente une langue et souvent demande un effort au lecteur. Par exemple, Tableaux noirs d’Alain Jaubert (Gallimard) n’est pas un livre facile, on ne comprend pas d’emblée ce que l’auteur a mis au point. Pour autant, je ne plaide pas obligatoirement pour la difficulté, mais il faut être un lecteur assidu, volontaire, attentif afin de se dire, au cœur du livre, « c’est une merveille ». Il s’agit d’un texte où l’enfance est appréhendée d’une façon inhabituelle. L’audace se situe dans l’écriture, le maillage, la structure et dans l’exigence de la restitution de points de vue fugitifs qui sont ceux de l’enfant.
Le dépaysement de Jean-Christophe Bailly est une sorte d’épopée folle, le récit d’un géographe qui vise à donner une idée de ce qu’est la France contemporaine avec ses multiples identités à travers des paysages, des rencontres. Ce n’est pas un livre journalistique, mais un livre de poète, d’écrivain, un vrai voyage. Sorti en mai dernier, il n’est pas passé inaperçu, mais il nous a semblé important de le sélectionner d’autant plus que l’auteur a une œuvre singulière.
Quelle est la portée du Prix ?
M-R G Le Wepler-Fondation La Poste est un véritable mécénat pour les écrivains. Par exemple, après l’avoir obtenu en 2007 pour On n’est pas là pour disparaître (Verticales), Olivia Rosenthal n’avait plus la même place dans le monde littéraire. L’attention s’est davantage portée sur elle, et d’ailleurs un an plus tard, le Prix Inter lui a été attribué. Aujourd’hui, Lyonnel Trouillot [Prix Wepler-Fondation La Poste 2009] est dans la liste finale du Goncourt. Avant le Wepler, il n’avait jamais fait partie d’aucune liste alors qu’il a une œuvre conséquente qui comprend une trentaine de livres publiés.
Nous sommes donc très heureux de faire ce « travail d’antichambre », de chercher, indiquer et encourager. L’idée est de défricher, de faire émerger des auteurs qui pourront trouver un éclat, un rayonnement qu’ils n’ont pas encore. Il y a toujours eu aux côtés des artistes des intermédiaires qui de leur vivant reconnaissaient et soutenaient leur travail. Il faut des passionnés à côté des œuvres en train de se faire. Je suis heureuse d’avoir trouvé deux mécènes. La Fondation La Poste qui donne 10 000 euros pour le Prix et 3 000 pour la mention nous permet aussi de créer tous les ans un courrier graphique dans lequel nous envoyons notre sélection et les dotations d’écrivains de manière créative.
Quelques mots sur la « mention » ?
M-R G La mention, c’est ce qui ne se définit pas. Disons que c’est l’aiguillon du Prix. On récompense l’inattendu, l’excessif, l’inclassable.
Mais vous récompensez déjà « l’inattendu » avec le Prix ?
M-R G En effet, mais, avec la mention, il s’agit davantage de « l’insaisissable ». Jacques Abeille a obtenu la mention spéciale du Jury 2010 pour le 1er volume du Cycle des Contrées : Les Jardins statuaires aux éditions Attila. Ce livre a été édité quatre fois par quatre éditeurs différents, une énigme de l’histoire littéraire. Il ressurgit régulièrement, tous les cinq ou six ans, et vient inquiéter le métier. Il n’avait pas encore eu sa place et l’on espère qu’à présent, avec les éditions Attila qui ont beaucoup investi, il l’aura trouvée. D’ailleurs, 8000 exemplaires de plus ont été vendus depuis l’obtention de la mention. Grâce à ce Prix, certains auteurs font des avancées plus importantes.
Le Prix prolonge aussi de deux ou trois mois l’existence d’un livre en librairie. Nous écrivons pourquoi nous avons fait ce choix dans une lettre envoyée par la Poste aux libraires. Nous leur disons que ce Prix n’a de force que celle du goût, de la conviction et d’un métier qui est celui de la librairie et nous insistons pour qu’ils mettent en avant ce travail difficile à mener.
Les éditeurs aussi s’investissent beaucoup. Ils paient une publicité dans le Monde des Livres tous les ans et font un bandeau « Prix Wepler-Fondation La Poste », puis redistribuent dans toute la France les livres primés. Le Prix Wepler à l’instar des Correspondances de Manosque est une instance nécessaire qui invite, met en avant et fait vivre des auteurs. Au sein des télévisions, on ne parle que des dix meilleures ventes et tout ce travail littéraire est un peu écarté.
Avez-vous des projets pour les 15 ans du Prix Wepler-Fondation La Poste ?
M-R G Nous sommes justement en train de préparer quelque chose dont nous n’avons encore parlé à personne. Nous voulons insister sur les angles qui sont les nôtres : un prix d’écrivains inclassables, l’audace en littérature et un jury renouvelable. Comme nous pensons qu’il y a trop d’interférences dans le défrichage littéraire, nous allons lancer un message aux éditeurs : « Les textes, rien que les textes ». Pour les 15 ans du Wepler, nous leur demanderons de nous adresser les livres sous forme d’épreuves sans indiquer le nom de l’écrivain, ni celui de l’éditeur. Nous allons tenter de faire travailler un jury à l’aveugle. Nous allons défendre le contenu en essayant de garder le plus possible l’anonymat des auteurs. Évidemment, il y aura quelques membres du jury qui reconnaîtront sans doute certains textes car ils auront reçu par ailleurs les livres de la rentrée. Quant à moi, ce sera difficile également de faire abstraction de ce que je présente à la librairie. Mais il s’agit quand même de travailler dans cet esprit-là, sans l’influence liée au nom de l’auteur ni à celui de la maison d’édition. Ce qui est important c’est de sortir de nos marques, de nos sillons pour pouvoir accueillir du nouveau.
Pour les 10 ans, Michel Bessière avait offert une assiette à tous les invités de la soirée. Pour les 15 ans, ce sera un Laguiole. Le couteau est une façon de symboliser la lutte, le combat ! Car ce n’est pas facile au sein des prix d’imposer d’autres auteurs.
Quelques questions à Marie-Rose Guarniéri peu après la remise du Prix Wepler-Fondation La Poste et de la Mention Spéciale du Jury
Le Prix Wepler-Fondation La Poste vient d’être remis à Éric Laurrent pour Les Découvertes. Qu’est-ce qui a motivé ce choix ?
M-R G Chaque année, après avoir confronté ses points de vue, le jury réfléchit à ce que le Prix Wepler peut apporter de plus par rapport aux autres distinctions littéraires. Nous avons choisi Les Découvertes d’Éric Laurrent, car nous avons voulu soutenir, récompenser le travail de cet écrivain dont les positions littéraires ne sont peut-être pas dans l’air du temps. Nous savions aussi qu’il était totalement engagé dans l’écriture et nous avons souhaité mettre en lumière ce travail pour l’aider à poursuivre son œuvre. Nous voulons aussi que cette distinction ait un impact : donner une reconnaissance littéraire en pensant qu’aujourd’hui, précisément, l’œuvre se fera entendre davantage.
Avez-vous tenu compte également de ses livres précédents ?
M-R G Ce n’est pas la première fois qu’Éric Laurrent est dans nos listes mais c’est vraiment ce livre, Les Découvertes, qui nous a décidé. Quelque chose s’est ouvert dans son écriture, une autodérision qui a surgi et qui, en ce qui me concerne ne m’apparaissait pas dans les livres précédents. Nous avons pensé que nous devions soutenir cet excès, excès de langue, d’imparfait du subjonctif, de confessions.
Quant à la Mention spéciale du jury décernée à François Dominique pour Solène ?
M-R G L’importance de la Mention n’est pas moindre par rapport au Prix. Nous envisageons ces distinctions en deux temps et réfléchissons à un effet d’éclat et d’écho qui peut porter les auteurs. Nous avons estimé que les deux livres, Les Découvertes et Solène se répondaient bien tant par leur exigence, leur voix que par ce qu’ils inventaient. Les deux auteurs ont ce même amour de la phrase sertie, d’une syntaxe pointilleuse, même si chez Éric Laurrent, le style est plus baroque et la lexicologie différente. Ils ont une ambition littéraire et structurelle semblable.
La lecture de Solène, livre étrange, crépusculaire, m’a bouleversée. Une petite fille qui est aussi la narratrice regarde le monde en perdition et lit dans la pensée des autres, entend leurs inquiétudes, leurs craintes, leurs désirs aussi. Ce qui est bouleversant c’est ce que le langage peut continuer de faire quand on a tout perdu ; continuer d’écrire, de penser, de nommer. Ce livre ouvre des pistes, il est comme une véritable « boîte à outil ».
Entretien avec
Éric Laurrent
Propos recueillis par Nathalie Jungerman
Vous avez reçu le Prix Wepler-Fondation La Poste pour Les Découvertes, roman publié aux éditions de Minuit en septembre dernier. Que représente pour vous cette distinction littéraire ? Dans votre discours lors de la soirée de remise du prix, vous vous étonniez de l’avoir reçu...
Éric Laurrent Il m’est très rarement arrivé d’être récompensé par quelque distinction que ce soit. Les deux ou trois fois où je l’ai été, je suis tombé des nues. Je n’ignore pas en effet que mon écriture est difficile. Elle provoque souvent une réaction tranchée : soit une adhésion enthousiaste, soit au contraire un rejet radical - elle ne laisse pas indifférent, comme on dit. Or, un prix ne se décerne qu’à l’issue d’un consensus. Et j’estimais qu’il était dans la sélection du prix Wepler des auteurs plus susceptibles que moi de le recueillir. D’où ma surprise... Quant à ce que représente pour moi cette distinction, eh bien je dirais que c’est un honneur que de la recevoir. Le prix Wepler-Fondation La Poste est en effet, probablement, le prix le plus intègre du milieu littéraire. Son jury, tournant et constitué de personnes qui ne font pas nécessairement partie de la profession, échappe en tout cas aux intrigues et aux pressions habituelles, qu’elles soient directes ou indirectes. Cette particularité fonde son indépendance et lui confère toute sa valeur.
Dès votre premier roman, écrit en 1995, Coup de foudre, vous affectionniez déjà les mots rares, la langue savante, les métaphores précieuses, les parenthèses et les imparfaits du subjonctif. Aujourd’hui, dans Les Découvertes, il semble que vous exacerbiez cette écriture de façon ludique, avec autodérision, et construisiez des phrases encore plus longues, qui font parfois jusqu’à dix pages...
É.L. Dès mes premiers essais d’écrivain, vers l’âge de vingt ans, je me suis tourné vers une forme d’écriture maniériste. Il n’y a pas très longtemps, d’ailleurs, j’ai retrouvé par hasard des bouts de textes datant de cette époque, qui en témoignent. Assez vite, cependant, j’ai pris conscience de mes limites techniques - car l’écriture, comme tous les arts, est aussi une affaire de technique. Je n’ai pas renoncé pour autant à ce qui était mon expression naturelle. J’ai simplement abaissé mon ambition - je l’ai adaptée à mes moyens : Coup de foudre, mon premier roman, témoigne bien de cette humilité. Au fil des livres, cependant, ma technique s’est améliorée. Mes moyens d’expression se sont accrus, et j’ai pu progressivement mettre en place cette écriture très particulière qui est la mienne aujourd’hui.
Le virage s’est vraiment fait avec À la fin (2004), mon septième roman. Là, mon style a commencé à se déployer, mes phrases se sont singulièrement allongées. Il faut dire que ce livre inaugurait un cycle d’inspiration plutôt autobiographique, quand bien même la part romanesque n’en serait pas absente, loin de là. Or, la phrase longue, riche en incidentes, en digressions, me semble la voie royale pour l’expression du souvenir, en ceci qu’elle peut accueillir toutes les réminiscences qui lui sont associées, tout le contexte auquel il était lié. Elle devient un réceptacle de la mémoire. Du coup, mon style trouvait sa justification. Je n’ai fait alors que le cultiver.
Vous avez donc construit les histoires de vos quatre derniers livres à partir d’événements autobiographiques. D’ailleurs, vous dîtes dans votre discours de réception du Prix Wepler que le jeune garçon des Découvertes « emprunte beaucoup à vos traits » ...
É.L. Le matériau d’À la fin, de Clara Stern, de Renaissance Italienne et des Découvertes est éminemment autobiographique. Il serait malhonnête de ma part de le cacher. C’est toutefois un matériau de base, rien de plus, et la part de fiction qui entre dans ces quatre livres est au moins aussi importante, voire beaucoup plus, que la part de vécu. Les Découvertes, par exemple, qui pourraient passer pour mon roman le plus autobiographique, comportent ainsi nombre d’épisodes entièrement inventés. Je suis romancier, pas mémorialiste. Écrire des ouvrages fidèles à la réalité ne m’intéresse pas, si tant est, du reste, que la chose soit possible. C’est une entreprise beaucoup trop limitée sur le plan littéraire, puisqu’elle interdit l’invention.
Et pour les autres livres, est-ce que le point de départ fait aussi référence à une situation vécue ?
É.L. Oui, dans une certaine mesure, même si cette part de vécu est beaucoup moins visible que dans les suivants, ne serait-ce que parce qu’ils ne sont pas écrits à la première personne. Ma vie m’a toujours fourni une abondante matière. Je crois même que tous ces ouvrages-là, mes sept premiers donc, ont eu pour point de départ, pour déclencheur, un fait bien réel, une situation vécue. Et au cœur de chacun d’eux se cachent des éléments, des événements de mon existence.
L’humour se dégage de vos textes ...
É.L. L’humour a toujours été une de mes préoccupations majeures, dès mon premier livre, qui relève du genre burlesque. C’est malheureusement une dimension assez négligée par la littérature, mais à laquelle je suis toutefois très sensible. J’aime Rabelais, j’aime Molière, j’aime Diderot, j’aime Feydeau, j’aime Beckett. Etre drôle est aussi une manière pour moi d’alléger le sérieux de mon écriture châtiée, de lui donner un tour enjoué, ironique, proche parfois de l’autodérision. C’est une manière de distanciation.
Vous utilisez fréquemment des références picturales dans vos romans...
É.L. La peinture me passionne en effet, essentiellement la peinture figurative, soit dit en passant. Contempler des tableaux m’a formé le regard, en développant chez moi une attention très vive pour les formes et la lumière, une fascination pour les détails. Je pense que cela a influencé mon écriture, qui est très descriptive. J’éprouve un amour immodéré pour la description, comme écrivain aussi bien que comme lecteur. D’ailleurs, il y a très peu de dialogues dans mes romans, et pas beaucoup d’action non plus.
Parfois, vous insérez dans la narration des dialogues sans marquage, sans guillemets...
É.L. Oui, je l’ai fait dans un certain nombre de livres. C’était une façon de se débarrasser du dialogue, qui me semblait ralentir l’action et briser la fluidité de la narration, sans compter que je n’ai jamais aimé en écrire, le dialogue étant pour moi le degré zéro de la littérature. J’avais ainsi pris le parti de découper les propos de mes personnages et de les immiscer par bouts dans le récit, sans marqueurs, sans ponctuation même. Aujourd’hui, j’en suis revenu à une conception très orthodoxe, avec guillemets, tirets et ponctuation. Pour autant, je fais toujours aussi peu parler mes personnages.
Vous avez inséré des notes à la fin des Découvertes, mais celles-ci ne ressemblent pas à des notes (une phrase fait une dizaine de pages) et sont une surprise pour le lecteur. Pourquoi avoir décidé de ne pas les intégrer à la narration ?
É.L. La rédaction des Découvertes a été difficile. Le texte, dans son état définitif, ne représente qu’une partie - moins de la moitié, je dirais - de ce que j’ai écrit au cours des trois dernières années. J’ai donc, vous l’aurez compris, écarté un grand nombre de pages. Les notes auxquelles vous faites allusion en faisaient partie. Contrairement à d’autres, qui sortaient vraiment du cadre, ces passages-ci n’étaient pas hors sujet, à proprement parler, mais leur présence déséquilibrait l’ensemble - ils ne pouvaient rester. Leur suppression m’a poursuivi comme un remords pendant de nombreux mois, car, je le répète, ils me semblaient avoir leur place. C’est alors que j’ai eu l’idée de les reverser dans le livre, mais sous la forme de notes. L’arrangement me satisfaisait. Je lui trouvais également un caractère original, ces additions étant d’ordinaire dévolues à l’appareil critique.
Dans vos phrases qui font preuve d’une grande complexité syntaxique sont imbriquées l’information, sa perception par le personnage et la mécanique de sa présence. Est-ce une façon d’aller jusqu’au bout du sujet ?
É.L. Cela contribue effectivement à l’épuiser. Il me semble en effet que l’écriture romanesque ne doit pas être la simple relation d’une succession de faits. Elle doit se différencier de l’usage commun de la langue, du bavardage universel, en descendant au cœur des choses ou en leur donnant de l’ampleur. La longue période reste la voie royale pour parvenir à cela.
Comment procédez-vous ?
É.L. Je commence à jeter sur le papier tout ce qui me vient à l’esprit. Cela relève à peu de chose près de l’écriture automatique chère aux surréalistes. Je suis presque dans un état second. Je deviens le scribe de mon inconscient. Je laisse venir à moi tout ce que m’évoque chaque mot, chaque situation, sur le principe de l’association libre. Mon premier jet est donc un magma confus, au sein duquel, dans un second temps, j’entreprends de faire le tri pour arriver à une certaine cohérence. Puis le travail d’ordonnancement se met en place.
À la lecture de vos textes, et notamment des Découvertes, on a l’impression que la structure, l’avancée narrative est proche du montage, de la construction cinématographique : des séquences avec des flash-back dans la même phrase, un mouvement qui évoque les travellings, des descriptions extrêmement précises qui font penser à un plan rapproché, des suppressions d’indications temporelles, des ellipses... Qu’en pensez-vous ?
É.L. Il est vrai que je suis cinéphile. Pour autant, revendiquer une approche cinématographique de la littérature serait malhonnête de ma part. La construction dont vous me parlez, et cela très justement, n’est pas délibérée. Elle procède d’une influence inconsciente. Mais elle doit être suffisamment prégnante pour qu’on la sente, car vous n’êtes pas la première à la remarquer. Cela tient, me semble-t-il, entre autres choses, aux nombreux détails réalistes que je prends soin de glisser dans mes ouvrages - aux « effets de réel », comme on dit. Mon écriture en est, du coup, très « imagée ». Je suis également très attentif au dynamisme de mes descriptions, qui ne sont pas statiques, comme chez Balzac par exemple, mais toujours en mouvement, comme chez Flaubert. Je privilégie, par exemple, les verbes d’action, au détriment des verbes d’état. Les choses apparaissent ainsi dans un continuum, et non par pièces détachées.
Certains noms sont récurrents dans vos romans, notamment Félix Arpeggione...
É.L. Félix Arpeggione est le personnage principal de mon quatrième livre, Remue-ménage, et il réapparaît comme personnage secondaire dans le cinquième, Dehors. Plus tard, quand j’ai entrepris mon cycle romanesque pseudo-autobiographique, l’idée m’est venue d’en faire l’ami d’enfance du narrateur, plutôt que d’inventer un nouveau personnage. Pour qui avait lu les romans précédents, son destin ultérieur était ainsi connu ; cela étoffait sa silhouette ; ce petit garçon qui n’aurait dû être qu’un figurant devenait dès lors un authentique personnage. Mais sa présence dans plusieurs romans - six, tout de même ! - possède une autre vertu, balzacienne ou zolienne, pourrait-on dire : celle de relier les uns aux autres tous ces romans, de les intégrer au même monde imaginaire. Ils forment un ensemble.
Travaillez-vous beaucoup à l’écriture de vos textes ?
É.L. Oui, car j’écris très lentement, à raison de deux pages par semaine environ. Cette lenteur est moins imputable à un manque d’imagination qu’à l’extrême complexité de mes phrases, qui ne se résument pas à un sujet, un verbe et un complément. Leur composition réclame en conséquence un labeur assez considérable, car il faut veiller à la fois à leur correction syntaxique et à leur clarté, attendu que - je vais faire cuistre - l’hyperhypotaxe (c’est-à-dire l’insertion d’un grand nombre de subordonnées dans une phrase) peut très vite conduire à la synchise (c’est-à-dire au brouillage syntaxique). Ces phrases interminables sont des sortes d’arches, dont la répartition des forces doit être parfaitement équilibrée, sans quoi elles s’écrouleraient.
Vous devez certainement être féru de grammaire !
É.L. J’ai toujours été passionné par la grammaire. Ce goût étrange m’a d’ailleurs conduit à embrasser le métier de correcteur. De fait, je suis très respectueux des règles, jusqu’à l’excès parfois, par exemple pour ce qui est de la concordance des temps, où mon orthodoxie me pousse à user du subjonctif imparfait, pourtant tombé en désuétude. En qualité d’écrivain, je me sens un devoir à l’égard de la langue. Après tout, c’est d’elle que je tire ma modeste gloire. Je m’en estime le garant, dans la mesure de mes moyens. Pour autant, je ne suis pas un normatif intégriste. La grammaire est une vieille dame qu’il ne me déplaît pas de chahuter un peu. Son respect, pour contraignant qu’il soit, ménage des libertés, que je m’autorise à prendre. On peut en jouer. Et je ne m’en lasse pas.
Prix Wepler et Mention spéciale 2011
Par Corinne Amar
Eric Laurrent, Les Découvertes (éditions de Minuit)
Dans son premier roman, écrit en 1995, Coup de foudre, cencensait déjà dans son univers les mots inconnus sortis du dictionnaire, les métaphores un rien maniéristes et les imparfaits du subjonctif, cultivait les parenthèses et l’intertextualité ; il rêvait au printemps et à Vénus, découvrait l’art ou le désir, via la présence en creux d’un tableau - là, en l’occurrence, La Naissance de Vénus, de Botticelli -, et l’on se souvient comme si c’était hier que l’écran de l’ordinateur de son héros, Chester, « était d’un gris à ce point céruléen qu’il semblait une lucarne donnant sur l’extérieur », tandis qu’une naïade se laissait deviner « derrière l’inextricable crêpelure de sa chevelure, boursouflée de partout, notamment de la gorge, où s’épanouissaient des seins dépareillés. » Dès la première page, le ton était donné.
Aujourd’hui, le lauréat du prix Wepler-Fondation la Poste, récompensé pour Les découvertes, publiées aux mêmes éditions de Minuit, en est à son dixième roman, s’étonne modestement de se voir décerner un prix, reconnaît « le caractère bien rébarbatif de [son] écriture précieuse et contournée », affectionne fidèlement la langue savante et les œuvres picturales, et part, ici, de la vue d’une reproduction de L’enlèvement des Sabines de David, pour évoquer tout au long du roman la fascination d’un jeune garçon pour le corps féminin, et son initiation à la fois, sentimentale et sexuelle.
Et peut-être, parce que les choses n’ont de réalité que si on les nomme, la première des découvertes sera, pour le narrateur enfant, avec la lecture passionnée des livres, l’apprentissage méthodique du dictionnaire, afin d’« être en mesure de décrire dans le détail cela que je voyais ».
On est à Clermont-Ferrand, dans le milieu populaire et catholique familial des années 1975, pétri de dimanches à la messe et de modèles catéchistes. Le narrateur est l’auteur et Eric Laurrent a neuf ans ; c’est l’époque où tout émeut ; Sylvie Vartan chantant à la télévision « dans ses longues robes à paillettes, décolletées et fendues » ; la plateforme arrière d’un autobus battue par le vent et rendant vulnérable au contact, un anniversaire fêté devant deux boules de glace aux morceaux de fruits confits « lesquels possédaient de surcroît la vertu d’alentir la fugacité de chaque lichée », dégustées le plus longuement possible pour faire durer le plaisir, tandis que de l’autre côté de la rue, l’affiche du film érotique Emmanuelle alanguie dans son fauteuil de rotin et dans une quasi nudité, éveille en lui un émoi sans pareil. Émoi, désormais, qu’il n’aura de cesse de poursuivre, jusque dans la volupté des longueurs de bassin, à la piscine, muni de lunettes de natation perfectionnées, et s’exerçant à la pratique de la brasse sous l’eau.
« La vision de la belle Jolanta von Zmuda marqua en tous cas un degré supérieur et peut-être bien décisif dans mon irrésistible fascination pour le corps féminin. Durant quelques mois, et cela à la plus grande satisfaction de mon père, qui préférait que j’exerçasse une activité physique plutôt que de passer mes journées dans les livres (...) je me mis à fréquenter assidûment la piscine municipale de Courbourg.(...) je suivais ainsi des heures durant les nageuses les mieux roulées les yeux fixés sur leurs fesses, que la brusque extension de leurs jambes agitait chaque fois d’un tressaut (...) tout cela avec une netteté rendue presque eidétique par l’éclairage a giorno du bassin, lequel blanchissait leur peau jusqu’à l’éburnéen et en polissant le grain jusqu’à le satiner. » Abîmes ordinaires d’un jeune provincial, entre les rêveries de l’enfance et les expériences de l’adolescence, en proie aux fantasmes du corps féminin et aux balbutiements du désir. Roman d’initiation et roman d’époque, indices d’un temps révolu et aussitôt ressurgi ; des pin up de revues de charme - du catalogue La Redoute à Penthouse - , l’excitation d’une scène de film au cinéma, la vue d’un strip-tease dans une fête foraine, des masturbations solitaires ou partagées ; plus tard, la présence attirante d’une femme plus âgée, mère d’un de ses copains, autre objet de fantasme et sujet propice à la rédaction d’une nouvelle érotique ; jusqu’à ce qu’advienne la vraie rencontre, l’envol enfin, l’amour, libéré, jouissif, allégé de son poids des fantasmes et de la syntaxe.
François Dominique, Solène (éditions Verdier)
La mention spéciale du jury du prix Wepler-Fondation La Poste est revenue à François Dominique, pour Solène, roman publié aux éditions Verdier.
C’est une écriture qui trouble que celle de Solène, et le roman porte en lui une forme certaine de grâce ; la poésie et le regard de l’enfance avec le meilleur de l’adulte dedans. Le narrateur est une voix d’enfant, Solène, une petite fille hypersensible et douée du terrible pouvoir de lire dans les pensées de ceux qu’elle aime. Elle vit en famille, avec son père, sa mère et ses trois frères, les deux aînés Nick et Rob et le dernier, Ludo, dans une villa de la banlieue lyonnaise, entourée d’un jardin potager, au-dessus du Rhône. La famille vit éloignée de toute vie, recluse sur elle-même, depuis que quelque chose d’indéfinissable s’est produit ; un désastre écologique, une apocalypse ? Rien ne nous le dit et nous sommes plongés dans le décor d’un entre-deux-mondes inquiétant, sans repères véritables ; des lacs salés au sud, des polders au nord, des ombres létales tout autour de la maison, des bêtes féroces aux formes monstrueuses « qui vivent en hordes parmi les ruines dans les caves » - ce sont les Ravagés et les Blafards - et le huis-clos d’une famille qui tente de survivre et de maintenir un semblant de quotidien, alors que ses ressources en vivres diminuent et que les bêtes affamées, près de la maison, rôdent. Une bulle magnétique protège leur habitation. Et dans cet univers pour le moins étrange, l’électricité, c’est important ; il suffirait d’une coupure -plus de bulle magnétique- pour les rendre vulnérables au moindre danger de l’extérieur.
« Il fait chaud, les cigales grincent. Mes frères traînent les pieds sur le gravier. Mes parents font la sieste sous le magnolia. Nik veut jouer à la main transparente ou aux regards croisés. » Dans ce monde en perdition terrifié par la peur, où beaucoup déjà sont morts, les enfants créent des jeux, instaurent des rites, réinventent la vie. Et c’est Solène, cette petite fille imaginative et sensible qui mène la ronde, tissant ainsi le récit d’une voix incarnée entre désir de vie et proximité de la mort, jouant aux devinettes ou au portrait chinois, lorsque la peur emplit trop la tête ou que les secrets sont trop lourds à garder. Ce roman n’est pas une fable et l’enfance n’est pas un paradis, mais elle a en elle la force des mots, la puissance du langage, sa poésie, sa beauté, qui font une alchimie qui aide à devenir plus grand, plus fort et éloigne le sentiment de la mort « (...) je pense à tous les mots qui le précèdent, à tous ceux qui me suivront. Je voudrais tellement les ramasser, en faire quelques bouquets avant que le silence n’avale tout et ne s’avale lui-même ». Solène est une enfant qui joue, mais une enfant adulte. Elle regarde vivre ses parents, ses frères, ressent jusqu’à la nausée les questions angoissées de chacun. « (...) je ne voudrais pas que Ludo ait peur dans le noir. Et je pense surtout à maman, si fragile. Je m’approche d’elle et la regarde tendrement. Je vois tes yeux, maman chérie ». Et quand elle se tait, elle imagine qu’elle meurt, qu’elle est morte et que ses paroles rejoindront la poussière et le vent, que tout s’effacera, qu’elle ne s’appelle même plus Solène. « Si vous m’entendez, c’est que je serai morte depuis longtemps. »
Sur Arthur Rimbaud
Correspondance posthume
1901-1911
Par Gaëlle Obiégly
Il faudrait avoir deux vies. Une pour vivre et l’autre pour voir les fruits de cette vie. Rimbaud ne sait rien des admirations, des discussions passionnées nées de ses aventures, de sa destinée, de son « œuvre hautaine », telle que la qualifie Gustave Kahn dans le discours qu’il prononce lors de l’inauguration du monument Rimbaud à Charleville dix ans après la mort du poète (il est mort en 1891, Rimbaud.)
Un comité formé d’hommes de lettres, de députés et de membres de la Société de géographie s’est constitué pour élever un monument à sa mémoire. Ce monument, œuvre de Paterne Berrichon, se compose d’un buste de bronze évoquant les traits de Rimbaud à dix-huit ans. Le buste sera placé sur une stèle de pierre. Le comité se préoccupe de la date de l’inauguration. Elle aura lieu en été. L’été 1901. Ceci donne lieu à un abondant échange de lettres convenables que l’on parcourt en pensant au poète trahi par cet honneur, incompris par « ces bonshommes qui ne perdraient pas l’occasion d’une caresse. »
Paterne Berrichon, le beau-frère de Rimbaud, écrit à Louis Pierquin, qu’il a été « pris par le grandissement du buste ». Il s’est, en effet, consacré au culte du poète dont il a non seulement sculpté la figure mais aussi modelé la légende jusqu’à la boursouflure. Ceci, Jean Bourguignon et Charles Houin, sérieux historiens de Rimbaud, le déplorent quand ils réévaluent le rôle joué par Rimbaud en Afrique. Son influence d’apôtre, sa sainteté, cet « être fictif » créé par Paterne Berrichon sont revus, ou reformulés. Eux, ont le souci de faire œuvre de vérité, ce qui suppose de ne pas considérer les événements de la vie de Rimbaud selon une optique personnelle. Mais cette exigence semble vaine. Cette puissance de vision, de création peut-elle susciter autre chose que des passions ? Chacun s’est approprié Rimbaud, dont le je est à un autre. Pardon du jeu de mots. Paul Claudel dans une lettre à Gide reconnaît qu’il ne peut « jamais entendre parler de Rimbaud sans émotion », auquel il se sent uni « par les fibres les plus secrètes. »
Deux volumes de correspondance ont précédé celui-ci. La correspondance d’Arthur Rimbaud puis un premier volume de correspondance dite posthume. Lequel rassemble les lettres qui se sont échangées au sujet de Rimbaud après sa disparition, des lettres mais aussi des articles qui lui ont été consacrés dans les dix années qui ont suivi sa mort. Ce livre-ci contient un grand nombre de lettres d’intérêt parfois mince pour les lecteurs de Rimbaud, et des considérations sur son œuvre dont Voyelles et Bateau ivre sont les poèmes les plus connus, dans la période 1901-1911 que couvre ce volume. On lit aussi, c’est amusant, les mots que s’adressent les membres de la famille Rimbaud et les divers récits d’une vie légendaire.
En contrepoint de celui qui fit de la poésie vécue et agie, la famille échange des lettres plaintives où l’on raconte sa grippe, où l’on se soucie de la propreté du linge. La mère Rimb, comme l’appelait son fils génialement odieux, s’inquiète pour Isabelle, sa fille, à qui elle a envoyé une livre de pruneaux et qui peut-être ne l’aura pas reçue. Tant de contrariétés. Et la mère hésite entre rester dans un appartement à Charleville ou se remettre dans la culture, à Roche, ce triste trou dont Rimbaud, avant qu’il ne s’évade, ne savait comment sortir. C’est ce qu’il écrit, en 1873, à son ami Ernest Delahaye, et qu’il regrette « Charlestown ». Il y fut un écolier très fort, on le sait. Ce que nous apprend Léon Poncelet, son condisciple, dans une lettre à Paterne Berrichon qui voudrait remettre la main sur un cahier de Rimbaud, c’est que celui-ci, tout petit, faisait des « récits d’aventures chez les peuplades sauvages d’Océanie ». Le cahier avait été confisqué, Poncelet l’avait eu en sa possession. Il ne le retrouve plus mais il se souvient que chaque fois que ce cahier lui tombait sous la main réapparaissait en même temps la physionomie rêveuse de l’enfant.
Isabelle Rimbaud se souvient, elle, dans une lettre de 1892, citée en note à la lettre de Léon Poncelet à propos du cahier perdu, que son frère tout petit écrivait déjà et intéressait sa famille de longues soirées en lui lisant « ses voyages merveilleux dans des contrées inconnues et bizarres ». Les textes, il les déchirait ou les perdait aussitôt.
En 1901, Léon Poncelet n’envisage pas la célébrité de ce garçon que la souffrance aurait empêché, selon lui, de « mener à bien ses travaux littéraires ». Tandis que Delahaye raconte que Rimbaud, revenu à Roche en 1879, travaillant alors dans la ferme, lui aurait répondu le soir, après dîner, comme son ami lui demande s’il pense toujours à la littérature : « non, non, je ne m’occupe plus de ça. »
Dans sa vie, dans son œuvre, Rimbaud dédaigne le passé, ne s’arrête pas au présent, voit le futur. Il est au-dessus du présent, au-dessus du lecteur, au-dessus de la littérature, c’est-à-dire les surplombant et comme veillant sur eux. Il devine tout ce qui est inconnu, caché, il annonce l’avenir ; cela depuis son adolescence jusqu’à sa mort. Il faut être absolument moderne.
Parmi les paternités de Rimbaud, il y a celle de la psychanalyse, peut-être. Car selon Charles Houin, historien du poète, le sonnet des Voyelles est précurseur des commentaires sur les « phénomènes si obscurs de la vie subconsciente ». Il donne cette interprétation dans le Sagitaire en mars 1901 et contredit ceux qui à l’époque considèrent encore ce poème comme une fumisterie. Et Paterne Berrichon avance que Rimbaud serait le père de la notion de surhomme développée par Nietzsche. Rimbaud en serait l’incarnation ; sa nature saine et robuste, un tempérament de fer, une volonté indomptable et l’intelligence la plus haute lui ont permis de mener une vie d’une « surhumanité lumineuse et forte. » Grâce à ces qualités, il aura pu faire tous les métiers. Main à plume, main à charrue.
Quelques documents s’intéressent avec plus ou moins d’emphase à l’activité de Rimbaud, une fois qu’il a, comme il le dit dans Une saison en enfer, rejeté « les rayons de l’art, l’orgueil des inventeurs ». Vagabond désintéressé, il parcourt l’Europe pour la quitter, rejoindre l’Orient, en quête toujours de sensations neuves selon son ami d’enfance Ernest Delahaye. Son intelligence est remarquée par tous ; et son courage. Il prend n’importe quel travail, pour du pain, des abris. Il décharge des bateaux, il est commis, il donne des leçons de français, il est interprète dans un cirque. Il étudie les langues des pays qu’il traverse, « redevient le formidable écolier » dont Delahaye entretient le souvenir - ainsi que du puissant littérateur. A Aden, il apprend l’arabe en dehors de ses heures de travail. Son employeur, Alfred Bardey, prononce lui aussi un discours le jour de l’inauguration du buste devant la gare de Charleville - pauvre Rimbaud - où il énumère les tâches de son subalterne (« achats de marchandises, surveillance de manipulations d’emballages et d’expéditions »). Ailleurs, dans d’autres témoignages, Bardey, émet des jugements qui le jugent lui-même sur la liaison sans poésie de Rimbaud et d’une Abyssinienne.
Cette correspondance posthume sur Rimbaud est à la fois exaltante et triste à lire. Triste parce qu’on y entend trop, voit trop la médiocrité sociale qui parasite l’art. Exaltante, parce qu’elle expose ceci entièrement pour que nous retrouvions Rimbaud, dans ses dédains.
...
Sur Arthur Rimbaud.
Correspondance posthume 1901-1911.
Présentation et notes de Jean-Jacques Lefrère.
Édition Fayard, 2011
Avec le soutien de
Jean-Jacques Lefrère est l’auteur d’une biographie d’Arthur Rimbaud (Fayard, 2001). Il a également publié, toujours chez Fayard, Les Saisons littéraires de Rodolphe Darzens (1998), Isidore Ducasse, comte de Lautréamont (1998), Che Guevara, en collaboration avec Jean-Hugues Berrou (2003), Jules Laforgue (2005), les albums Rimbaud à Harrar, Rimbaud à Aden et Rimbaud ailleurs, avec Pierre Leroy et Jean-Hugues Berrou (publiés entre 2001 et 2004), Ôte-moi d’un doute. L’énigme Corneille-Molière (avec Jean-Paul Goujon, 2006), Correspondance d’Arthur Rimbaud (2007) et Correspondance posthume 1891-1900 (2010)
Dernières parutions
Par Elisabeth Miso
Mémoires / Autobiographies
Marylin Monroe, Confession inachevée. En collaboration avec Ben Hecht. Préface de Joshua Greene. Traduction de l’anglais (États-Unis) Jeanine Hérisson. En 1954, Ben Hecht, brillant scénariste de Hollywood (Scarface, Sérénade à trois, Gilda, Les Enchaînés), recueillait les confessions de Marylin Monroe pour un projet d’autobiographie. Resté inachevé, ce récit intime fut publié en 1974 par son ami le photographe Milton Greene, à qui l’actrice avait remis le manuscrit. Marylin y raconte l’enfance solitaire de Norma Jean Baker, entre orphelinat et familles d’accueil où petite servante obéissante elle se réfugie dans ses rêves. Elle voit peu sa mère qui finit par être internée pour troubles mentaux. Ce sentiment de n’être pas comme les autres, d’être transparente, cette quête éperdue d’amour, nourrissent ses ambitions de gloire. À treize ans, un pull moulant en cours de mathématiques et un maillot de bain sur une plage, lui ouvrent les yeux sur « le pouvoir magique » de son anatomie, « Une étrange sensation m’avait envahie, comme si j’avais été scindée en deux personnes distinctes. L’une Norma Jean, de l’orphelinat, n’appartenait à personne. L’autre, j’en ignorais le nom. Mais je savais où était sa place. Elle appartenait à l’océan, au ciel, au monde entier. » Le paradis qu’elle convoite c’est Hollywood. Elle pose comme mannequin, court les castings mais n’est pas dupe des dragueurs pathétiques, des producteurs et imprésarios minables qui lui promettent monts et merveilles, ballet de ratés qu’elle préfèrera pourtant à la célébrité impitoyable qui l’attend. Marylin évoque ses années de travail acharné pour attirer l’attention des magnats des studios, la vacuité des soirées mondaines où elle est immanquablement confrontée à « cette espèce de peur du sexe que ressentent les femmes lorsqu’(elle) pénètre sur leur territoire ». Le livre se clôt sur son succès grandissant dont on perçoit déjà quelle prison il va être, son mariage avec Joe DiMaggio et sa tournée en Corée pendant son voyage de noces. Marylin offre le visage d’une femme fragile et déterminée, qui cherche désespérément à être regardée pour elle-même, d’une grande lucidité sur ses relations aux autres et sur ses propres fêlures. « J’éprouve une étrange satisfaction à punir ceux qui me désirent maintenant. Mais ce n’est pas eux que je punis en réalité. Ce sont tous les personnages de mon lointain passé qui ne voulaient pas de Norma Jean. » Éd. Robert Laffont, 241 p, 20 €.
Jean-Claude Carrière, L’esprit libre. Entretiens avec Bernard Cohn. Né en 1931 dans une famille de viticulteurs languedociens, Jean-Claude Carrière a très tôt éprouvé le désir de lire et d’écrire, animé par une curiosité insatiable pour le langage, les récits, les choses et les êtres les plus éloignés de sa propre culture. « L’obsession de ma vie a été de mettre en relation quelque chose de chez nous avec quelque chose d’ailleurs [...] Qu’est-ce qui se produit quand nous mettons en contact des sentiments étrangers, des formes qui ne se connaissent pas ? » Dans ce livre d’entretiens avec Bernard Cohn, le scénariste, le romancier, le dramaturge, le traducteur, l’essayiste et dessinateur se retourne sur un parcours foisonnant de multiples écritures, de voyages et de rencontres lumineuses. Formé à l’École Normale Supérieure, il publie son premier roman Lézard en 1957 et se voit confier par Robert Laffont la novélisation des Vacances de M. Hulot et de Mon oncle. Première immersion dans le cinéma avec deux maîtres Jacques Tati et Pierre Étaix, qui le décide à emprunter la voie de scénariste. Premiers succès avec Étaix, puis les projets s’enchaînent avec les cinéastes les plus créatifs et les plus exigeants. Vingt ans de collaboration stimulante et drôle avec Luis Buñuel (Le Journal d’une femme de chambre, Belle de jour) avec qui il partage cette attirance « pour le gouffre, pour l’obscur en nous, pour l’indicible, la libération totale de l’imaginaire, le hasard [...] ». Mais aussi les univers de Louis Malle (Viva María), Volker Schlöndorff (Le Tambour), Milos Forman (Valmont), Jean-Luc Godard (Sauve qui peut (la vie)). Fasciné par le théâtre depuis son adolescence, il se lance comme auteur dramatique en 1968 avec L’Aide-mémoire. La pièce est un triomphe et la scène devient un vaste champ d’explorations quand il rejoint l’aventure du Théâtre des Bouffes du Nord, aux côtés de Peter Brook (Le Mahâbhârata, La Tempête). Sa passion pour les choses de l’esprit ne connaît nulle frontière, littérature ou astrophysique, représentation du monde occidentale ou orientale, ce qui l’intéresse ce sont toutes ces histoires qui traversent l’histoire de l’humanité, tous ces points de rencontre d’un imaginaire à l’autre. « Toutes ces histoires sont le sel et le sucre de ma vie ; sans elles, je ne serais pas ce que je suis. C’est comme un besoin, une nourriture quotidienne. Et ce sont des leçons de récit, de rythme, de suspense, avec un punch line. Des leçons de vie et d’écriture. » Éd. Écriture, 312 p, 19,95 €
Qi Baishi, Le peintre habitant temporaire des mirages. 50 pages de la vie de Qi Baishi, l’ermite de la Pierre-Blanche, par lui-même, traduites et annotées par Patricia Batto. Préface de Gilles Béguin. 26,5 x 38 cm : des œuvres de fleurs, d’oiseaux, de plantes, d’insectes ; une technique du dessin à traits fins, aux détails minutieux ; l’ouvrage lui-même, avant de se lire, s’ouvre comme une œuvre d’art, avec 150 tableaux reproduits en pleines pages. Qi Baishi, peintre chinois, né en 1864 dans une famille pauvre de paysans, mort en 1957, actuellement considéré comme l’artiste chinois le plus côté, dans le classement des artistes mondiaux, maître incontesté d’une expressivité maximum en un minimum de moyens, avait plus de 70 ans, lorsqu’il entreprit son autobiographie. Notes inédites qui devaient servir à la rédaction d’une biographie et qui sont restées intactes. La traduction enchante. On apprend qu’il était peu robuste pour les champs, qu’il commença son apprentissage de la vie chez un menuisier, où il se forma à la sculpture sur bois. Il avait appris à dessiner. « Quand je sculptais chez des clients, mon travail terminé, certains me retenaient et, avant de me laisser partir, me demandaient aussi des dessins. » Doué pour la poésie, pour la peinture, il se forma en autodidacte auprès de maîtres locaux, voyagea pour étudier les grands calligraphes, s’imprégna des paysages célèbres qu’il voyait, puisa son inspiration dans la plus pure tradition chinoise. « Quand on parle, il faut faire en sorte que les gens vous comprennent. Quand on dessine, il faut représenter des choses que les gens sont capables de reconnaître » (p.180). Année après année, il se raconte, dans un style aussi simple que concis ; et dans un environnement politique, artistique, évoque sa famille, son art, sa ténacité. Éd. Philippe Picquier, 224 p, 39,50 €. Corinne Amar.
Récits
Enrique Vila-Matas, Chet Baker pense à son art . Fiction critique (d’après la définition de l’auteur). Traduction de l’espagnol André Gabastou. « J’aime la littérature qui n’est pas très sûre d’elle, qui se présente sous nos yeux comme un discours instable. » Au beau milieu de la nuit, dans une chambre d’hôtel de la rue du Pô à Turin, tout près de là où Xavier de Maistre rédigea en 1795 Voyage autour de ma chambre, un critique littéraire (double de l’auteur) s’abandonne à un voyage intérieur sur les traces de ses affinités littéraires, creusant davantage sa « recherche conflictuelle et inachevée, tout à fait inachevée, d’une vérité fuyante. » Quelles pistes de réflexions peuvent surgir de l’impossibilité à restituer l’étrangeté, l’incompréhensible de la vie ? Comment le roman s’empare-t-il de cette illisibilité du monde ? Doit-il tendre vers la radicalité artistique non-narrative de Finnegans Wake de Joyce ou plutôt vers la forme plus conventionnelle des Fiançailles de M. Hire de Simenon pour espérer être lu ? Peut-on jeter des passerelles entre ces deux visions littéraires aussi diamétralement différentes ? Autant de questions vertigineuses qu’aime à se poser l’auteur de Bartleby et compagnie et de Journal volubile pour le plaisir de convoquer les écrivains (Joyce, Musil, Céline, Beckett, Borges, Gombrowicz, Dorothy Hewitt, Sergio Chejfec) qui peuplent sa bibliothèque et qui comme lui se sont interrogés sur cette frontière mouvante « entre la réalité barbare, presque illisible, et celle qui lui est opposée, plus lisible, mais aussi plus artificielle, puisqu’elle lit le monde comme si tout pouvait être expliqué. » A l’image de la photographie, en ouverture de ce livre, qui le montre enfant intensément absorbé dans sa lecture, Enrique Vila-Matas n’en finit pas de sonder avec l’intelligence et la fantaisie qui le caractérise sa réalité d’écrivain. Éd. Mercure de France, Traits et Portraits, 176 p, 18,80 €.
Journaux
Ingeborg Bachmann, Journal de guerre suivi des Lettres de Jack Hamesh à Ingeborg Bachmann. Traduction de l’allemand et préface Françoise Rétif. Retrouvé vingt-cinq ans après sa mort, le journal de guerre d’Ingeborg Bachmann, poétesse et écrivain autrichienne (1926-1973), révèle le regard que porte la jeune fille de dix-huit ans, sur son existence à Klagenfurt, sa ville natale en Carinthie et sur les ravages du nazisme. En septembre 1944, elle intègre l’institut de formation des maîtres pour se soustraire au service militaire obligatoire en Pologne et avec d’autres camarades, elle ruse pour ne pas se soumettre aux travaux de tranchées imposés par les fonctionnaires nazis. Elle préfère braver les bombardements à découvert mais au soleil plutôt que de se terrer dans un bunker parmi « ces masses hébétées et muettes ». En juin 1945, les troupes britanniques libèrent la région, elle fait la connaissance du soldat anglais Jack Hamesh, un juif d’origine autrichienne qui a pu fuir l’Autriche in extremis en 1938 à dix-huit ans dans un convoi d’enfants. Troublés l’un par l’autre, ils passent de longs moments ensemble à parler d’histoire, d’idéologie et des auteurs comme Thomas Mann Stefan Zweig Schnitzler ou Hofmannsthal, qui accompagnent Ingeborg bien que censurés en Autriche. Les deux jeunes gens n’oublieront jamais cet été, cette intense communion intellectuelle et amoureuse entre un juif et une fille de nazi, véritable éclat d’espoir dans un monde dévasté par la haine. Jack Hamesh émigre en Palestine, et dans les onze lettres qu’il adresse entre 1946 et 1947 à la jeune femme alors étudiante à Vienne, se lit l’insoutenable arrachement de laisser derrière lui l’être admirable qui a su lui insuffler une nouvelle foi en l’homme. Tourmentée par la culpabilité enfouie de son pays, Ingeborg Bachmann s’élèvera dans son engagement littéraire, politique et féministe contre toutes les formes de domination. Éd. Actes Sud, 128 p, 16 €
Christophe FIAT, Retour d’Iwaki . Iwaki, c’est le nom d’une ville au Japon, dans la préfecture de Fukushima, une ville sinistrée par le tsunami du 11 mars 2011, et menacée par les radiations nucléaires. Dès avril, Christophe Fiat, romancier et metteur en scène, part pour le Japon avec l’intention d’écrire une pièce de théâtre. « Découvrir un pays en commençant par visiter une ville au cœur de la première catastrophe atomique du XXIe siècle n’est pas facile. Alors, j’ai décidé d’écrire une pièce de théâtre. Sur un personnage de cinéma nippon (...) un monstre réveillé de son profond sommeil par les essais nucléaires des Américains dans l’atoll de Bikini en 1954. » Et il en revient. C’est donc un récit, à la fois, journal et témoignage de trois semaines passées au cœur d’une catastrophe traversée par la terreur atomique. De Tokyo, il part pour Iwaki, « dans les décombres du tsunami. (...) Deux lycéennes lui racontent Fukushima ; ce jour-là, à ce moment-là, elles faisaient du shopping, elles... Puis, il est à Hiroshima. Là-bas, il interroge une femme irradiée en 1945 ; de tout, jusqu’au moindre souffle qui arrachait les chairs, elle se souvient. Il visite le Mémorial de la Paix, fouille les fantômes de Hiroshima, fait surgir Marguerite Duras et les amants célèbres de Hiroshima mon amour, rencontre un professeur d’université, un responsable de la sécurité de l’énergie atomique. Et parce que les icônes de la culture pop sont sa matière de prédilection, il convoque le fantôme du monstre le plus célèbre du cinéma japonais, « Godzilla », et mêle, à la réalité, la fiction romanesque. Avant de devenir en 2009 écrivain associé au Théâtre de Gennevilliers, Christophe Fiat a imaginé plusieurs performances autour de la poésie sonore et de la parole romanesque, et chorégraphié des pièces de danse. Éd. Gallimard, l’Arpenteur, 13,50 €. Corinne Amar.
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Jeunesse
À destination des 7-12 ans et plus, la première collection Des graines et des guides (Éditions À dos d’âne) dessine une série de portraits de femmes et d’hommes qui ont changé notre époque. Écrivains, artistes, cinéastes, musiciens, scientifiques... Écrit avec simplicité, présenté avec clarté, largement illustré de dessins d’artistes, chaque livre propose une approche poétique et ludique. Ouvrages de 48 pages, d’un format carte postale.
Achmy Halley et Tanguy Dohollau,
Marguerite Yourcenar, l’académicienne aux semelles de vent
Présentation de l’éditeur : Première femme élue à l’Académie française, Marguerite Yourcenar, qui a consacré sa vie à l’écriture et aux voyages, était aussi une amoureuse de la nature et des sagesses orientales. Cet ouvrage a été écrit et illustré par deux connaisseurs passionnés par l’œuvre de Marguerite Yourcenar. Éd. À dos d’âne,7 €.
Marianne Stjepanovic et Pauline Sciot, Joséphine Baker, la danse libérée
Présentation de l’éditeur :
Une jeune américaine noire danse jusqu’à Paris pour échapper à la misère. Devenue la célèbre Joséphine Baker, elle consacre sa vie à se battre contre le racisme avec pour seules armes la danse, la joie de vivre et la générosité. Éd. À dos d’âne, 7 €.
Agenda des actions de mécénat de la Fondation
La Poste
Fidèle aux valeurs du groupe La Poste, la Fondation soutient l’expression écrite en aidant l’édition de correspondances, en favorisant les manifestations artistiques qui rendent plus vivantes la lettre et l’écriture, en encourageant les jeunes talents qui associent texte et musique et en s’engageant en faveur des exclus de la pratique, de la maîtrise et du plaisir de l’écriture.
Novembre - décembre 2011
Aide à l'édition de correspondances et aux publications qui valorisent l'écriture épistolaire
Aragon, Lettres à André Breton (1918-1931). Éditions Gallimard, coll. Blanche
Parution : 17 novembre
L’ouvrage rassemble 170 lettres inédites de Louis Aragon à André Breton (dont 17 reproduites en fac-similé). La correspondance débute en mai 1918, lorsque les deux jeunes poètes, après avoir suivi la formation de médecin auxiliaire au Val-de-Grâce, sont séparés par la guerre. Elle traverse la période du surréalisme et se poursuit jusqu’en 1931, année de leur rupture, Aragon faisant alors le choix du communisme.
Correspondance générale de Napoléon, volume 8. Éditions Fayard. Ce 8ème volume de la Correspondance générale de Napoléon couvre l’année 1808 et janvier 1809 ; 1808 apparaît comme une année à la charnière de l’apogée de l’Empire - extension territoriale, conférence d’Erfurt - et du déclin - début de la guerre d’Espagne, effi cacité relative du blocus continental, hostilité croissante
de l’Autriche, problème de succession... C’est en 1808 que commence la fuite en avant qui va conduire les armées françaises à Cadix et à Moscou. La survie du régime dépend désormais du succès de ses armes, alors que les troupes impériales ne sont pas préparées à la guerre asymétrique qu’elles doivent mener en Espagne.
Il y a soixante dix ans dans les Ardennes (1938 - 1945). Éditions Terres ardennaises
Parution : 25 novembre
Raconte à partir de documents (textes, photos, récits, lettres, etc.) collectés par Terres Ardennaises, le Musée Guerre et Paix des Ardennes, les Archives départementales des Ardennes, la période 1938 - 1945 dans les Ardennes. Mais aussi la vie des réfugiés pendant l’exode ainsi que celle des prisonniers ardennais en Allemagne. La partie « correspondance » entre prisonniers et leur famille, entre réfugiés et leurs proches, représente environ 25 % de l’ouvrage.
Épistolaire revue de l’A.I.R.E. Association Interdisciplinaire de Recherche sur l’Epistolaire, n° 37. Artistes en correspondance.
Parution : décembre
Manifestations artistiques qui rendent plus vivantes la lettre et l’écriture
Colloque « La correspondance et la construction des identités en Europe centrale 1648 - 1848 » Maison des Sciences de l’Homme d’Aquitaine (MSHA) à Pessac Du 24 au 25 novembre 2011
Texte et musique
Un enfant de la Corrèze. L’Oeuvre de Secours aux Enfants (L’OSE). les 18 et 19 décembre
2011 et le 3 janvier 2012 au Théâtre de la Bruyère à Paris.
Engagement en faveur de l’écriture pour tous
Projets solidaires
Le Pied à l’Encrier - à Toulouse, Théâtre de Mazade Mardi 29 novembre 2011 CLAP : Centre de ressources et de Liaison pour les Associations et les Porteurs de projets en Midi-Pyrénées Le Pied à l’Encrier, Fête Régionale de l’écriture et de l’Expression Le Pied à l’encrier est un appel à textes destiné à des jeunes et des adultes, engagés dans une démarche d’apprentissage ou de ré-apprentissage de la langue française. Participants : les personnes inscrites dans des actions d’alphabétisation, de français langue étrangère, d’acquisition ou de ré-acquisition des savoirs de base proposées par des organismes de formation, des CFA, des centres sociaux, des établissements de réinsertion sociale et professionnelle ou d’éducation spécialisée, des sections éducation des maisons d’arrêt, et d’autres institutions engagées dans des missions d’intégration, d’insertion et de lutte contre l’illettrisme de la région Midi-Pyrénées... 700 personnes participent. Tous les textes adressés sont publiés dans un recueil intitulé « Le Pied à l’Encrier ». Cet ouvrage est offert à chaque participant à l’occasion de la Fête Régionale de l’Ecriture et de l’Expression le 29 novembre 2011 au Théâtre de Mazade à Toulouse, rencontre qui se déroule autour d’un programme de lectures-spectacles.
La Boîte à Mots. Mairie de ROANNE. Du 1er sept. 2011 au 30 juin 2012.
Projet né d’une réfl exion de la ville de Roanne sur l’accès à la Culture pour les publics éloignés.
Trois objectifs :
- faire découvrir le plaisir de lire et d’écrire
- amener les publics empêchés et éloignés à fréquenter la Médiathèque et plus largement les lieux culturels de la ville de Roanne
- constituer une réseau de partenaires (publics, privés, associations, bénévoles...) sensibilisés aux problématiques du livre, de la lecture et de l’écriture, les fédérer et leur apporter un soutien par des formations.
Tranches d’âges ciblées prioritairement : les enfants de 4 à 8 ans, les préados et adolescents, les adultes (parents)
Mise en place d’ateliers autour du livre, de la lecture et de l’écriture animés par des professionnels ou des personnels formés. La thématique choisie est commune à l’ensemble des ateliers proposés sur une année scolaire, elle constitue le fi l conducteur de l’action. Thématique 2010-2011 « Différences ». Le projet dure le temps d’une année scolaire. Le temps fort final est une exposition des travaux à la Médiathèque de Roanne avec un vernissage offi ciel où l’ensemble des participants est invité.
L’Apprenti Bus. De septembre 2011 à juin 2012.
L’Association Sport dans la Ville est une association d’insertion par le sport en France. L’ensemble des programmes mis en place par Sport dans la Ville, permet de favoriser l’insertion sociale et professionnelle des
2000 jeunes inscrits à l’association. Sport dans la Ville propose à chaque enfant des programmes sportifs, des programmes de découverte, des programmes d’insertion professionnelle mais également des ateliers de lecture, d’écriture et de communication. Dans ce cadre elle s’est associée à Méthodia (structure spécialisée dans le soutien scolaire) pour créer un programme pédagogique d’aide à la communication écrite et orale pour les jeunes âgés de 7 à 11 ans dénommé « L’Apprenti’Bus ».
Fort du succès du programme, en terme de résultats (évolution positive de la communication écrite et orale
de chaque jeune inscrit) et en terme de fi délité des enfants au programme « Apprenti’Bus », Sport dans la Ville souhaite développer dès septembre 2011 de nouvelles séances.
Ateliers d’écriture par la Compagnie la Baleine - Cargo à Saint-Martin-de-Ré.
D’avril à décembre 2011. Ateliers d’écriture et création d’un spectacle autour du thème « Où vont les sentiments quand ils disparaissent ? »
- Maison d’arrêt : 24 séances de 3h00 à partir du 19 avril et restitution-spectacle lors des deux dernières séances en décembre.
- Centre de polyhandicapés : 3 séances les 13 septembre, 11 octobre, 8 novembre.
Festival « Le Monde magique » - à Labège (31) Centre des Congrès Agora Toulouse
Dimanche 20 novembre Restitution d’ateliers d’écriture dans le cadre de la journée nationale de la Trisomie 21 pour la 3ème édition du festival pour enfants Le Monde Magique
Planète Urgence 2011 Congés solidaires. De janvier à décembre 2011
Deux missions de congés solidaires - en lien avec l’objet de la Fondation - en collaboration avec le Groupe La Poste et le consortium d’ONG Planète Urgence. Planète Urgence est une association qui a pour objet la lutte contre les inégalités Nord-Sud et la protection de l’environnement. Pour son développement, Planète Urgence s’appuie sur les principes de fonctionnement des congés solidaires, c’est-à-dire la mobilisation des entreprises via leurs collaborateurs volontaires qui souhaitent réaliser une Mission sur leurs propres congés, et plus largement via les citoyens qui s’engagent dans des projets de développement
en faveur des pays du Sud.
Maison Thérapeutique du Lycéen et du Collégien 2010-2011 (Unité de soins rattachée à l’EPSM Etienne Gourmelin Quimper). De septembre 2010 à décembre 2011. Ateliers d’écriture destinés à des jeunes de 12 à 20 ans souffrant de troubles psychologiques ou psychiatriques mais poursuivant une scolarité à temps plein ou partiel. Cet atelier culturel et ludique, conduit par une personne extérieure à l’unité de soins, vient en complément d’autres ateliers organisés par le personnel soignant. En favorisant le désir de s’exprimer, et de parler de soi, cet atelier constitue un préalable au travail psychothérapique.
Fondation Nationale de Gérontologie / « Lettre à...» 2011 - de septembre 2011 à juin 2012
...
Lire la suite sur le site de la Fondation La Poste
Les axes de La Fondation La Poste - demande de soutien
Auteurs
Nathalie Jungerman (Rédactrice en chef et responsable éditoriale indépendante)
Corinne Amar, Elisabeth Miso, Gaëlle Obiégly
ISSN 1777-563
Editeur Fondation d'entreprise La Poste
44 boulevard de Vaugirard
Case Postale F603 75757
Paris Cedex 15
Tél : 01 55 44 01 17
fondation.laposte@laposte.fr
http://www.fondationlaposte.org
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L’équipe du Prix Wepler-Fondation
La Poste présidée par Marie-Rose
Guarniéri se compose aujourd’hui
de :
David Houte,
Élisabeth Sanchez,
Caroline Loustalot
Damien Laval.
Marie-Rose Guarniéri dans sa librairie,
novembre 2011
© Photo N. Jungerman
Marie-Rose Guarniéri a fondé la librairie
des Abbesses (Paris 18ème) en 1998.
La même année, elle a créé une distinction littéraire, le Prix Wepler-Fondation La Poste en collaboration avec la prestigieuse brasserie Wepler et la Fondation La Poste. Elle a conçu ce Prix, décerné chaque année en novembre, comme « une virée littéraire pure et non commerciale, qui défend l’écriture, les auteurs qui innovent ».
LES MEMBRES DU JURY 2011 :
Lola Creis, Lectrice
Alain Dutot, Lecteur (La Poste)
Caroline Vigner, Lectrice
Alice Maindron, Lectrice
Déborah Junca, Lectrice,
actuellement détenue au centre
pénitentiaire de Rennes
Christophe Rioux, Enseignant et
journaliste
Karine Henry, Libraire, (Librairie
Comme un roman, Paris 3ème)
David Houte, Libraire, (Librairie des
Abbesses, Paris 18ème)
Victor Pouchet, Critique littéraire
Marie-Madeleine Rigopoulos,
Journaliste
Gilles Tordjman, Journaliste
Marie-Rose Guarniéri, Fondatrice
du Prix Wepler-Fondation La Poste,
(Librairie des Abbesses)
Elisabeth Sanchez, Secrétaire
générale Prix Wepler-Fondation La
Poste
LES AUTEURS EN LICE :
Jean-Christophe Bailly, Le dépaysement : voyages en France, Seuil
Lilyane Beauquel, Avant le silence des forêts, Gallimard
Nicolas Bouyssi, S’autodétruire et les enfants, P. O. L
Sylvain Coher, Carénage, Actes Sud
Kamel Daoud, Le Minotaure 504, Sabine Wespieser éditeur
Patrick Deville, Kampuchéa, Seuil
François Dominique, Solène, Verdier
Alain Jaubert, Tableaux noirs, Gallimard
Philippe Lançon, Les îles, Éditions Jean-Claude Lattès
Éric Laurrent, Les découvertes, Éditions de Minuit
Lorette Nobécourt, Grâce leur soit rendue, Grasset
Sophie Schulze, Allée 7, rangée 38, Éditions Léo Scheer
LES LAUREATS :
Le Prix Wepler-Fondation La Poste a été remis à : Éric LAURRENT pour
Les Découvertes aux éditions de Minuit.
La Mention spéciale du jury revient à :
François DOMINIQUE pour Solène aux éditions Verdier.
François Dominique a fondé en 1987
les éditions Ulysse Fin de Siècle.
Il est l’auteur de plusieurs romans
et récits, de recueils de poèmes et
d’essais. Il est aussi traducteur.
Le Prix Wepler-Fondation La Poste et la mention spéciale (10 000 et 3000 euros) ont été attribués le 14 novembre à la brasserie Wepler (Paris, place de Clichy).
Séance de dédicaces des auteurs lauréats
le 8 décembre, de 18 h à 19 h 30
La séance se tiendra dans le hall d’accueil du musée, au sein d’un espace aménagé à proximité de la boutique.
Elle se déroulera lors d’une « nocturne » du jeudi,
le 8 décembre, de 18 h à 19 h 30.
L’Adresse - Musée de la Poste
34 boulevard de Vaugirard
75015 Paris
http://www.ladressemuseedelaposte.fr/
Éric Laurrent
Ph. Florence Chevallier
Éric Laurrent est né à Clermont-
Ferrand (Puy-de-Dôme) en 1966.
Il est l’auteur de dix romans publiés
aux éditions de Minuit.
Coup de foudre, 1995
Les Atomiques, 1996
Liquider, 1997
Remue-ménage, 1999
Dehors, 2000
Ne pas toucher, 2002
À la fin, 2004
Clara Stern, 2005
Renaissance italienne, 2008
Les Découvertes, 2011
Eric Laurrent
À la fin,
éditions de Minuit, 2004, 96 pages
Eric Laurrent
Clara Stern
éditions de Minuit, 2005. 189 pages
Eric Laurrent
Renaissance italienne
éditions de Minuit, 2008. 158 pages
Éric Laurrent
Les découvertes
Éditions de Minuit, 2011
Prix Wepler-Fondation La Poste
Extraits choisis
Eric Laurrent
Les Découvertes
En cette dernière année de maternelle que je suivais à l’école Saint-Austremoine, séculaire institution catholique dont les austères bâtiments, disposés en quadrilatère autour d’une vaste cour plantée de tilleuls et de platanes dont les racines soulevaient, fissuraient, voire crevaient le grisâtre et granuleux revêtement de bitume, avaient été taillés dans la même lave noire ayant servi à l’édification de toute la vieille ville, de la moindre de ses fontaines jusqu’à sa cathédrale (seule de son espèce à avoir été construite dans ce matériau et que l’anonyme auteur médiéval de l’Estoire veire d’Arvernis décrirait joliment comme « an grant dueil vestue »), et où mes parents m’avaient inscrit non par défiance envers l’instruction publique, mais (car elle faisait garderie le matin et le soir) tout simplement par commodité, en cette dernière année de maternelle, donc, lorsque vint le moment de nous inculquer des rudiments de lecture, je me révélai incapable de distinguer les unes des autres les lettres que l’institutrice traçait sur le tableau vert foncé de la salle de classe.
Ne saisissant pas en vertu de quelle ésotérique convention ces signes, qui manifestement se ressemblaient tous, dussent se prononcer de manière différente, il m’avait alors paru - puisque, de toute évidence, le plus grand arbitraire régnait en ce domaine - que retourner tout ce qui me passait par la tête constituait l’attitude la plus appropriée quand il m’était demandé de les identifier. Encouragé par l’hilarité générale que je provoquais en la circonstance, je devenais chaque fois plus prolixe dans mes réponses, jetant pêle-mêle la moitié de l’alphabet ou les mots les plus saugrenus qui me venaient à l’esprit, insensible aux punitions que m’attiraient ces pitreries, dont la principale, qu’on appelait le piquet, consistait à demeurer debout et immobile, les mains jointes dans le dos, face au mur, dans un coin de la pièce, punitions qui, loin de m’humilier, m’entouraient du plus grand prestige auprès de mes petits camarades, lequel s’étendrait à l’école tout entière le jour où l’institutrice, à court d’indulgence, m’obligerait à sortir à l’heure de la récréation coiffé du poussiéreux bonnet d’âne qu’elle avait extrait du fond de l’armoire où, par suite des événements de Mai 68 et de la remise en cause des valeurs traditionnelles qui leur succéda, l’abandon des méthodes d’éducation les plus vexatoires l’avait relégué quelques années plus tôt, apparition que (passé l’ébahissement qu’elle suscita aussitôt dans la cour, au point de plonger celle-ci dans un inhabituel silence) un, puis deux, puis trois, puis dix, enfin tous les élèves de l’établissement, s’étant attroupés autour de moi, saluèrent au cri joyeux de « C’est Sa Majesté Carnaval ! C’est Sa Majesté Carnaval ! ».
Ce fut là, si je puis dire, mon couronnement.
© Éditions de minuit, 2011
François Dominique
Solène
Il fait chaud, les cigales grincent. Mes frères traînent les pieds sur le gravier. Mes parents font la sieste sous le magnolia. Nik veut jouer à la main transparente ou aux regards croisés. Je préfère aller dans ma chambre et lire les yeux fermés, branchée sur ma console. Nous avons de la chance, l’électricité fonctionne encore, mais il est impossible de communiquer au-delà de la zone protégée, car les ondes sont brouillées. Il n’y a sur nos mirêtres que des bouillies de points gris et beaucoup de grésillements. Je n’arrive pas à fixer mon attention sur certains mots qui défilent dans ma tête, et pourtant j’aime ce livre, L’Année pérenne, c’est mon cadeau d’anniversaire. Je pense à Ludo ; la nuit dernière, mon petit frère s’est levé pour aller aux toilettes. Il y avait de l’orage, un éclair a lancé une lumière vive dans le couloir. Ludo est revenu en courant, s’est recouché, la tête sous les draps et s’est mis à chantonner. C’était beau, mais il n’en savait rien ; c’était une chanson d’enfant qui a peur.
Nik et Rob sont mes frères aînés ; ils partagent une chambre à l’étage, à gauche de la nôtre. Entre ces deux chambres il y a notre salle de bains. Un couloir sépare le côté des enfants et le côté des parents où se trouvent leur chambre et une salle d’eau, suivies d’un cagibi, du bureau de mon père et des toilettes, en face de la cage d’escalier. Chaque extrémité du couloir est éclairée par une fenêtre ovale. Celle du fond, vers ma chambre, a des carreaux teintés ; elle donne sur un hangar, une haie de thuyas, un mur d’enceinte.
En bas de l’escalier, il y a un vestibule dallé. Tournez le dos à la grande porte d’entrée en chêne, vous verrez une porte vitrée donnant sur le couloir du rez-de-chaussée ; à gauche il y a une enfilade de placards jusqu’à la porte de la cave ; à droite, le salon et la cuisine. Sous les toits se trouvent un grenier qui sert de débarras et une chambre en soupente où il n’est pas permis d’aller...
Notre maison se nomme Les Lisières. Elle est située sur une colline qui domine les ruines de Caluire et de La Croix Rousse. Il vaut mieux ne pas rôder dans Caluire ; on n’y voit que des urnes alignées sur les trottoirs, devant les portes, et beaucoup trop de ronces et d’orties. Mon père dit que c’est la même chose à Genève, Trantor, Dunwich, Prague, Opar, Carcosa, Berlin, Alqualondë, Rome ou Xanadu... Je ne parle pas des villes noyées sous les eaux.
Nous habitons une zone couverte de jardins abandonnés. En cette saison, les prairies et les pelouses en friche sont couvertes de fleurs sauvages. Il paraît que nos murs sont mitoyens avec d’autres domaines. Les autres maisons sont-elles vides ? Sont-elles habitées ? Je n’en sais rien ; il n’est pas conseillé d’aller vérifier. Les Lisières se trouve à cent pas du village nommé Poleymieux, fameux repaire de chats, de rats et de Blafards qui ont déserté les ruines de la ville basse.
© Éditions Verdier, 2011
Sites internet
Vidéo de la soirée Prix Wepler Fondation La Poste 2011
Éditions de Minuit - Eric Laurrent
http://www.leseditionsdeminuit.com/...
Éditions Verdier - François Dominique
http://www.editions-verdier.fr/v3/o...
Librairie des Abbesses
http://librairiedesabbesses.blogspo...
Brasserie Wepler
http://www.wepler.com/
Agenda
Expositions
« Walter Benjamin Archives »
Musée d’art et d’histoire du Judaïsme (Paris)
Du 12 octobre 2011 au 5 février 2012h
Une exposition de l’Akademie der Künste de Berlin, de la Hamburger Stiftung zur Förderung von Wissenschaft und Kultur, et du Musée d’art et d’histoire du Judaïsme.
Né à Berlin en 1892, dans une famille juive assimilée, Walter Benjamin s’est suicidé à la frontière franco-espagnole le 26 septembre 1940, devant la menace d’être livré aux nazis et envoyé à la mort. C’est à l’un des philosophes et critiques les plus importants du XXe siècle que l’exposition Walter Benjamin Archives est consacrée ; son ambition est de montrer la manière dont le penseur allemand organisait, préservait et inventait ses propres archives, à mesure de ses recherches.
L’exposition rassemble des matériaux, des supports, des objets ou des écrits (manuscrits, tapuscrits, cartes postales, carnets de notes, enveloppes, tickets, photographies, coupures de presse, registres, fichiers, répertoires, carnet d’adresses, paperolles, etc.), qui témoignent tous d’une exigence constante chez Walter Benjamin : arracher à l’oubli une pensée en devenir et en organiser le sauvetage, qu’il s’agisse de sa propre pensée, de celle de ses proches ou de pans entiers de l’histoire négligés. L’exposition est divisée en treize sections auxquelles s’adjoignent neuf sections conçues spécialement pour la présentation au MAHJ.
Sa vie durant, Walter Benjamin a pris soin de confier ses textes, notes ou manuscrits à différents amis (dont Gershom Scholem et Gretel Karplus). À la diversité des matériaux s’ajoute donc le caractère fragmentaire de ces « dépôts ». Ainsi émerge une constellation mouvante d’archives dispersées qui vient former un paysage de pensée d’une rare intensité. Voulue et organisée, cette dispersion fut amplifiée par les aléas de l’histoire : l’exil en France de Walter Benjamin à partir de 1933, ses périodes de refuge aux Baléares ou au Danemark, la disparition de sa bibliothèque, puis la partition de l’Allemagne après-guerre.
Collectionneur passionné (de livres pour enfants notamment), Walter Benjamin a adapté l’objet et la méthode de la collecte au travail de la pensée. L’extraction, le découpage, la citation, le montage, l’association, la juxtaposition, ou encore la mise en regard furent autant de gestes qui lui permirent de déconstruire des logiques de représentation dominantes et de faire apparaître des configurations inédites à l’origine de lectures radicalement nouvelles de l’histoire, de la littérature, du rapport de l’art au politique.
En nous conviant à découvrir ses micrographies et ses propres inventaires, en nous ouvrant ses correspondances, fichiers ou carnets de notes, en montrant son travail de recherche bibliographique ou la constitution de ses collections, cette exposition révèle un mode de pensée et une vision du monde réfléchis dans chacun des actes de Walter Benjamin.
Commissariat allemand de l’exposition : Erdmut Wizisla
Coordination au MAHJ : Pascal Concordia, avec Virginie Michel
Conseiller scientifique auprès du MAHJ : Florent Perrier
Le livre Walter Benjamin Archives est publié aux éditions Klincksieck à l’occasion de l’exposition.
Musée d’art et d’histoire du Judaïsme
71 rue du Temple
Hôtel-de-Saint-Aignan
75003 Paris, France
Tel : 01 53 01 86 53
http://www.mahj.org/
Format de poche Louise Michel
Maison de Victor Hugo
Du 20 septembre 2011 au 8 janvier 2012
À l’occasion de l’anniversaire de « L’Année Terrible » (1871), la Maison de Victor Hugo à Paris consacre un « format de poche » à Louise Michel.
Louise Michel (1830-1905), institutrice socialiste puis anarchiste, s’engage activement dans la Commune de Paris (1871). Arrêtée par les Versaillais, elle est déportée en Nouvelle Calédonie. Elle s’intéresse à la culture canaque et s’insurge contre le colonialisme. Après l’amnistie, elle revient à Paris en 1880 et poursuit son activité de militante, donnant des conférences à travers la France et en Europe. Inquiétée par la police, elle s’exile à Londres en 1890 où elle écrit Histoire de ma vie, qui complète ses Mémoires publiées en 1886. Elle est l’auteure de nombreux écrits, témoignages (La Commune), romans (La Misère, Les Méprisées...), poèmes, pièces de théâtre, contes... Grande lectrice de Victor Hugo, qu’elle cite et dont elle s’inspire dans ses écrits, elle partage sa haine pour l’Empire et sa défense des « misérables ». Elle signe ses articles politiques « Enjolras », hommage à l’intransigeant révolutionnaire des Misérables, et rencontre Victor Hugo à plusieurs reprises, avant et après l’exil. Elle lui adresse une importante correspondance et trouve en lui un confident. Pendant la Commune, Hugo s’éloigne des Communards dont il réprouve les moyens, mais il les soutient pendant leur répression par les vainqueurs et lutte pour obtenir leur amnistie. Déportée à l’autre bout du monde, Louise Michel se souvient du « grand exilé » dont elle transcrit les vers sur les rochers océaniens.
Autour du manuscrit d’Histoire de ma Vie de Louise Michel et d’une dizaine de dessins, notamment des illustrations de « L’Année terrible », l’accrochage présentera une trentaine d’ouvrages, dont de nombreuses éditions originales, autant de lettres manuscrites et d’estampes et imprimés. Réalisé à partir des collections de la Maison de Victor Hugo et de celles de la Bibliothèque Marguerite Durand, avec la participation de la Bibliothèque de l’Hôtel de Ville, il se décline en plusieurs thèmes : Louise Michel poétesse romantique, républicaine sous l’Empire, combattante pendant « l’année terrible » et éternelle révoltée.
Maison de Victor Hugo
6 place des
Florilettres Fondation d'entreprise La Poste
FloriLettres
Revue littéraire
de la Fondation La Poste
> Numéro 129, novembre 2011
SOMMAIRE
- Éditorial
- Entretien avec Marie-Rose Guarniéri
- Entretien avec Eric Laurrent
- Extraits choisis
- Prix Wepler et Mention spéciale 2011
- Sur Arthur Rimbaud, Correspondance posthume 1901-1911
- Dernières parutions
- Agenda
- Agenda des actions de la Fondation
- Télécharger Florilettres en pdf sur le site de la Fondation
Prix Wepler-Fondation La Poste
Éric Laurrent
Mention spéciale du jury
François Dominique
Éditorial
Conçu par Marie-Rose Guarnieri en 1998 - l’année où elle créait à Montmartre la librairie des Abbesses - le Prix Wepler-Fondation La Poste porte le nom de ses deux mécènes. Quelques jours avant la remise du Prix célébrée le 14 novembre à la brasserie Wepler, elle exposait pour FloriLettres, dans sa belle librairie rouge opéra, l’aventure de cette distinction littéraire qu’elle défend avec ardeur depuis quatorze ans. Le Prix-Wepler Fondation La Poste se caractérise par son indépendance et son exigence littéraire. Chaque année son jury est renouvelé intégralement. Il est constitué de lecteurs et de professionnels qui explorent la création romanesque et soutiennent « des œuvres difficiles dont la visée n’est pas uniquement commerciale ». Le Prix a été attribué à Éric LAURRENT pour Les découvertes publié aux éditions de Minuit, et François DOMINIQUE a reçu la Mention spéciale pour Solène paru aux éditions Verdier. Les deux ouvrages sont sortis en septembre dernier.
Rencontre avec Éric Laurrent, récompensé pour son dixième roman qui achève un cycle de quatre livres à résonance autobiographique...
Nathalie Jungerman
Télécharger Florilettres en pdf sur le site de la Fondation
Entretien avec
Marie-Rose Guarniéri
Propos recueillis par Nathalie Jungerman
Le Prix Wepler-Fondation la Poste existe depuis 1998. Le 14 novembre prochain aura lieu la remise du Prix et de la mention à la brasserie Wepler, Place de Clichy. Pourquoi un jour, une brasserie, une librairie et une Fondation se sont associées pour attribuer un prix littéraire ?
Marie-Rose Guarniéri Le Prix Wepler-Fondation la Poste existe effectivement depuis 1998 et c’est aussi l’année où j’ai créé ma propre librairie dans le quartier des Abbesses à Montmartre. J’avais quinze ans de métier et venais de quitter la direction d’une grande librairie dans le 5ème arrondissement de Paris. M’installer dans le 18ème où l’histoire avait été si riche d’un point de vue artistique, littéraire mais aussi politique et festif a suscité en moi le désir de m’engager davantage dans le métier en essayant de renouer avec cette vie culturelle et d’en perpétuer l’esprit. Lorsque je me suis trouvée face à la brasserie Wepler, lieu mythique d’ancrage de nombreux écrivains, j’ai pensé à Céline qui, dans Voyage au bout de la nuit, fait dire à Ferdinand Bardamu « Engagez-vous dans l’armée ! » et part à la guerre à partir de cette brasserie. J’ai envisagé à ce moment-là de fonder un prix littéraire qui se distinguerait des autres, notamment par son indépendance, son engagement pour le soutien des livres à vocation non commerciale et par la constitution d’un jury tournant. Le mode de fonctionnement des prix en vigueur, leur immobilisme et leur puissant conservatisme me déroutaient. Je ne comprenais pas pourquoi personne n’avait encore réagi en constatant que certains éditeurs étaient toujours mis en valeur au détriment des autres grâce auxquels émergeaient pourtant de beaux textes littéraires et audacieux. Je suis allée voir Michel Bessière, patron du Wepler et je lui ai présenté mon projet. Il a fait preuve d’une grande ouverture d’esprit, de courage aussi, car il ne connaissait pas du tout le milieu littéraire. Il m’a fait confiance et s’est engagé dans cette aventure. Depuis quatorze ans, Michel Bessière ferme sa brasserie le soir de la remise du Prix et perd un chiffre d’affaires considérable pour nous accueillir. Il offre le lieu pour organiser cette soirée mais aussi les huîtres et le champagne aux cinq cents invités. Sa contribution est un véritable mécénat.
Au départ, vous étiez plusieurs pour la mise en place du projet...
M-R G En effet, il y avait Monique Younès (journaliste), Valérie Martin (libraire), Marie Descourtieux (à l’époque responsable presse chez Métailié), Jean-François Kervéan (écrivain et critique littéraire) et Remo Forlani (écrivain, dramaturge, critique, réalisateur et scénariste, décédé en octobre 2009). Grâce à Monique Younès, nous avons rencontré Daniel Vaillant, maire du XVIIIème arrondissement de Paris que notre projet a touché et qui nous a donné une liste de sponsors pour trouver des subventions. La Poste faisait partie de cette liste. Nous sommes allés voir le secteur Paris-Nord avec lequel la mairie travaillait. Notre interlocuteur nous a envoyé à la Fondation La Poste où nous avons rencontré Sylvie Pélissier qui, à l’époque, était la déléguée générale. Elle a été séduite par notre enthousiasme, notre ardeur - [la Fondation avait été créée trois ans plus tôt, en 1995, et soutenait l’expression écrite] -, et a senti qu’il était important d’engager un vrai mécénat pour ces écrivains que nous voulions défendre. La première année, la Fondation a apporté son soutien financier pour récompenser le lauréat. La mention n’existait pas encore. Quand Dominique Blanchecotte a pris ses fonctions quelques années plus tard au sein du Groupe La Poste et notamment à la Fondation, elle s’est intéressée au Prix Wepler, à notre démarche et a choisi de conserver et même de renforcer l’aide apportée par la Fondation. La continuité des sponsors a donné l’identité au Prix. Le maire de Paris et le maire du XVIIIème le soutiennent également depuis le début, sans oublier les médias qui relaient largement les informations le concernant.
Comment est née l’idée d’un jury tournant ?
M-R G J’avais comme modèle le festival de Cannes où chaque année le jury est renouvelé, ce qui assure la complémentarité des points de vue, engendre souvent des surprises et fait apparaître des artistes inattendus.
Le jury du Prix Wepler-Fondation La Poste est semi-professionnel. Il est constitué de deux critiques littéraires indépendants, un libraire et des lecteurs dont un postier (un concours est lancé tous les ans par Forum, le journal de la Poste) et une lectrice détenue à la prison de Rennes. Réservé exclusivement aux femmes condamnées à de longues peines, cet établissement pénitentiaire leur propose d’étudier ou de participer à des activités socio-culturelles. L’aventure du Prix Wepler contribue à relier ces femmes à la société.
À partir du mois d’avril, nous constituons le jury, et entre mai et juin, une centaine de livres sont envoyés par les éditeurs à chaque membre. Les éditeurs ont identifié le Prix, le distinguent des autres et font rarement concourir les mêmes auteurs. Ils nous font parvenir des textes susceptibles d’être sélectionnés. Il nous arrive également de demander des livres que nous estimons pouvoir entrer en lice.
Quels types de textes le Prix Wepler soutient ?
M-R G Des textes très écrits, inclassables, audacieux, décadrés... Les auteurs de ces textes n’ont pas de visée commerciale. Ceux qui ont été primés, si l’on regarde le palmarès, se sont engagés totalement dans la littérature et en vivent difficilement. Ils vendent en général 1000 à 2000 livres. Quand on sent que le livre est repéré, salué, qu’il est déjà finaliste pour un prix, on estime qu’on a autre chose à faire. Cette année, deux livres de notre sélection sont dans des « hautes listes », Le dépaysement : voyages en France de Jean-Christophe Bailly (Seuil) et Kampuchéa de Patrick Deville (Seuil), mais on ne le savait pas quand on les a sélectionnés.
On souhaite soutenir des livres qui prennent des risques, qui ne comblent pas mais qui questionnent, inquiètent.
Que voulez-vous dire par « qui inquiètent » ?
M-R G De nombreux romans proposent une forme qui essaie d’être confortable, qui ne pose plus trop de questions car il y a un péril à être un livre sans réponse. La littérature que nous soutenons inquiète parce qu’elle invente une langue et souvent demande un effort au lecteur. Par exemple, Tableaux noirs d’Alain Jaubert (Gallimard) n’est pas un livre facile, on ne comprend pas d’emblée ce que l’auteur a mis au point. Pour autant, je ne plaide pas obligatoirement pour la difficulté, mais il faut être un lecteur assidu, volontaire, attentif afin de se dire, au cœur du livre, « c’est une merveille ». Il s’agit d’un texte où l’enfance est appréhendée d’une façon inhabituelle. L’audace se situe dans l’écriture, le maillage, la structure et dans l’exigence de la restitution de points de vue fugitifs qui sont ceux de l’enfant.
Le dépaysement de Jean-Christophe Bailly est une sorte d’épopée folle, le récit d’un géographe qui vise à donner une idée de ce qu’est la France contemporaine avec ses multiples identités à travers des paysages, des rencontres. Ce n’est pas un livre journalistique, mais un livre de poète, d’écrivain, un vrai voyage. Sorti en mai dernier, il n’est pas passé inaperçu, mais il nous a semblé important de le sélectionner d’autant plus que l’auteur a une œuvre singulière.
Quelle est la portée du Prix ?
M-R G Le Wepler-Fondation La Poste est un véritable mécénat pour les écrivains. Par exemple, après l’avoir obtenu en 2007 pour On n’est pas là pour disparaître (Verticales), Olivia Rosenthal n’avait plus la même place dans le monde littéraire. L’attention s’est davantage portée sur elle, et d’ailleurs un an plus tard, le Prix Inter lui a été attribué. Aujourd’hui, Lyonnel Trouillot [Prix Wepler-Fondation La Poste 2009] est dans la liste finale du Goncourt. Avant le Wepler, il n’avait jamais fait partie d’aucune liste alors qu’il a une œuvre conséquente qui comprend une trentaine de livres publiés.
Nous sommes donc très heureux de faire ce « travail d’antichambre », de chercher, indiquer et encourager. L’idée est de défricher, de faire émerger des auteurs qui pourront trouver un éclat, un rayonnement qu’ils n’ont pas encore. Il y a toujours eu aux côtés des artistes des intermédiaires qui de leur vivant reconnaissaient et soutenaient leur travail. Il faut des passionnés à côté des œuvres en train de se faire. Je suis heureuse d’avoir trouvé deux mécènes. La Fondation La Poste qui donne 10 000 euros pour le Prix et 3 000 pour la mention nous permet aussi de créer tous les ans un courrier graphique dans lequel nous envoyons notre sélection et les dotations d’écrivains de manière créative.
Quelques mots sur la « mention » ?
M-R G La mention, c’est ce qui ne se définit pas. Disons que c’est l’aiguillon du Prix. On récompense l’inattendu, l’excessif, l’inclassable.
Mais vous récompensez déjà « l’inattendu » avec le Prix ?
M-R G En effet, mais, avec la mention, il s’agit davantage de « l’insaisissable ». Jacques Abeille a obtenu la mention spéciale du Jury 2010 pour le 1er volume du Cycle des Contrées : Les Jardins statuaires aux éditions Attila. Ce livre a été édité quatre fois par quatre éditeurs différents, une énigme de l’histoire littéraire. Il ressurgit régulièrement, tous les cinq ou six ans, et vient inquiéter le métier. Il n’avait pas encore eu sa place et l’on espère qu’à présent, avec les éditions Attila qui ont beaucoup investi, il l’aura trouvée. D’ailleurs, 8000 exemplaires de plus ont été vendus depuis l’obtention de la mention. Grâce à ce Prix, certains auteurs font des avancées plus importantes.
Le Prix prolonge aussi de deux ou trois mois l’existence d’un livre en librairie. Nous écrivons pourquoi nous avons fait ce choix dans une lettre envoyée par la Poste aux libraires. Nous leur disons que ce Prix n’a de force que celle du goût, de la conviction et d’un métier qui est celui de la librairie et nous insistons pour qu’ils mettent en avant ce travail difficile à mener.
Les éditeurs aussi s’investissent beaucoup. Ils paient une publicité dans le Monde des Livres tous les ans et font un bandeau « Prix Wepler-Fondation La Poste », puis redistribuent dans toute la France les livres primés. Le Prix Wepler à l’instar des Correspondances de Manosque est une instance nécessaire qui invite, met en avant et fait vivre des auteurs. Au sein des télévisions, on ne parle que des dix meilleures ventes et tout ce travail littéraire est un peu écarté.
Avez-vous des projets pour les 15 ans du Prix Wepler-Fondation La Poste ?
M-R G Nous sommes justement en train de préparer quelque chose dont nous n’avons encore parlé à personne. Nous voulons insister sur les angles qui sont les nôtres : un prix d’écrivains inclassables, l’audace en littérature et un jury renouvelable. Comme nous pensons qu’il y a trop d’interférences dans le défrichage littéraire, nous allons lancer un message aux éditeurs : « Les textes, rien que les textes ». Pour les 15 ans du Wepler, nous leur demanderons de nous adresser les livres sous forme d’épreuves sans indiquer le nom de l’écrivain, ni celui de l’éditeur. Nous allons tenter de faire travailler un jury à l’aveugle. Nous allons défendre le contenu en essayant de garder le plus possible l’anonymat des auteurs. Évidemment, il y aura quelques membres du jury qui reconnaîtront sans doute certains textes car ils auront reçu par ailleurs les livres de la rentrée. Quant à moi, ce sera difficile également de faire abstraction de ce que je présente à la librairie. Mais il s’agit quand même de travailler dans cet esprit-là, sans l’influence liée au nom de l’auteur ni à celui de la maison d’édition. Ce qui est important c’est de sortir de nos marques, de nos sillons pour pouvoir accueillir du nouveau.
Pour les 10 ans, Michel Bessière avait offert une assiette à tous les invités de la soirée. Pour les 15 ans, ce sera un Laguiole. Le couteau est une façon de symboliser la lutte, le combat ! Car ce n’est pas facile au sein des prix d’imposer d’autres auteurs.
Quelques questions à Marie-Rose Guarniéri peu après la remise du Prix Wepler-Fondation La Poste et de la Mention Spéciale du Jury
Le Prix Wepler-Fondation La Poste vient d’être remis à Éric Laurrent pour Les Découvertes. Qu’est-ce qui a motivé ce choix ?
M-R G Chaque année, après avoir confronté ses points de vue, le jury réfléchit à ce que le Prix Wepler peut apporter de plus par rapport aux autres distinctions littéraires. Nous avons choisi Les Découvertes d’Éric Laurrent, car nous avons voulu soutenir, récompenser le travail de cet écrivain dont les positions littéraires ne sont peut-être pas dans l’air du temps. Nous savions aussi qu’il était totalement engagé dans l’écriture et nous avons souhaité mettre en lumière ce travail pour l’aider à poursuivre son œuvre. Nous voulons aussi que cette distinction ait un impact : donner une reconnaissance littéraire en pensant qu’aujourd’hui, précisément, l’œuvre se fera entendre davantage.
Avez-vous tenu compte également de ses livres précédents ?
M-R G Ce n’est pas la première fois qu’Éric Laurrent est dans nos listes mais c’est vraiment ce livre, Les Découvertes, qui nous a décidé. Quelque chose s’est ouvert dans son écriture, une autodérision qui a surgi et qui, en ce qui me concerne ne m’apparaissait pas dans les livres précédents. Nous avons pensé que nous devions soutenir cet excès, excès de langue, d’imparfait du subjonctif, de confessions.
Quant à la Mention spéciale du jury décernée à François Dominique pour Solène ?
M-R G L’importance de la Mention n’est pas moindre par rapport au Prix. Nous envisageons ces distinctions en deux temps et réfléchissons à un effet d’éclat et d’écho qui peut porter les auteurs. Nous avons estimé que les deux livres, Les Découvertes et Solène se répondaient bien tant par leur exigence, leur voix que par ce qu’ils inventaient. Les deux auteurs ont ce même amour de la phrase sertie, d’une syntaxe pointilleuse, même si chez Éric Laurrent, le style est plus baroque et la lexicologie différente. Ils ont une ambition littéraire et structurelle semblable.
La lecture de Solène, livre étrange, crépusculaire, m’a bouleversée. Une petite fille qui est aussi la narratrice regarde le monde en perdition et lit dans la pensée des autres, entend leurs inquiétudes, leurs craintes, leurs désirs aussi. Ce qui est bouleversant c’est ce que le langage peut continuer de faire quand on a tout perdu ; continuer d’écrire, de penser, de nommer. Ce livre ouvre des pistes, il est comme une véritable « boîte à outil ».
Entretien avec
Éric Laurrent
Propos recueillis par Nathalie Jungerman
Vous avez reçu le Prix Wepler-Fondation La Poste pour Les Découvertes, roman publié aux éditions de Minuit en septembre dernier. Que représente pour vous cette distinction littéraire ? Dans votre discours lors de la soirée de remise du prix, vous vous étonniez de l’avoir reçu...
Éric Laurrent Il m’est très rarement arrivé d’être récompensé par quelque distinction que ce soit. Les deux ou trois fois où je l’ai été, je suis tombé des nues. Je n’ignore pas en effet que mon écriture est difficile. Elle provoque souvent une réaction tranchée : soit une adhésion enthousiaste, soit au contraire un rejet radical - elle ne laisse pas indifférent, comme on dit. Or, un prix ne se décerne qu’à l’issue d’un consensus. Et j’estimais qu’il était dans la sélection du prix Wepler des auteurs plus susceptibles que moi de le recueillir. D’où ma surprise... Quant à ce que représente pour moi cette distinction, eh bien je dirais que c’est un honneur que de la recevoir. Le prix Wepler-Fondation La Poste est en effet, probablement, le prix le plus intègre du milieu littéraire. Son jury, tournant et constitué de personnes qui ne font pas nécessairement partie de la profession, échappe en tout cas aux intrigues et aux pressions habituelles, qu’elles soient directes ou indirectes. Cette particularité fonde son indépendance et lui confère toute sa valeur.
Dès votre premier roman, écrit en 1995, Coup de foudre, vous affectionniez déjà les mots rares, la langue savante, les métaphores précieuses, les parenthèses et les imparfaits du subjonctif. Aujourd’hui, dans Les Découvertes, il semble que vous exacerbiez cette écriture de façon ludique, avec autodérision, et construisiez des phrases encore plus longues, qui font parfois jusqu’à dix pages...
É.L. Dès mes premiers essais d’écrivain, vers l’âge de vingt ans, je me suis tourné vers une forme d’écriture maniériste. Il n’y a pas très longtemps, d’ailleurs, j’ai retrouvé par hasard des bouts de textes datant de cette époque, qui en témoignent. Assez vite, cependant, j’ai pris conscience de mes limites techniques - car l’écriture, comme tous les arts, est aussi une affaire de technique. Je n’ai pas renoncé pour autant à ce qui était mon expression naturelle. J’ai simplement abaissé mon ambition - je l’ai adaptée à mes moyens : Coup de foudre, mon premier roman, témoigne bien de cette humilité. Au fil des livres, cependant, ma technique s’est améliorée. Mes moyens d’expression se sont accrus, et j’ai pu progressivement mettre en place cette écriture très particulière qui est la mienne aujourd’hui.
Le virage s’est vraiment fait avec À la fin (2004), mon septième roman. Là, mon style a commencé à se déployer, mes phrases se sont singulièrement allongées. Il faut dire que ce livre inaugurait un cycle d’inspiration plutôt autobiographique, quand bien même la part romanesque n’en serait pas absente, loin de là. Or, la phrase longue, riche en incidentes, en digressions, me semble la voie royale pour l’expression du souvenir, en ceci qu’elle peut accueillir toutes les réminiscences qui lui sont associées, tout le contexte auquel il était lié. Elle devient un réceptacle de la mémoire. Du coup, mon style trouvait sa justification. Je n’ai fait alors que le cultiver.
Vous avez donc construit les histoires de vos quatre derniers livres à partir d’événements autobiographiques. D’ailleurs, vous dîtes dans votre discours de réception du Prix Wepler que le jeune garçon des Découvertes « emprunte beaucoup à vos traits » ...
É.L. Le matériau d’À la fin, de Clara Stern, de Renaissance Italienne et des Découvertes est éminemment autobiographique. Il serait malhonnête de ma part de le cacher. C’est toutefois un matériau de base, rien de plus, et la part de fiction qui entre dans ces quatre livres est au moins aussi importante, voire beaucoup plus, que la part de vécu. Les Découvertes, par exemple, qui pourraient passer pour mon roman le plus autobiographique, comportent ainsi nombre d’épisodes entièrement inventés. Je suis romancier, pas mémorialiste. Écrire des ouvrages fidèles à la réalité ne m’intéresse pas, si tant est, du reste, que la chose soit possible. C’est une entreprise beaucoup trop limitée sur le plan littéraire, puisqu’elle interdit l’invention.
Et pour les autres livres, est-ce que le point de départ fait aussi référence à une situation vécue ?
É.L. Oui, dans une certaine mesure, même si cette part de vécu est beaucoup moins visible que dans les suivants, ne serait-ce que parce qu’ils ne sont pas écrits à la première personne. Ma vie m’a toujours fourni une abondante matière. Je crois même que tous ces ouvrages-là, mes sept premiers donc, ont eu pour point de départ, pour déclencheur, un fait bien réel, une situation vécue. Et au cœur de chacun d’eux se cachent des éléments, des événements de mon existence.
L’humour se dégage de vos textes ...
É.L. L’humour a toujours été une de mes préoccupations majeures, dès mon premier livre, qui relève du genre burlesque. C’est malheureusement une dimension assez négligée par la littérature, mais à laquelle je suis toutefois très sensible. J’aime Rabelais, j’aime Molière, j’aime Diderot, j’aime Feydeau, j’aime Beckett. Etre drôle est aussi une manière pour moi d’alléger le sérieux de mon écriture châtiée, de lui donner un tour enjoué, ironique, proche parfois de l’autodérision. C’est une manière de distanciation.
Vous utilisez fréquemment des références picturales dans vos romans...
É.L. La peinture me passionne en effet, essentiellement la peinture figurative, soit dit en passant. Contempler des tableaux m’a formé le regard, en développant chez moi une attention très vive pour les formes et la lumière, une fascination pour les détails. Je pense que cela a influencé mon écriture, qui est très descriptive. J’éprouve un amour immodéré pour la description, comme écrivain aussi bien que comme lecteur. D’ailleurs, il y a très peu de dialogues dans mes romans, et pas beaucoup d’action non plus.
Parfois, vous insérez dans la narration des dialogues sans marquage, sans guillemets...
É.L. Oui, je l’ai fait dans un certain nombre de livres. C’était une façon de se débarrasser du dialogue, qui me semblait ralentir l’action et briser la fluidité de la narration, sans compter que je n’ai jamais aimé en écrire, le dialogue étant pour moi le degré zéro de la littérature. J’avais ainsi pris le parti de découper les propos de mes personnages et de les immiscer par bouts dans le récit, sans marqueurs, sans ponctuation même. Aujourd’hui, j’en suis revenu à une conception très orthodoxe, avec guillemets, tirets et ponctuation. Pour autant, je fais toujours aussi peu parler mes personnages.
Vous avez inséré des notes à la fin des Découvertes, mais celles-ci ne ressemblent pas à des notes (une phrase fait une dizaine de pages) et sont une surprise pour le lecteur. Pourquoi avoir décidé de ne pas les intégrer à la narration ?
É.L. La rédaction des Découvertes a été difficile. Le texte, dans son état définitif, ne représente qu’une partie - moins de la moitié, je dirais - de ce que j’ai écrit au cours des trois dernières années. J’ai donc, vous l’aurez compris, écarté un grand nombre de pages. Les notes auxquelles vous faites allusion en faisaient partie. Contrairement à d’autres, qui sortaient vraiment du cadre, ces passages-ci n’étaient pas hors sujet, à proprement parler, mais leur présence déséquilibrait l’ensemble - ils ne pouvaient rester. Leur suppression m’a poursuivi comme un remords pendant de nombreux mois, car, je le répète, ils me semblaient avoir leur place. C’est alors que j’ai eu l’idée de les reverser dans le livre, mais sous la forme de notes. L’arrangement me satisfaisait. Je lui trouvais également un caractère original, ces additions étant d’ordinaire dévolues à l’appareil critique.
Dans vos phrases qui font preuve d’une grande complexité syntaxique sont imbriquées l’information, sa perception par le personnage et la mécanique de sa présence. Est-ce une façon d’aller jusqu’au bout du sujet ?
É.L. Cela contribue effectivement à l’épuiser. Il me semble en effet que l’écriture romanesque ne doit pas être la simple relation d’une succession de faits. Elle doit se différencier de l’usage commun de la langue, du bavardage universel, en descendant au cœur des choses ou en leur donnant de l’ampleur. La longue période reste la voie royale pour parvenir à cela.
Comment procédez-vous ?
É.L. Je commence à jeter sur le papier tout ce qui me vient à l’esprit. Cela relève à peu de chose près de l’écriture automatique chère aux surréalistes. Je suis presque dans un état second. Je deviens le scribe de mon inconscient. Je laisse venir à moi tout ce que m’évoque chaque mot, chaque situation, sur le principe de l’association libre. Mon premier jet est donc un magma confus, au sein duquel, dans un second temps, j’entreprends de faire le tri pour arriver à une certaine cohérence. Puis le travail d’ordonnancement se met en place.
À la lecture de vos textes, et notamment des Découvertes, on a l’impression que la structure, l’avancée narrative est proche du montage, de la construction cinématographique : des séquences avec des flash-back dans la même phrase, un mouvement qui évoque les travellings, des descriptions extrêmement précises qui font penser à un plan rapproché, des suppressions d’indications temporelles, des ellipses... Qu’en pensez-vous ?
É.L. Il est vrai que je suis cinéphile. Pour autant, revendiquer une approche cinématographique de la littérature serait malhonnête de ma part. La construction dont vous me parlez, et cela très justement, n’est pas délibérée. Elle procède d’une influence inconsciente. Mais elle doit être suffisamment prégnante pour qu’on la sente, car vous n’êtes pas la première à la remarquer. Cela tient, me semble-t-il, entre autres choses, aux nombreux détails réalistes que je prends soin de glisser dans mes ouvrages - aux « effets de réel », comme on dit. Mon écriture en est, du coup, très « imagée ». Je suis également très attentif au dynamisme de mes descriptions, qui ne sont pas statiques, comme chez Balzac par exemple, mais toujours en mouvement, comme chez Flaubert. Je privilégie, par exemple, les verbes d’action, au détriment des verbes d’état. Les choses apparaissent ainsi dans un continuum, et non par pièces détachées.
Certains noms sont récurrents dans vos romans, notamment Félix Arpeggione...
É.L. Félix Arpeggione est le personnage principal de mon quatrième livre, Remue-ménage, et il réapparaît comme personnage secondaire dans le cinquième, Dehors. Plus tard, quand j’ai entrepris mon cycle romanesque pseudo-autobiographique, l’idée m’est venue d’en faire l’ami d’enfance du narrateur, plutôt que d’inventer un nouveau personnage. Pour qui avait lu les romans précédents, son destin ultérieur était ainsi connu ; cela étoffait sa silhouette ; ce petit garçon qui n’aurait dû être qu’un figurant devenait dès lors un authentique personnage. Mais sa présence dans plusieurs romans - six, tout de même ! - possède une autre vertu, balzacienne ou zolienne, pourrait-on dire : celle de relier les uns aux autres tous ces romans, de les intégrer au même monde imaginaire. Ils forment un ensemble.
Travaillez-vous beaucoup à l’écriture de vos textes ?
É.L. Oui, car j’écris très lentement, à raison de deux pages par semaine environ. Cette lenteur est moins imputable à un manque d’imagination qu’à l’extrême complexité de mes phrases, qui ne se résument pas à un sujet, un verbe et un complément. Leur composition réclame en conséquence un labeur assez considérable, car il faut veiller à la fois à leur correction syntaxique et à leur clarté, attendu que - je vais faire cuistre - l’hyperhypotaxe (c’est-à-dire l’insertion d’un grand nombre de subordonnées dans une phrase) peut très vite conduire à la synchise (c’est-à-dire au brouillage syntaxique). Ces phrases interminables sont des sortes d’arches, dont la répartition des forces doit être parfaitement équilibrée, sans quoi elles s’écrouleraient.
Vous devez certainement être féru de grammaire !
É.L. J’ai toujours été passionné par la grammaire. Ce goût étrange m’a d’ailleurs conduit à embrasser le métier de correcteur. De fait, je suis très respectueux des règles, jusqu’à l’excès parfois, par exemple pour ce qui est de la concordance des temps, où mon orthodoxie me pousse à user du subjonctif imparfait, pourtant tombé en désuétude. En qualité d’écrivain, je me sens un devoir à l’égard de la langue. Après tout, c’est d’elle que je tire ma modeste gloire. Je m’en estime le garant, dans la mesure de mes moyens. Pour autant, je ne suis pas un normatif intégriste. La grammaire est une vieille dame qu’il ne me déplaît pas de chahuter un peu. Son respect, pour contraignant qu’il soit, ménage des libertés, que je m’autorise à prendre. On peut en jouer. Et je ne m’en lasse pas.
Prix Wepler et Mention spéciale 2011
Par Corinne Amar
Eric Laurrent, Les Découvertes (éditions de Minuit)
Dans son premier roman, écrit en 1995, Coup de foudre, cencensait déjà dans son univers les mots inconnus sortis du dictionnaire, les métaphores un rien maniéristes et les imparfaits du subjonctif, cultivait les parenthèses et l’intertextualité ; il rêvait au printemps et à Vénus, découvrait l’art ou le désir, via la présence en creux d’un tableau - là, en l’occurrence, La Naissance de Vénus, de Botticelli -, et l’on se souvient comme si c’était hier que l’écran de l’ordinateur de son héros, Chester, « était d’un gris à ce point céruléen qu’il semblait une lucarne donnant sur l’extérieur », tandis qu’une naïade se laissait deviner « derrière l’inextricable crêpelure de sa chevelure, boursouflée de partout, notamment de la gorge, où s’épanouissaient des seins dépareillés. » Dès la première page, le ton était donné.
Aujourd’hui, le lauréat du prix Wepler-Fondation la Poste, récompensé pour Les découvertes, publiées aux mêmes éditions de Minuit, en est à son dixième roman, s’étonne modestement de se voir décerner un prix, reconnaît « le caractère bien rébarbatif de [son] écriture précieuse et contournée », affectionne fidèlement la langue savante et les œuvres picturales, et part, ici, de la vue d’une reproduction de L’enlèvement des Sabines de David, pour évoquer tout au long du roman la fascination d’un jeune garçon pour le corps féminin, et son initiation à la fois, sentimentale et sexuelle.
Et peut-être, parce que les choses n’ont de réalité que si on les nomme, la première des découvertes sera, pour le narrateur enfant, avec la lecture passionnée des livres, l’apprentissage méthodique du dictionnaire, afin d’« être en mesure de décrire dans le détail cela que je voyais ».
On est à Clermont-Ferrand, dans le milieu populaire et catholique familial des années 1975, pétri de dimanches à la messe et de modèles catéchistes. Le narrateur est l’auteur et Eric Laurrent a neuf ans ; c’est l’époque où tout émeut ; Sylvie Vartan chantant à la télévision « dans ses longues robes à paillettes, décolletées et fendues » ; la plateforme arrière d’un autobus battue par le vent et rendant vulnérable au contact, un anniversaire fêté devant deux boules de glace aux morceaux de fruits confits « lesquels possédaient de surcroît la vertu d’alentir la fugacité de chaque lichée », dégustées le plus longuement possible pour faire durer le plaisir, tandis que de l’autre côté de la rue, l’affiche du film érotique Emmanuelle alanguie dans son fauteuil de rotin et dans une quasi nudité, éveille en lui un émoi sans pareil. Émoi, désormais, qu’il n’aura de cesse de poursuivre, jusque dans la volupté des longueurs de bassin, à la piscine, muni de lunettes de natation perfectionnées, et s’exerçant à la pratique de la brasse sous l’eau.
« La vision de la belle Jolanta von Zmuda marqua en tous cas un degré supérieur et peut-être bien décisif dans mon irrésistible fascination pour le corps féminin. Durant quelques mois, et cela à la plus grande satisfaction de mon père, qui préférait que j’exerçasse une activité physique plutôt que de passer mes journées dans les livres (...) je me mis à fréquenter assidûment la piscine municipale de Courbourg.(...) je suivais ainsi des heures durant les nageuses les mieux roulées les yeux fixés sur leurs fesses, que la brusque extension de leurs jambes agitait chaque fois d’un tressaut (...) tout cela avec une netteté rendue presque eidétique par l’éclairage a giorno du bassin, lequel blanchissait leur peau jusqu’à l’éburnéen et en polissant le grain jusqu’à le satiner. » Abîmes ordinaires d’un jeune provincial, entre les rêveries de l’enfance et les expériences de l’adolescence, en proie aux fantasmes du corps féminin et aux balbutiements du désir. Roman d’initiation et roman d’époque, indices d’un temps révolu et aussitôt ressurgi ; des pin up de revues de charme - du catalogue La Redoute à Penthouse - , l’excitation d’une scène de film au cinéma, la vue d’un strip-tease dans une fête foraine, des masturbations solitaires ou partagées ; plus tard, la présence attirante d’une femme plus âgée, mère d’un de ses copains, autre objet de fantasme et sujet propice à la rédaction d’une nouvelle érotique ; jusqu’à ce qu’advienne la vraie rencontre, l’envol enfin, l’amour, libéré, jouissif, allégé de son poids des fantasmes et de la syntaxe.
François Dominique, Solène (éditions Verdier)
La mention spéciale du jury du prix Wepler-Fondation La Poste est revenue à François Dominique, pour Solène, roman publié aux éditions Verdier.
C’est une écriture qui trouble que celle de Solène, et le roman porte en lui une forme certaine de grâce ; la poésie et le regard de l’enfance avec le meilleur de l’adulte dedans. Le narrateur est une voix d’enfant, Solène, une petite fille hypersensible et douée du terrible pouvoir de lire dans les pensées de ceux qu’elle aime. Elle vit en famille, avec son père, sa mère et ses trois frères, les deux aînés Nick et Rob et le dernier, Ludo, dans une villa de la banlieue lyonnaise, entourée d’un jardin potager, au-dessus du Rhône. La famille vit éloignée de toute vie, recluse sur elle-même, depuis que quelque chose d’indéfinissable s’est produit ; un désastre écologique, une apocalypse ? Rien ne nous le dit et nous sommes plongés dans le décor d’un entre-deux-mondes inquiétant, sans repères véritables ; des lacs salés au sud, des polders au nord, des ombres létales tout autour de la maison, des bêtes féroces aux formes monstrueuses « qui vivent en hordes parmi les ruines dans les caves » - ce sont les Ravagés et les Blafards - et le huis-clos d’une famille qui tente de survivre et de maintenir un semblant de quotidien, alors que ses ressources en vivres diminuent et que les bêtes affamées, près de la maison, rôdent. Une bulle magnétique protège leur habitation. Et dans cet univers pour le moins étrange, l’électricité, c’est important ; il suffirait d’une coupure -plus de bulle magnétique- pour les rendre vulnérables au moindre danger de l’extérieur.
« Il fait chaud, les cigales grincent. Mes frères traînent les pieds sur le gravier. Mes parents font la sieste sous le magnolia. Nik veut jouer à la main transparente ou aux regards croisés. » Dans ce monde en perdition terrifié par la peur, où beaucoup déjà sont morts, les enfants créent des jeux, instaurent des rites, réinventent la vie. Et c’est Solène, cette petite fille imaginative et sensible qui mène la ronde, tissant ainsi le récit d’une voix incarnée entre désir de vie et proximité de la mort, jouant aux devinettes ou au portrait chinois, lorsque la peur emplit trop la tête ou que les secrets sont trop lourds à garder. Ce roman n’est pas une fable et l’enfance n’est pas un paradis, mais elle a en elle la force des mots, la puissance du langage, sa poésie, sa beauté, qui font une alchimie qui aide à devenir plus grand, plus fort et éloigne le sentiment de la mort « (...) je pense à tous les mots qui le précèdent, à tous ceux qui me suivront. Je voudrais tellement les ramasser, en faire quelques bouquets avant que le silence n’avale tout et ne s’avale lui-même ». Solène est une enfant qui joue, mais une enfant adulte. Elle regarde vivre ses parents, ses frères, ressent jusqu’à la nausée les questions angoissées de chacun. « (...) je ne voudrais pas que Ludo ait peur dans le noir. Et je pense surtout à maman, si fragile. Je m’approche d’elle et la regarde tendrement. Je vois tes yeux, maman chérie ». Et quand elle se tait, elle imagine qu’elle meurt, qu’elle est morte et que ses paroles rejoindront la poussière et le vent, que tout s’effacera, qu’elle ne s’appelle même plus Solène. « Si vous m’entendez, c’est que je serai morte depuis longtemps. »
Sur Arthur Rimbaud
Correspondance posthume
1901-1911
Par Gaëlle Obiégly
Il faudrait avoir deux vies. Une pour vivre et l’autre pour voir les fruits de cette vie. Rimbaud ne sait rien des admirations, des discussions passionnées nées de ses aventures, de sa destinée, de son « œuvre hautaine », telle que la qualifie Gustave Kahn dans le discours qu’il prononce lors de l’inauguration du monument Rimbaud à Charleville dix ans après la mort du poète (il est mort en 1891, Rimbaud.)
Un comité formé d’hommes de lettres, de députés et de membres de la Société de géographie s’est constitué pour élever un monument à sa mémoire. Ce monument, œuvre de Paterne Berrichon, se compose d’un buste de bronze évoquant les traits de Rimbaud à dix-huit ans. Le buste sera placé sur une stèle de pierre. Le comité se préoccupe de la date de l’inauguration. Elle aura lieu en été. L’été 1901. Ceci donne lieu à un abondant échange de lettres convenables que l’on parcourt en pensant au poète trahi par cet honneur, incompris par « ces bonshommes qui ne perdraient pas l’occasion d’une caresse. »
Paterne Berrichon, le beau-frère de Rimbaud, écrit à Louis Pierquin, qu’il a été « pris par le grandissement du buste ». Il s’est, en effet, consacré au culte du poète dont il a non seulement sculpté la figure mais aussi modelé la légende jusqu’à la boursouflure. Ceci, Jean Bourguignon et Charles Houin, sérieux historiens de Rimbaud, le déplorent quand ils réévaluent le rôle joué par Rimbaud en Afrique. Son influence d’apôtre, sa sainteté, cet « être fictif » créé par Paterne Berrichon sont revus, ou reformulés. Eux, ont le souci de faire œuvre de vérité, ce qui suppose de ne pas considérer les événements de la vie de Rimbaud selon une optique personnelle. Mais cette exigence semble vaine. Cette puissance de vision, de création peut-elle susciter autre chose que des passions ? Chacun s’est approprié Rimbaud, dont le je est à un autre. Pardon du jeu de mots. Paul Claudel dans une lettre à Gide reconnaît qu’il ne peut « jamais entendre parler de Rimbaud sans émotion », auquel il se sent uni « par les fibres les plus secrètes. »
Deux volumes de correspondance ont précédé celui-ci. La correspondance d’Arthur Rimbaud puis un premier volume de correspondance dite posthume. Lequel rassemble les lettres qui se sont échangées au sujet de Rimbaud après sa disparition, des lettres mais aussi des articles qui lui ont été consacrés dans les dix années qui ont suivi sa mort. Ce livre-ci contient un grand nombre de lettres d’intérêt parfois mince pour les lecteurs de Rimbaud, et des considérations sur son œuvre dont Voyelles et Bateau ivre sont les poèmes les plus connus, dans la période 1901-1911 que couvre ce volume. On lit aussi, c’est amusant, les mots que s’adressent les membres de la famille Rimbaud et les divers récits d’une vie légendaire.
En contrepoint de celui qui fit de la poésie vécue et agie, la famille échange des lettres plaintives où l’on raconte sa grippe, où l’on se soucie de la propreté du linge. La mère Rimb, comme l’appelait son fils génialement odieux, s’inquiète pour Isabelle, sa fille, à qui elle a envoyé une livre de pruneaux et qui peut-être ne l’aura pas reçue. Tant de contrariétés. Et la mère hésite entre rester dans un appartement à Charleville ou se remettre dans la culture, à Roche, ce triste trou dont Rimbaud, avant qu’il ne s’évade, ne savait comment sortir. C’est ce qu’il écrit, en 1873, à son ami Ernest Delahaye, et qu’il regrette « Charlestown ». Il y fut un écolier très fort, on le sait. Ce que nous apprend Léon Poncelet, son condisciple, dans une lettre à Paterne Berrichon qui voudrait remettre la main sur un cahier de Rimbaud, c’est que celui-ci, tout petit, faisait des « récits d’aventures chez les peuplades sauvages d’Océanie ». Le cahier avait été confisqué, Poncelet l’avait eu en sa possession. Il ne le retrouve plus mais il se souvient que chaque fois que ce cahier lui tombait sous la main réapparaissait en même temps la physionomie rêveuse de l’enfant.
Isabelle Rimbaud se souvient, elle, dans une lettre de 1892, citée en note à la lettre de Léon Poncelet à propos du cahier perdu, que son frère tout petit écrivait déjà et intéressait sa famille de longues soirées en lui lisant « ses voyages merveilleux dans des contrées inconnues et bizarres ». Les textes, il les déchirait ou les perdait aussitôt.
En 1901, Léon Poncelet n’envisage pas la célébrité de ce garçon que la souffrance aurait empêché, selon lui, de « mener à bien ses travaux littéraires ». Tandis que Delahaye raconte que Rimbaud, revenu à Roche en 1879, travaillant alors dans la ferme, lui aurait répondu le soir, après dîner, comme son ami lui demande s’il pense toujours à la littérature : « non, non, je ne m’occupe plus de ça. »
Dans sa vie, dans son œuvre, Rimbaud dédaigne le passé, ne s’arrête pas au présent, voit le futur. Il est au-dessus du présent, au-dessus du lecteur, au-dessus de la littérature, c’est-à-dire les surplombant et comme veillant sur eux. Il devine tout ce qui est inconnu, caché, il annonce l’avenir ; cela depuis son adolescence jusqu’à sa mort. Il faut être absolument moderne.
Parmi les paternités de Rimbaud, il y a celle de la psychanalyse, peut-être. Car selon Charles Houin, historien du poète, le sonnet des Voyelles est précurseur des commentaires sur les « phénomènes si obscurs de la vie subconsciente ». Il donne cette interprétation dans le Sagitaire en mars 1901 et contredit ceux qui à l’époque considèrent encore ce poème comme une fumisterie. Et Paterne Berrichon avance que Rimbaud serait le père de la notion de surhomme développée par Nietzsche. Rimbaud en serait l’incarnation ; sa nature saine et robuste, un tempérament de fer, une volonté indomptable et l’intelligence la plus haute lui ont permis de mener une vie d’une « surhumanité lumineuse et forte. » Grâce à ces qualités, il aura pu faire tous les métiers. Main à plume, main à charrue.
Quelques documents s’intéressent avec plus ou moins d’emphase à l’activité de Rimbaud, une fois qu’il a, comme il le dit dans Une saison en enfer, rejeté « les rayons de l’art, l’orgueil des inventeurs ». Vagabond désintéressé, il parcourt l’Europe pour la quitter, rejoindre l’Orient, en quête toujours de sensations neuves selon son ami d’enfance Ernest Delahaye. Son intelligence est remarquée par tous ; et son courage. Il prend n’importe quel travail, pour du pain, des abris. Il décharge des bateaux, il est commis, il donne des leçons de français, il est interprète dans un cirque. Il étudie les langues des pays qu’il traverse, « redevient le formidable écolier » dont Delahaye entretient le souvenir - ainsi que du puissant littérateur. A Aden, il apprend l’arabe en dehors de ses heures de travail. Son employeur, Alfred Bardey, prononce lui aussi un discours le jour de l’inauguration du buste devant la gare de Charleville - pauvre Rimbaud - où il énumère les tâches de son subalterne (« achats de marchandises, surveillance de manipulations d’emballages et d’expéditions »). Ailleurs, dans d’autres témoignages, Bardey, émet des jugements qui le jugent lui-même sur la liaison sans poésie de Rimbaud et d’une Abyssinienne.
Cette correspondance posthume sur Rimbaud est à la fois exaltante et triste à lire. Triste parce qu’on y entend trop, voit trop la médiocrité sociale qui parasite l’art. Exaltante, parce qu’elle expose ceci entièrement pour que nous retrouvions Rimbaud, dans ses dédains.
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Sur Arthur Rimbaud.
Correspondance posthume 1901-1911.
Présentation et notes de Jean-Jacques Lefrère.
Édition Fayard, 2011
Avec le soutien de
Jean-Jacques Lefrère est l’auteur d’une biographie d’Arthur Rimbaud (Fayard, 2001). Il a également publié, toujours chez Fayard, Les Saisons littéraires de Rodolphe Darzens (1998), Isidore Ducasse, comte de Lautréamont (1998), Che Guevara, en collaboration avec Jean-Hugues Berrou (2003), Jules Laforgue (2005), les albums Rimbaud à Harrar, Rimbaud à Aden et Rimbaud ailleurs, avec Pierre Leroy et Jean-Hugues Berrou (publiés entre 2001 et 2004), Ôte-moi d’un doute. L’énigme Corneille-Molière (avec Jean-Paul Goujon, 2006), Correspondance d’Arthur Rimbaud (2007) et Correspondance posthume 1891-1900 (2010)
Dernières parutions
Par Elisabeth Miso
Mémoires / Autobiographies
Marylin Monroe, Confession inachevée. En collaboration avec Ben Hecht. Préface de Joshua Greene. Traduction de l’anglais (États-Unis) Jeanine Hérisson. En 1954, Ben Hecht, brillant scénariste de Hollywood (Scarface, Sérénade à trois, Gilda, Les Enchaînés), recueillait les confessions de Marylin Monroe pour un projet d’autobiographie. Resté inachevé, ce récit intime fut publié en 1974 par son ami le photographe Milton Greene, à qui l’actrice avait remis le manuscrit. Marylin y raconte l’enfance solitaire de Norma Jean Baker, entre orphelinat et familles d’accueil où petite servante obéissante elle se réfugie dans ses rêves. Elle voit peu sa mère qui finit par être internée pour troubles mentaux. Ce sentiment de n’être pas comme les autres, d’être transparente, cette quête éperdue d’amour, nourrissent ses ambitions de gloire. À treize ans, un pull moulant en cours de mathématiques et un maillot de bain sur une plage, lui ouvrent les yeux sur « le pouvoir magique » de son anatomie, « Une étrange sensation m’avait envahie, comme si j’avais été scindée en deux personnes distinctes. L’une Norma Jean, de l’orphelinat, n’appartenait à personne. L’autre, j’en ignorais le nom. Mais je savais où était sa place. Elle appartenait à l’océan, au ciel, au monde entier. » Le paradis qu’elle convoite c’est Hollywood. Elle pose comme mannequin, court les castings mais n’est pas dupe des dragueurs pathétiques, des producteurs et imprésarios minables qui lui promettent monts et merveilles, ballet de ratés qu’elle préfèrera pourtant à la célébrité impitoyable qui l’attend. Marylin évoque ses années de travail acharné pour attirer l’attention des magnats des studios, la vacuité des soirées mondaines où elle est immanquablement confrontée à « cette espèce de peur du sexe que ressentent les femmes lorsqu’(elle) pénètre sur leur territoire ». Le livre se clôt sur son succès grandissant dont on perçoit déjà quelle prison il va être, son mariage avec Joe DiMaggio et sa tournée en Corée pendant son voyage de noces. Marylin offre le visage d’une femme fragile et déterminée, qui cherche désespérément à être regardée pour elle-même, d’une grande lucidité sur ses relations aux autres et sur ses propres fêlures. « J’éprouve une étrange satisfaction à punir ceux qui me désirent maintenant. Mais ce n’est pas eux que je punis en réalité. Ce sont tous les personnages de mon lointain passé qui ne voulaient pas de Norma Jean. » Éd. Robert Laffont, 241 p, 20 €.
Jean-Claude Carrière, L’esprit libre. Entretiens avec Bernard Cohn. Né en 1931 dans une famille de viticulteurs languedociens, Jean-Claude Carrière a très tôt éprouvé le désir de lire et d’écrire, animé par une curiosité insatiable pour le langage, les récits, les choses et les êtres les plus éloignés de sa propre culture. « L’obsession de ma vie a été de mettre en relation quelque chose de chez nous avec quelque chose d’ailleurs [...] Qu’est-ce qui se produit quand nous mettons en contact des sentiments étrangers, des formes qui ne se connaissent pas ? » Dans ce livre d’entretiens avec Bernard Cohn, le scénariste, le romancier, le dramaturge, le traducteur, l’essayiste et dessinateur se retourne sur un parcours foisonnant de multiples écritures, de voyages et de rencontres lumineuses. Formé à l’École Normale Supérieure, il publie son premier roman Lézard en 1957 et se voit confier par Robert Laffont la novélisation des Vacances de M. Hulot et de Mon oncle. Première immersion dans le cinéma avec deux maîtres Jacques Tati et Pierre Étaix, qui le décide à emprunter la voie de scénariste. Premiers succès avec Étaix, puis les projets s’enchaînent avec les cinéastes les plus créatifs et les plus exigeants. Vingt ans de collaboration stimulante et drôle avec Luis Buñuel (Le Journal d’une femme de chambre, Belle de jour) avec qui il partage cette attirance « pour le gouffre, pour l’obscur en nous, pour l’indicible, la libération totale de l’imaginaire, le hasard [...] ». Mais aussi les univers de Louis Malle (Viva María), Volker Schlöndorff (Le Tambour), Milos Forman (Valmont), Jean-Luc Godard (Sauve qui peut (la vie)). Fasciné par le théâtre depuis son adolescence, il se lance comme auteur dramatique en 1968 avec L’Aide-mémoire. La pièce est un triomphe et la scène devient un vaste champ d’explorations quand il rejoint l’aventure du Théâtre des Bouffes du Nord, aux côtés de Peter Brook (Le Mahâbhârata, La Tempête). Sa passion pour les choses de l’esprit ne connaît nulle frontière, littérature ou astrophysique, représentation du monde occidentale ou orientale, ce qui l’intéresse ce sont toutes ces histoires qui traversent l’histoire de l’humanité, tous ces points de rencontre d’un imaginaire à l’autre. « Toutes ces histoires sont le sel et le sucre de ma vie ; sans elles, je ne serais pas ce que je suis. C’est comme un besoin, une nourriture quotidienne. Et ce sont des leçons de récit, de rythme, de suspense, avec un punch line. Des leçons de vie et d’écriture. » Éd. Écriture, 312 p, 19,95 €
Qi Baishi, Le peintre habitant temporaire des mirages. 50 pages de la vie de Qi Baishi, l’ermite de la Pierre-Blanche, par lui-même, traduites et annotées par Patricia Batto. Préface de Gilles Béguin. 26,5 x 38 cm : des œuvres de fleurs, d’oiseaux, de plantes, d’insectes ; une technique du dessin à traits fins, aux détails minutieux ; l’ouvrage lui-même, avant de se lire, s’ouvre comme une œuvre d’art, avec 150 tableaux reproduits en pleines pages. Qi Baishi, peintre chinois, né en 1864 dans une famille pauvre de paysans, mort en 1957, actuellement considéré comme l’artiste chinois le plus côté, dans le classement des artistes mondiaux, maître incontesté d’une expressivité maximum en un minimum de moyens, avait plus de 70 ans, lorsqu’il entreprit son autobiographie. Notes inédites qui devaient servir à la rédaction d’une biographie et qui sont restées intactes. La traduction enchante. On apprend qu’il était peu robuste pour les champs, qu’il commença son apprentissage de la vie chez un menuisier, où il se forma à la sculpture sur bois. Il avait appris à dessiner. « Quand je sculptais chez des clients, mon travail terminé, certains me retenaient et, avant de me laisser partir, me demandaient aussi des dessins. » Doué pour la poésie, pour la peinture, il se forma en autodidacte auprès de maîtres locaux, voyagea pour étudier les grands calligraphes, s’imprégna des paysages célèbres qu’il voyait, puisa son inspiration dans la plus pure tradition chinoise. « Quand on parle, il faut faire en sorte que les gens vous comprennent. Quand on dessine, il faut représenter des choses que les gens sont capables de reconnaître » (p.180). Année après année, il se raconte, dans un style aussi simple que concis ; et dans un environnement politique, artistique, évoque sa famille, son art, sa ténacité. Éd. Philippe Picquier, 224 p, 39,50 €. Corinne Amar.
Récits
Enrique Vila-Matas, Chet Baker pense à son art . Fiction critique (d’après la définition de l’auteur). Traduction de l’espagnol André Gabastou. « J’aime la littérature qui n’est pas très sûre d’elle, qui se présente sous nos yeux comme un discours instable. » Au beau milieu de la nuit, dans une chambre d’hôtel de la rue du Pô à Turin, tout près de là où Xavier de Maistre rédigea en 1795 Voyage autour de ma chambre, un critique littéraire (double de l’auteur) s’abandonne à un voyage intérieur sur les traces de ses affinités littéraires, creusant davantage sa « recherche conflictuelle et inachevée, tout à fait inachevée, d’une vérité fuyante. » Quelles pistes de réflexions peuvent surgir de l’impossibilité à restituer l’étrangeté, l’incompréhensible de la vie ? Comment le roman s’empare-t-il de cette illisibilité du monde ? Doit-il tendre vers la radicalité artistique non-narrative de Finnegans Wake de Joyce ou plutôt vers la forme plus conventionnelle des Fiançailles de M. Hire de Simenon pour espérer être lu ? Peut-on jeter des passerelles entre ces deux visions littéraires aussi diamétralement différentes ? Autant de questions vertigineuses qu’aime à se poser l’auteur de Bartleby et compagnie et de Journal volubile pour le plaisir de convoquer les écrivains (Joyce, Musil, Céline, Beckett, Borges, Gombrowicz, Dorothy Hewitt, Sergio Chejfec) qui peuplent sa bibliothèque et qui comme lui se sont interrogés sur cette frontière mouvante « entre la réalité barbare, presque illisible, et celle qui lui est opposée, plus lisible, mais aussi plus artificielle, puisqu’elle lit le monde comme si tout pouvait être expliqué. » A l’image de la photographie, en ouverture de ce livre, qui le montre enfant intensément absorbé dans sa lecture, Enrique Vila-Matas n’en finit pas de sonder avec l’intelligence et la fantaisie qui le caractérise sa réalité d’écrivain. Éd. Mercure de France, Traits et Portraits, 176 p, 18,80 €.
Journaux
Ingeborg Bachmann, Journal de guerre suivi des Lettres de Jack Hamesh à Ingeborg Bachmann. Traduction de l’allemand et préface Françoise Rétif. Retrouvé vingt-cinq ans après sa mort, le journal de guerre d’Ingeborg Bachmann, poétesse et écrivain autrichienne (1926-1973), révèle le regard que porte la jeune fille de dix-huit ans, sur son existence à Klagenfurt, sa ville natale en Carinthie et sur les ravages du nazisme. En septembre 1944, elle intègre l’institut de formation des maîtres pour se soustraire au service militaire obligatoire en Pologne et avec d’autres camarades, elle ruse pour ne pas se soumettre aux travaux de tranchées imposés par les fonctionnaires nazis. Elle préfère braver les bombardements à découvert mais au soleil plutôt que de se terrer dans un bunker parmi « ces masses hébétées et muettes ». En juin 1945, les troupes britanniques libèrent la région, elle fait la connaissance du soldat anglais Jack Hamesh, un juif d’origine autrichienne qui a pu fuir l’Autriche in extremis en 1938 à dix-huit ans dans un convoi d’enfants. Troublés l’un par l’autre, ils passent de longs moments ensemble à parler d’histoire, d’idéologie et des auteurs comme Thomas Mann Stefan Zweig Schnitzler ou Hofmannsthal, qui accompagnent Ingeborg bien que censurés en Autriche. Les deux jeunes gens n’oublieront jamais cet été, cette intense communion intellectuelle et amoureuse entre un juif et une fille de nazi, véritable éclat d’espoir dans un monde dévasté par la haine. Jack Hamesh émigre en Palestine, et dans les onze lettres qu’il adresse entre 1946 et 1947 à la jeune femme alors étudiante à Vienne, se lit l’insoutenable arrachement de laisser derrière lui l’être admirable qui a su lui insuffler une nouvelle foi en l’homme. Tourmentée par la culpabilité enfouie de son pays, Ingeborg Bachmann s’élèvera dans son engagement littéraire, politique et féministe contre toutes les formes de domination. Éd. Actes Sud, 128 p, 16 €
Christophe FIAT, Retour d’Iwaki . Iwaki, c’est le nom d’une ville au Japon, dans la préfecture de Fukushima, une ville sinistrée par le tsunami du 11 mars 2011, et menacée par les radiations nucléaires. Dès avril, Christophe Fiat, romancier et metteur en scène, part pour le Japon avec l’intention d’écrire une pièce de théâtre. « Découvrir un pays en commençant par visiter une ville au cœur de la première catastrophe atomique du XXIe siècle n’est pas facile. Alors, j’ai décidé d’écrire une pièce de théâtre. Sur un personnage de cinéma nippon (...) un monstre réveillé de son profond sommeil par les essais nucléaires des Américains dans l’atoll de Bikini en 1954. » Et il en revient. C’est donc un récit, à la fois, journal et témoignage de trois semaines passées au cœur d’une catastrophe traversée par la terreur atomique. De Tokyo, il part pour Iwaki, « dans les décombres du tsunami. (...) Deux lycéennes lui racontent Fukushima ; ce jour-là, à ce moment-là, elles faisaient du shopping, elles... Puis, il est à Hiroshima. Là-bas, il interroge une femme irradiée en 1945 ; de tout, jusqu’au moindre souffle qui arrachait les chairs, elle se souvient. Il visite le Mémorial de la Paix, fouille les fantômes de Hiroshima, fait surgir Marguerite Duras et les amants célèbres de Hiroshima mon amour, rencontre un professeur d’université, un responsable de la sécurité de l’énergie atomique. Et parce que les icônes de la culture pop sont sa matière de prédilection, il convoque le fantôme du monstre le plus célèbre du cinéma japonais, « Godzilla », et mêle, à la réalité, la fiction romanesque. Avant de devenir en 2009 écrivain associé au Théâtre de Gennevilliers, Christophe Fiat a imaginé plusieurs performances autour de la poésie sonore et de la parole romanesque, et chorégraphié des pièces de danse. Éd. Gallimard, l’Arpenteur, 13,50 €. Corinne Amar.
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Jeunesse
À destination des 7-12 ans et plus, la première collection Des graines et des guides (Éditions À dos d’âne) dessine une série de portraits de femmes et d’hommes qui ont changé notre époque. Écrivains, artistes, cinéastes, musiciens, scientifiques... Écrit avec simplicité, présenté avec clarté, largement illustré de dessins d’artistes, chaque livre propose une approche poétique et ludique. Ouvrages de 48 pages, d’un format carte postale.
Achmy Halley et Tanguy Dohollau,
Marguerite Yourcenar, l’académicienne aux semelles de vent
Présentation de l’éditeur : Première femme élue à l’Académie française, Marguerite Yourcenar, qui a consacré sa vie à l’écriture et aux voyages, était aussi une amoureuse de la nature et des sagesses orientales. Cet ouvrage a été écrit et illustré par deux connaisseurs passionnés par l’œuvre de Marguerite Yourcenar. Éd. À dos d’âne,7 €.
Marianne Stjepanovic et Pauline Sciot, Joséphine Baker, la danse libérée
Présentation de l’éditeur :
Une jeune américaine noire danse jusqu’à Paris pour échapper à la misère. Devenue la célèbre Joséphine Baker, elle consacre sa vie à se battre contre le racisme avec pour seules armes la danse, la joie de vivre et la générosité. Éd. À dos d’âne, 7 €.
Agenda des actions de mécénat de la Fondation
La Poste
Fidèle aux valeurs du groupe La Poste, la Fondation soutient l’expression écrite en aidant l’édition de correspondances, en favorisant les manifestations artistiques qui rendent plus vivantes la lettre et l’écriture, en encourageant les jeunes talents qui associent texte et musique et en s’engageant en faveur des exclus de la pratique, de la maîtrise et du plaisir de l’écriture.
Novembre - décembre 2011
Aide à l'édition de correspondances et aux publications qui valorisent l'écriture épistolaire
Aragon, Lettres à André Breton (1918-1931). Éditions Gallimard, coll. Blanche
Parution : 17 novembre
L’ouvrage rassemble 170 lettres inédites de Louis Aragon à André Breton (dont 17 reproduites en fac-similé). La correspondance débute en mai 1918, lorsque les deux jeunes poètes, après avoir suivi la formation de médecin auxiliaire au Val-de-Grâce, sont séparés par la guerre. Elle traverse la période du surréalisme et se poursuit jusqu’en 1931, année de leur rupture, Aragon faisant alors le choix du communisme.
Correspondance générale de Napoléon, volume 8. Éditions Fayard. Ce 8ème volume de la Correspondance générale de Napoléon couvre l’année 1808 et janvier 1809 ; 1808 apparaît comme une année à la charnière de l’apogée de l’Empire - extension territoriale, conférence d’Erfurt - et du déclin - début de la guerre d’Espagne, effi cacité relative du blocus continental, hostilité croissante
de l’Autriche, problème de succession... C’est en 1808 que commence la fuite en avant qui va conduire les armées françaises à Cadix et à Moscou. La survie du régime dépend désormais du succès de ses armes, alors que les troupes impériales ne sont pas préparées à la guerre asymétrique qu’elles doivent mener en Espagne.
Il y a soixante dix ans dans les Ardennes (1938 - 1945). Éditions Terres ardennaises
Parution : 25 novembre
Raconte à partir de documents (textes, photos, récits, lettres, etc.) collectés par Terres Ardennaises, le Musée Guerre et Paix des Ardennes, les Archives départementales des Ardennes, la période 1938 - 1945 dans les Ardennes. Mais aussi la vie des réfugiés pendant l’exode ainsi que celle des prisonniers ardennais en Allemagne. La partie « correspondance » entre prisonniers et leur famille, entre réfugiés et leurs proches, représente environ 25 % de l’ouvrage.
Épistolaire revue de l’A.I.R.E. Association Interdisciplinaire de Recherche sur l’Epistolaire, n° 37. Artistes en correspondance.
Parution : décembre
Manifestations artistiques qui rendent plus vivantes la lettre et l’écriture
Colloque « La correspondance et la construction des identités en Europe centrale 1648 - 1848 » Maison des Sciences de l’Homme d’Aquitaine (MSHA) à Pessac Du 24 au 25 novembre 2011
Texte et musique
Un enfant de la Corrèze. L’Oeuvre de Secours aux Enfants (L’OSE). les 18 et 19 décembre
2011 et le 3 janvier 2012 au Théâtre de la Bruyère à Paris.
Engagement en faveur de l’écriture pour tous
Projets solidaires
Le Pied à l’Encrier - à Toulouse, Théâtre de Mazade Mardi 29 novembre 2011 CLAP : Centre de ressources et de Liaison pour les Associations et les Porteurs de projets en Midi-Pyrénées Le Pied à l’Encrier, Fête Régionale de l’écriture et de l’Expression Le Pied à l’encrier est un appel à textes destiné à des jeunes et des adultes, engagés dans une démarche d’apprentissage ou de ré-apprentissage de la langue française. Participants : les personnes inscrites dans des actions d’alphabétisation, de français langue étrangère, d’acquisition ou de ré-acquisition des savoirs de base proposées par des organismes de formation, des CFA, des centres sociaux, des établissements de réinsertion sociale et professionnelle ou d’éducation spécialisée, des sections éducation des maisons d’arrêt, et d’autres institutions engagées dans des missions d’intégration, d’insertion et de lutte contre l’illettrisme de la région Midi-Pyrénées... 700 personnes participent. Tous les textes adressés sont publiés dans un recueil intitulé « Le Pied à l’Encrier ». Cet ouvrage est offert à chaque participant à l’occasion de la Fête Régionale de l’Ecriture et de l’Expression le 29 novembre 2011 au Théâtre de Mazade à Toulouse, rencontre qui se déroule autour d’un programme de lectures-spectacles.
La Boîte à Mots. Mairie de ROANNE. Du 1er sept. 2011 au 30 juin 2012.
Projet né d’une réfl exion de la ville de Roanne sur l’accès à la Culture pour les publics éloignés.
Trois objectifs :
- faire découvrir le plaisir de lire et d’écrire
- amener les publics empêchés et éloignés à fréquenter la Médiathèque et plus largement les lieux culturels de la ville de Roanne
- constituer une réseau de partenaires (publics, privés, associations, bénévoles...) sensibilisés aux problématiques du livre, de la lecture et de l’écriture, les fédérer et leur apporter un soutien par des formations.
Tranches d’âges ciblées prioritairement : les enfants de 4 à 8 ans, les préados et adolescents, les adultes (parents)
Mise en place d’ateliers autour du livre, de la lecture et de l’écriture animés par des professionnels ou des personnels formés. La thématique choisie est commune à l’ensemble des ateliers proposés sur une année scolaire, elle constitue le fi l conducteur de l’action. Thématique 2010-2011 « Différences ». Le projet dure le temps d’une année scolaire. Le temps fort final est une exposition des travaux à la Médiathèque de Roanne avec un vernissage offi ciel où l’ensemble des participants est invité.
L’Apprenti Bus. De septembre 2011 à juin 2012.
L’Association Sport dans la Ville est une association d’insertion par le sport en France. L’ensemble des programmes mis en place par Sport dans la Ville, permet de favoriser l’insertion sociale et professionnelle des
2000 jeunes inscrits à l’association. Sport dans la Ville propose à chaque enfant des programmes sportifs, des programmes de découverte, des programmes d’insertion professionnelle mais également des ateliers de lecture, d’écriture et de communication. Dans ce cadre elle s’est associée à Méthodia (structure spécialisée dans le soutien scolaire) pour créer un programme pédagogique d’aide à la communication écrite et orale pour les jeunes âgés de 7 à 11 ans dénommé « L’Apprenti’Bus ».
Fort du succès du programme, en terme de résultats (évolution positive de la communication écrite et orale
de chaque jeune inscrit) et en terme de fi délité des enfants au programme « Apprenti’Bus », Sport dans la Ville souhaite développer dès septembre 2011 de nouvelles séances.
Ateliers d’écriture par la Compagnie la Baleine - Cargo à Saint-Martin-de-Ré.
D’avril à décembre 2011. Ateliers d’écriture et création d’un spectacle autour du thème « Où vont les sentiments quand ils disparaissent ? »
- Maison d’arrêt : 24 séances de 3h00 à partir du 19 avril et restitution-spectacle lors des deux dernières séances en décembre.
- Centre de polyhandicapés : 3 séances les 13 septembre, 11 octobre, 8 novembre.
Festival « Le Monde magique » - à Labège (31) Centre des Congrès Agora Toulouse
Dimanche 20 novembre Restitution d’ateliers d’écriture dans le cadre de la journée nationale de la Trisomie 21 pour la 3ème édition du festival pour enfants Le Monde Magique
Planète Urgence 2011 Congés solidaires. De janvier à décembre 2011
Deux missions de congés solidaires - en lien avec l’objet de la Fondation - en collaboration avec le Groupe La Poste et le consortium d’ONG Planète Urgence. Planète Urgence est une association qui a pour objet la lutte contre les inégalités Nord-Sud et la protection de l’environnement. Pour son développement, Planète Urgence s’appuie sur les principes de fonctionnement des congés solidaires, c’est-à-dire la mobilisation des entreprises via leurs collaborateurs volontaires qui souhaitent réaliser une Mission sur leurs propres congés, et plus largement via les citoyens qui s’engagent dans des projets de développement
en faveur des pays du Sud.
Maison Thérapeutique du Lycéen et du Collégien 2010-2011 (Unité de soins rattachée à l’EPSM Etienne Gourmelin Quimper). De septembre 2010 à décembre 2011. Ateliers d’écriture destinés à des jeunes de 12 à 20 ans souffrant de troubles psychologiques ou psychiatriques mais poursuivant une scolarité à temps plein ou partiel. Cet atelier culturel et ludique, conduit par une personne extérieure à l’unité de soins, vient en complément d’autres ateliers organisés par le personnel soignant. En favorisant le désir de s’exprimer, et de parler de soi, cet atelier constitue un préalable au travail psychothérapique.
Fondation Nationale de Gérontologie / « Lettre à...» 2011 - de septembre 2011 à juin 2012
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Auteurs
Nathalie Jungerman (Rédactrice en chef et responsable éditoriale indépendante)
Corinne Amar, Elisabeth Miso, Gaëlle Obiégly
ISSN 1777-563
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La Poste présidée par Marie-Rose
Guarniéri se compose aujourd’hui
de :
David Houte,
Élisabeth Sanchez,
Caroline Loustalot
Damien Laval.
Marie-Rose Guarniéri dans sa librairie,
novembre 2011
© Photo N. Jungerman
Marie-Rose Guarniéri a fondé la librairie
des Abbesses (Paris 18ème) en 1998.
La même année, elle a créé une distinction littéraire, le Prix Wepler-Fondation La Poste en collaboration avec la prestigieuse brasserie Wepler et la Fondation La Poste. Elle a conçu ce Prix, décerné chaque année en novembre, comme « une virée littéraire pure et non commerciale, qui défend l’écriture, les auteurs qui innovent ».
LES MEMBRES DU JURY 2011 :
Lola Creis, Lectrice
Alain Dutot, Lecteur (La Poste)
Caroline Vigner, Lectrice
Alice Maindron, Lectrice
Déborah Junca, Lectrice,
actuellement détenue au centre
pénitentiaire de Rennes
Christophe Rioux, Enseignant et
journaliste
Karine Henry, Libraire, (Librairie
Comme un roman, Paris 3ème)
David Houte, Libraire, (Librairie des
Abbesses, Paris 18ème)
Victor Pouchet, Critique littéraire
Marie-Madeleine Rigopoulos,
Journaliste
Gilles Tordjman, Journaliste
Marie-Rose Guarniéri, Fondatrice
du Prix Wepler-Fondation La Poste,
(Librairie des Abbesses)
Elisabeth Sanchez, Secrétaire
générale Prix Wepler-Fondation La
Poste
LES AUTEURS EN LICE :
Jean-Christophe Bailly, Le dépaysement : voyages en France, Seuil
Lilyane Beauquel, Avant le silence des forêts, Gallimard
Nicolas Bouyssi, S’autodétruire et les enfants, P. O. L
Sylvain Coher, Carénage, Actes Sud
Kamel Daoud, Le Minotaure 504, Sabine Wespieser éditeur
Patrick Deville, Kampuchéa, Seuil
François Dominique, Solène, Verdier
Alain Jaubert, Tableaux noirs, Gallimard
Philippe Lançon, Les îles, Éditions Jean-Claude Lattès
Éric Laurrent, Les découvertes, Éditions de Minuit
Lorette Nobécourt, Grâce leur soit rendue, Grasset
Sophie Schulze, Allée 7, rangée 38, Éditions Léo Scheer
LES LAUREATS :
Le Prix Wepler-Fondation La Poste a été remis à : Éric LAURRENT pour
Les Découvertes aux éditions de Minuit.
La Mention spéciale du jury revient à :
François DOMINIQUE pour Solène aux éditions Verdier.
François Dominique a fondé en 1987
les éditions Ulysse Fin de Siècle.
Il est l’auteur de plusieurs romans
et récits, de recueils de poèmes et
d’essais. Il est aussi traducteur.
Le Prix Wepler-Fondation La Poste et la mention spéciale (10 000 et 3000 euros) ont été attribués le 14 novembre à la brasserie Wepler (Paris, place de Clichy).
Séance de dédicaces des auteurs lauréats
le 8 décembre, de 18 h à 19 h 30
La séance se tiendra dans le hall d’accueil du musée, au sein d’un espace aménagé à proximité de la boutique.
Elle se déroulera lors d’une « nocturne » du jeudi,
le 8 décembre, de 18 h à 19 h 30.
L’Adresse - Musée de la Poste
34 boulevard de Vaugirard
75015 Paris
http://www.ladressemuseedelaposte.fr/
Éric Laurrent
Ph. Florence Chevallier
Éric Laurrent est né à Clermont-
Ferrand (Puy-de-Dôme) en 1966.
Il est l’auteur de dix romans publiés
aux éditions de Minuit.
Coup de foudre, 1995
Les Atomiques, 1996
Liquider, 1997
Remue-ménage, 1999
Dehors, 2000
Ne pas toucher, 2002
À la fin, 2004
Clara Stern, 2005
Renaissance italienne, 2008
Les Découvertes, 2011
Eric Laurrent
À la fin,
éditions de Minuit, 2004, 96 pages
Eric Laurrent
Clara Stern
éditions de Minuit, 2005. 189 pages
Eric Laurrent
Renaissance italienne
éditions de Minuit, 2008. 158 pages
Éric Laurrent
Les découvertes
Éditions de Minuit, 2011
Prix Wepler-Fondation La Poste
Extraits choisis
Eric Laurrent
Les Découvertes
En cette dernière année de maternelle que je suivais à l’école Saint-Austremoine, séculaire institution catholique dont les austères bâtiments, disposés en quadrilatère autour d’une vaste cour plantée de tilleuls et de platanes dont les racines soulevaient, fissuraient, voire crevaient le grisâtre et granuleux revêtement de bitume, avaient été taillés dans la même lave noire ayant servi à l’édification de toute la vieille ville, de la moindre de ses fontaines jusqu’à sa cathédrale (seule de son espèce à avoir été construite dans ce matériau et que l’anonyme auteur médiéval de l’Estoire veire d’Arvernis décrirait joliment comme « an grant dueil vestue »), et où mes parents m’avaient inscrit non par défiance envers l’instruction publique, mais (car elle faisait garderie le matin et le soir) tout simplement par commodité, en cette dernière année de maternelle, donc, lorsque vint le moment de nous inculquer des rudiments de lecture, je me révélai incapable de distinguer les unes des autres les lettres que l’institutrice traçait sur le tableau vert foncé de la salle de classe.
Ne saisissant pas en vertu de quelle ésotérique convention ces signes, qui manifestement se ressemblaient tous, dussent se prononcer de manière différente, il m’avait alors paru - puisque, de toute évidence, le plus grand arbitraire régnait en ce domaine - que retourner tout ce qui me passait par la tête constituait l’attitude la plus appropriée quand il m’était demandé de les identifier. Encouragé par l’hilarité générale que je provoquais en la circonstance, je devenais chaque fois plus prolixe dans mes réponses, jetant pêle-mêle la moitié de l’alphabet ou les mots les plus saugrenus qui me venaient à l’esprit, insensible aux punitions que m’attiraient ces pitreries, dont la principale, qu’on appelait le piquet, consistait à demeurer debout et immobile, les mains jointes dans le dos, face au mur, dans un coin de la pièce, punitions qui, loin de m’humilier, m’entouraient du plus grand prestige auprès de mes petits camarades, lequel s’étendrait à l’école tout entière le jour où l’institutrice, à court d’indulgence, m’obligerait à sortir à l’heure de la récréation coiffé du poussiéreux bonnet d’âne qu’elle avait extrait du fond de l’armoire où, par suite des événements de Mai 68 et de la remise en cause des valeurs traditionnelles qui leur succéda, l’abandon des méthodes d’éducation les plus vexatoires l’avait relégué quelques années plus tôt, apparition que (passé l’ébahissement qu’elle suscita aussitôt dans la cour, au point de plonger celle-ci dans un inhabituel silence) un, puis deux, puis trois, puis dix, enfin tous les élèves de l’établissement, s’étant attroupés autour de moi, saluèrent au cri joyeux de « C’est Sa Majesté Carnaval ! C’est Sa Majesté Carnaval ! ».
Ce fut là, si je puis dire, mon couronnement.
© Éditions de minuit, 2011
François Dominique
Solène
Il fait chaud, les cigales grincent. Mes frères traînent les pieds sur le gravier. Mes parents font la sieste sous le magnolia. Nik veut jouer à la main transparente ou aux regards croisés. Je préfère aller dans ma chambre et lire les yeux fermés, branchée sur ma console. Nous avons de la chance, l’électricité fonctionne encore, mais il est impossible de communiquer au-delà de la zone protégée, car les ondes sont brouillées. Il n’y a sur nos mirêtres que des bouillies de points gris et beaucoup de grésillements. Je n’arrive pas à fixer mon attention sur certains mots qui défilent dans ma tête, et pourtant j’aime ce livre, L’Année pérenne, c’est mon cadeau d’anniversaire. Je pense à Ludo ; la nuit dernière, mon petit frère s’est levé pour aller aux toilettes. Il y avait de l’orage, un éclair a lancé une lumière vive dans le couloir. Ludo est revenu en courant, s’est recouché, la tête sous les draps et s’est mis à chantonner. C’était beau, mais il n’en savait rien ; c’était une chanson d’enfant qui a peur.
Nik et Rob sont mes frères aînés ; ils partagent une chambre à l’étage, à gauche de la nôtre. Entre ces deux chambres il y a notre salle de bains. Un couloir sépare le côté des enfants et le côté des parents où se trouvent leur chambre et une salle d’eau, suivies d’un cagibi, du bureau de mon père et des toilettes, en face de la cage d’escalier. Chaque extrémité du couloir est éclairée par une fenêtre ovale. Celle du fond, vers ma chambre, a des carreaux teintés ; elle donne sur un hangar, une haie de thuyas, un mur d’enceinte.
En bas de l’escalier, il y a un vestibule dallé. Tournez le dos à la grande porte d’entrée en chêne, vous verrez une porte vitrée donnant sur le couloir du rez-de-chaussée ; à gauche il y a une enfilade de placards jusqu’à la porte de la cave ; à droite, le salon et la cuisine. Sous les toits se trouvent un grenier qui sert de débarras et une chambre en soupente où il n’est pas permis d’aller...
Notre maison se nomme Les Lisières. Elle est située sur une colline qui domine les ruines de Caluire et de La Croix Rousse. Il vaut mieux ne pas rôder dans Caluire ; on n’y voit que des urnes alignées sur les trottoirs, devant les portes, et beaucoup trop de ronces et d’orties. Mon père dit que c’est la même chose à Genève, Trantor, Dunwich, Prague, Opar, Carcosa, Berlin, Alqualondë, Rome ou Xanadu... Je ne parle pas des villes noyées sous les eaux.
Nous habitons une zone couverte de jardins abandonnés. En cette saison, les prairies et les pelouses en friche sont couvertes de fleurs sauvages. Il paraît que nos murs sont mitoyens avec d’autres domaines. Les autres maisons sont-elles vides ? Sont-elles habitées ? Je n’en sais rien ; il n’est pas conseillé d’aller vérifier. Les Lisières se trouve à cent pas du village nommé Poleymieux, fameux repaire de chats, de rats et de Blafards qui ont déserté les ruines de la ville basse.
© Éditions Verdier, 2011
Sites internet
Vidéo de la soirée Prix Wepler Fondation La Poste 2011
Éditions de Minuit - Eric Laurrent
http://www.leseditionsdeminuit.com/...
Éditions Verdier - François Dominique
http://www.editions-verdier.fr/v3/o...
Librairie des Abbesses
http://librairiedesabbesses.blogspo...
Brasserie Wepler
http://www.wepler.com/
Agenda
Expositions
« Walter Benjamin Archives »
Musée d’art et d’histoire du Judaïsme (Paris)
Du 12 octobre 2011 au 5 février 2012h
Une exposition de l’Akademie der Künste de Berlin, de la Hamburger Stiftung zur Förderung von Wissenschaft und Kultur, et du Musée d’art et d’histoire du Judaïsme.
Né à Berlin en 1892, dans une famille juive assimilée, Walter Benjamin s’est suicidé à la frontière franco-espagnole le 26 septembre 1940, devant la menace d’être livré aux nazis et envoyé à la mort. C’est à l’un des philosophes et critiques les plus importants du XXe siècle que l’exposition Walter Benjamin Archives est consacrée ; son ambition est de montrer la manière dont le penseur allemand organisait, préservait et inventait ses propres archives, à mesure de ses recherches.
L’exposition rassemble des matériaux, des supports, des objets ou des écrits (manuscrits, tapuscrits, cartes postales, carnets de notes, enveloppes, tickets, photographies, coupures de presse, registres, fichiers, répertoires, carnet d’adresses, paperolles, etc.), qui témoignent tous d’une exigence constante chez Walter Benjamin : arracher à l’oubli une pensée en devenir et en organiser le sauvetage, qu’il s’agisse de sa propre pensée, de celle de ses proches ou de pans entiers de l’histoire négligés. L’exposition est divisée en treize sections auxquelles s’adjoignent neuf sections conçues spécialement pour la présentation au MAHJ.
Sa vie durant, Walter Benjamin a pris soin de confier ses textes, notes ou manuscrits à différents amis (dont Gershom Scholem et Gretel Karplus). À la diversité des matériaux s’ajoute donc le caractère fragmentaire de ces « dépôts ». Ainsi émerge une constellation mouvante d’archives dispersées qui vient former un paysage de pensée d’une rare intensité. Voulue et organisée, cette dispersion fut amplifiée par les aléas de l’histoire : l’exil en France de Walter Benjamin à partir de 1933, ses périodes de refuge aux Baléares ou au Danemark, la disparition de sa bibliothèque, puis la partition de l’Allemagne après-guerre.
Collectionneur passionné (de livres pour enfants notamment), Walter Benjamin a adapté l’objet et la méthode de la collecte au travail de la pensée. L’extraction, le découpage, la citation, le montage, l’association, la juxtaposition, ou encore la mise en regard furent autant de gestes qui lui permirent de déconstruire des logiques de représentation dominantes et de faire apparaître des configurations inédites à l’origine de lectures radicalement nouvelles de l’histoire, de la littérature, du rapport de l’art au politique.
En nous conviant à découvrir ses micrographies et ses propres inventaires, en nous ouvrant ses correspondances, fichiers ou carnets de notes, en montrant son travail de recherche bibliographique ou la constitution de ses collections, cette exposition révèle un mode de pensée et une vision du monde réfléchis dans chacun des actes de Walter Benjamin.
Commissariat allemand de l’exposition : Erdmut Wizisla
Coordination au MAHJ : Pascal Concordia, avec Virginie Michel
Conseiller scientifique auprès du MAHJ : Florent Perrier
Le livre Walter Benjamin Archives est publié aux éditions Klincksieck à l’occasion de l’exposition.
Musée d’art et d’histoire du Judaïsme
71 rue du Temple
Hôtel-de-Saint-Aignan
75003 Paris, France
Tel : 01 53 01 86 53
http://www.mahj.org/
Format de poche Louise Michel
Maison de Victor Hugo
Du 20 septembre 2011 au 8 janvier 2012
À l’occasion de l’anniversaire de « L’Année Terrible » (1871), la Maison de Victor Hugo à Paris consacre un « format de poche » à Louise Michel.
Louise Michel (1830-1905), institutrice socialiste puis anarchiste, s’engage activement dans la Commune de Paris (1871). Arrêtée par les Versaillais, elle est déportée en Nouvelle Calédonie. Elle s’intéresse à la culture canaque et s’insurge contre le colonialisme. Après l’amnistie, elle revient à Paris en 1880 et poursuit son activité de militante, donnant des conférences à travers la France et en Europe. Inquiétée par la police, elle s’exile à Londres en 1890 où elle écrit Histoire de ma vie, qui complète ses Mémoires publiées en 1886. Elle est l’auteure de nombreux écrits, témoignages (La Commune), romans (La Misère, Les Méprisées...), poèmes, pièces de théâtre, contes... Grande lectrice de Victor Hugo, qu’elle cite et dont elle s’inspire dans ses écrits, elle partage sa haine pour l’Empire et sa défense des « misérables ». Elle signe ses articles politiques « Enjolras », hommage à l’intransigeant révolutionnaire des Misérables, et rencontre Victor Hugo à plusieurs reprises, avant et après l’exil. Elle lui adresse une importante correspondance et trouve en lui un confident. Pendant la Commune, Hugo s’éloigne des Communards dont il réprouve les moyens, mais il les soutient pendant leur répression par les vainqueurs et lutte pour obtenir leur amnistie. Déportée à l’autre bout du monde, Louise Michel se souvient du « grand exilé » dont elle transcrit les vers sur les rochers océaniens.
Autour du manuscrit d’Histoire de ma Vie de Louise Michel et d’une dizaine de dessins, notamment des illustrations de « L’Année terrible », l’accrochage présentera une trentaine d’ouvrages, dont de nombreuses éditions originales, autant de lettres manuscrites et d’estampes et imprimés. Réalisé à partir des collections de la Maison de Victor Hugo et de celles de la Bibliothèque Marguerite Durand, avec la participation de la Bibliothèque de l’Hôtel de Ville, il se décline en plusieurs thèmes : Louise Michel poétesse romantique, républicaine sous l’Empire, combattante pendant « l’année terrible » et éternelle révoltée.
Maison de Victor Hugo
6 place des
le CO2 ,la venelle de l'environnement etc !! par un ami ! (venelle=ruelle)
Ci-joint une lettre faite par un scientifique, et je pense qu’il a raison ce garçon !!!!!! on nous fait à toutes les sauces du catastrophisme, on nous bourre le mou (du moins ce qu’il en reste),à réfléchir et à méditer de tout ça, bon allez….. je vais courir pour prendre un bol de CO2
Bonjour mes chers amis,
Figurez-vous qu'en ce moment, je passe mon temps à élaguer les arbres de mon jardin; depuis hier, je suis dans mon Charme (Carpinus betulus) et entre deux coups de scie, je ne puis m'empêcher de m'émerveiller sur la vigueur des essences arborées et quand je vois l'énorme surface foliaire qui peut être développée, je pense immanquablement au miracle de la photosynthèse qui utilise 3 élément fondamentaux: des photons, du CO2 atmosphérique et de l'eau... et la machine fonctionne, elle vous produit tout ce que le monde animal ne sait pas faire! Fantastique !
Alors, je pense à plusieurs choses
1) A cette campagne que l'on a vu fleurir aux Etats-Unis: CO2 = Poison. Maman ! supprimons le CO2 de notre atmosphère et c'est la mort assurée du règne végétal et donc du monde animal, et de l'homme par conséquence.
2) S'en aller jusque là, les écolos bons teints craignent tout de même que le processus de photosynthèse ne puisse supporter un excès de CO2, il y aurait pour eux un seuil à ne pas dépasser... Les pauvres ! Toutes les études sérieuses montrent qu'en doublant le taux de CO2, on double le volume du système racinaire et l'on double la surface foliaire et donc la quantité de CO2 absorbée et la quantité d'Oxygène rejeté. On diffuse justement du CO2 dans pas mal de serres pour accroître la production.
Et puis quoi ? Ils s'alarment parce que nous en sommes à 380 ppm de CO2 dans l'air (0,038 %), ils devraient aller faire un tour dans la période du Carbonifère: le taux y était de 5000 ppm (0,5%) soit 13 fois plus qu'aujourd'hui. Vous connaissez le résultat ?: la végétation n'a jamais été aussi productive et de sa fossilisation l'on continue toujours aujourd'hui à en tirer le charbon...
3) Grammes de CO2, Grammes de CO2... ! Et cette voiture n' émet que 150 g. de carbone au kilomètre ! et ton voyage en avion coûte 3 kg, ! et, et... (et combien de g de CO2 pour les belles lunettes fluo d'Eva Joly ? et pour les voyages et les gels douche Ushuaia de Mr Hulot ? et pour les robes de Cécile Duflot ? et le taxi de Mr Mamères ?)
Il y a longtemps que je me pose la question: mais comment calculent-ils ? Bon ! on sait que 1 kg de CO2 contient 0,2727 kg. de Carbone. Je suppose qu'on évalue la production de CO2 inhérentes aux diverses étapes d'élaboration d'un produit. Mais comment ? Qu'est que l'on rentre là dedans ? Avec quels critères ? Je suis allé voir quelques sites dont celui de l'ADEME, c'est le flou total et pas mal de laboratoires estiment que les chiffres données sont fantaisistes. Bon ! peu importe, passons ! mais servons nous de ces grammes de CO2:
4) Et j'ai eu la curiosité d'aller voir ce que pouvait bien coûter en CO2 la production de 1 Kwh. électrique.... Chers amis, vous le savez mais regardez bien ce tableau, ça vaut le coup:
- pour 1 Kwh. produit Type de production Grammes de CO2 produit
- Hydroélectricité 4 g.
- Nucléaire 6 g
- Eolienne 13 g.
- Photovoltaïque 105 g.
- Centrale thermique à gaz 883 g.
- Centrale thermique à Fuel 891 g
- Centrale thermique à charbon 978 g.
(et idem avec le bois)
Edifiant, n'est ce pas ?
Alors voilà en clair l'affreux paradoxe et l'ineptie de vouloir diminuer ou pire supprimer l'énergie d'origine nucléaire. Mais comment vont-ils faire jarnicoton ?:
- Refaire fonctionner du thermique qui émet en moyenne 150 fois plus de CO2 ? (vous voyez, vous une sidérurgie fonctionner avec l'éolien ? le solaire ? le méthane des vaches ?...)
- Comment va faire l'Allemagne pour son industrie ? Elle va refaire du charbon ? Et elle devra bien nous acheter de l'électricité. Idem pour l'Italie.
- Comment fait-on si l'on veut réindustrialiser le pays ?
Et puis, et puis... il y a un truc que je ne supporte pas: c'est d'entendre dire que le nucléaire, c'est une énergie dépassée (ou du passé)... Mais quelle ignorance de l'histoire des sciences et des techniques et quel mépris pour tous ceux qui ont travaillé et qui travaillent dans la filière !
Enfin, pour rigoler un bon coup: un mot sur le méthane rejeté par nos chères vaches. Figurez-vous qu'il ne s'échappe pas par leur trou de balle comme l'on croît mais par la gueule. Maman ! Les vaches ont de beaux yeux mais qu'elles sont dégoûtantes !: elles pètent et ont le cul sale et elles puent du méthane en rotant... Pas intérêt à fumer en lui faisant des poutous...
Bonjour mes chers amis,
Figurez-vous qu'en ce moment, je passe mon temps à élaguer les arbres de mon jardin; depuis hier, je suis dans mon Charme (Carpinus betulus) et entre deux coups de scie, je ne puis m'empêcher de m'émerveiller sur la vigueur des essences arborées et quand je vois l'énorme surface foliaire qui peut être développée, je pense immanquablement au miracle de la photosynthèse qui utilise 3 élément fondamentaux: des photons, du CO2 atmosphérique et de l'eau... et la machine fonctionne, elle vous produit tout ce que le monde animal ne sait pas faire! Fantastique !
Alors, je pense à plusieurs choses
1) A cette campagne que l'on a vu fleurir aux Etats-Unis: CO2 = Poison. Maman ! supprimons le CO2 de notre atmosphère et c'est la mort assurée du règne végétal et donc du monde animal, et de l'homme par conséquence.
2) S'en aller jusque là, les écolos bons teints craignent tout de même que le processus de photosynthèse ne puisse supporter un excès de CO2, il y aurait pour eux un seuil à ne pas dépasser... Les pauvres ! Toutes les études sérieuses montrent qu'en doublant le taux de CO2, on double le volume du système racinaire et l'on double la surface foliaire et donc la quantité de CO2 absorbée et la quantité d'Oxygène rejeté. On diffuse justement du CO2 dans pas mal de serres pour accroître la production.
Et puis quoi ? Ils s'alarment parce que nous en sommes à 380 ppm de CO2 dans l'air (0,038 %), ils devraient aller faire un tour dans la période du Carbonifère: le taux y était de 5000 ppm (0,5%) soit 13 fois plus qu'aujourd'hui. Vous connaissez le résultat ?: la végétation n'a jamais été aussi productive et de sa fossilisation l'on continue toujours aujourd'hui à en tirer le charbon...
3) Grammes de CO2, Grammes de CO2... ! Et cette voiture n' émet que 150 g. de carbone au kilomètre ! et ton voyage en avion coûte 3 kg, ! et, et... (et combien de g de CO2 pour les belles lunettes fluo d'Eva Joly ? et pour les voyages et les gels douche Ushuaia de Mr Hulot ? et pour les robes de Cécile Duflot ? et le taxi de Mr Mamères ?)
Il y a longtemps que je me pose la question: mais comment calculent-ils ? Bon ! on sait que 1 kg de CO2 contient 0,2727 kg. de Carbone. Je suppose qu'on évalue la production de CO2 inhérentes aux diverses étapes d'élaboration d'un produit. Mais comment ? Qu'est que l'on rentre là dedans ? Avec quels critères ? Je suis allé voir quelques sites dont celui de l'ADEME, c'est le flou total et pas mal de laboratoires estiment que les chiffres données sont fantaisistes. Bon ! peu importe, passons ! mais servons nous de ces grammes de CO2:
4) Et j'ai eu la curiosité d'aller voir ce que pouvait bien coûter en CO2 la production de 1 Kwh. électrique.... Chers amis, vous le savez mais regardez bien ce tableau, ça vaut le coup:
- pour 1 Kwh. produit Type de production Grammes de CO2 produit
- Hydroélectricité 4 g.
- Nucléaire 6 g
- Eolienne 13 g.
- Photovoltaïque 105 g.
- Centrale thermique à gaz 883 g.
- Centrale thermique à Fuel 891 g
- Centrale thermique à charbon 978 g.
(et idem avec le bois)
Edifiant, n'est ce pas ?
Alors voilà en clair l'affreux paradoxe et l'ineptie de vouloir diminuer ou pire supprimer l'énergie d'origine nucléaire. Mais comment vont-ils faire jarnicoton ?:
- Refaire fonctionner du thermique qui émet en moyenne 150 fois plus de CO2 ? (vous voyez, vous une sidérurgie fonctionner avec l'éolien ? le solaire ? le méthane des vaches ?...)
- Comment va faire l'Allemagne pour son industrie ? Elle va refaire du charbon ? Et elle devra bien nous acheter de l'électricité. Idem pour l'Italie.
- Comment fait-on si l'on veut réindustrialiser le pays ?
Et puis, et puis... il y a un truc que je ne supporte pas: c'est d'entendre dire que le nucléaire, c'est une énergie dépassée (ou du passé)... Mais quelle ignorance de l'histoire des sciences et des techniques et quel mépris pour tous ceux qui ont travaillé et qui travaillent dans la filière !
Enfin, pour rigoler un bon coup: un mot sur le méthane rejeté par nos chères vaches. Figurez-vous qu'il ne s'échappe pas par leur trou de balle comme l'on croît mais par la gueule. Maman ! Les vaches ont de beaux yeux mais qu'elles sont dégoûtantes !: elles pètent et ont le cul sale et elles puent du méthane en rotant... Pas intérêt à fumer en lui faisant des poutous...
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