En défense d’Internet et de WikiLeaks (1): nous autres, barbares… » Article » OWNI, Digital Journalism
"""“L’Internet civilisé”, grand œuvre du gouvernement
Ce vote augure mal de la suite dans le contexte de panique suscité chez nos gouvernants par les révélations de WikiLeaks. A l’exception notable de Christine Lagarde, le pouvoir, faisant chorus avec les tendances les plus réactionnaires de l’opinion américaine, s’est empressé de juger irresponsable et totalitaire l’activité de WikiLeaks (Nicolas Sarkozy), de l’accuser de vol et de recel et de vol (François Fillon) et, même, avec le zèle empressé qui caractérise Éric Besson (nouveau ministre en charge du numérique), de vouloir carrément le censurer en France, en interdisant qu’on puisse l’héberger. Sur son blog, Maître Eolas (que son récent déjeuner à l’Elysée n’a heureusement pas rendu moins vigilant et mordant) dit ce qu’il faut penser, en droit et en raison, de cette inquisition, où il s’agit, par opportunité politique, de «faire la chasse à un site qui ne fait rien d’illégal en droit français mais embête notre ami américain». Heureusement, pour l’heure, notre justice n’a pas suivi M. Besson et l’hébergement de WikiLeaks en France peut se poursuivre normalement.
Mais le pire, si nous n’y prenons garde et si nous ne nous mobilisons pas, peut venir de ces grandes messes mondiales que Nicolas Sarkozy est si fier de présider en 2011, dans son tour de chauffe international avant la présidentielle de 2012: les G8 et G20, regroupements, pour l’un, des puissances du monde d’hier et, pour l’autre, de ces dernières associés à celles du monde de demain. Au début de l’automne 2010, l’Elysée avait fait savoir que deux sujets étaient jugés importants par cette future présidence française et dignes d’être mis à l’ordre du jour des débats entre puissances par Nicolas Sarkozy: les flux migratoires et Internet. D’un côté donc, la circulation des hommes et, de l’autre, celle des idées, des opinions et des informations. Cet ordre du jour (car l’on pourrait en proposer bien d’autres dont les mots d’égalité, de solidarité, de justice, de fraternité, de liberté, etc., seraient les inspirateurs) était en lui-même tout un programme, comme l’aveu d’une double peur, celle des hommes et des idées qui marchent ensemble, bougent, se déplacent, circulent, se mêlent, etc.
Sans doute ne faut-il pas faire de procès d’intention et attendre pour connaître les intentions exactes de Nicolas Sarkozy. Mais les épisodes LOPPSI et WikiLeaks donnent une tendance, confirmant ce qui s’exprimait dans une lettre adressée le 29 septembre 2010 par le président de la République à celui qui était encore son ministre des affaires étrangères. En vue d’une Conférence internationale consacrée à la liberté d’expression sur Internet, conférence qui sera finalement annulée, Nicolas Sarkozy fixait sa feuille de route à Bernard Kouchner. Elle était résumée d’une formule imagée: l’objectif, écrivait-il, est «de bâtir un Internet civilisé». Nicolas Sarkozy aurait pu évoquer un Internet «régulé», c’est-à-dire avec des règles, des droits et des devoirs, notamment pour ces nouvelles forces économiques que sont les multinationales du numérique dont la puissance est, en elle-même, facteur de déséquilibre, d’atteinte au pluralisme, de concurrence faussée, etc. Non, il a préféré parler d’un «Internet civilisé», ce qui suppose qu’y règnent des barbares sans contrôles qu’il faudrait donc amener, y compris par la contrainte, à une civilisation supérieure. Sa vision est clairement verticale, autoritaire et sécuritaire.""""
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